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Longs feux d’Algérie

Sur les planches / mardi 13 mai 2008 par Etienne Leterrier
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La nuit des feux, d’Eugène Durif au théâtre de la Colline (Paris XXe) évoque la nuit du départ pour l’Algérie d’un bataillon de jeunes recrues. Chant du départ, à la lumière des flammes.

Août 1957 : fête de la Saint-Jean. Les nouveaux conscrits pour l’Algérie profitent de leur dernière nuit avant le départ. Au même moment, Jean Levert, un soldat plus âgé retrouve son épouse au bout d’un an et demi d’enfermement. Il s’est insurgé contre cette guerre, injuste à ses yeux, et a été dénoncé.

La nuit des feux, c’est donc une nuit de départ à la guerre, une nuit vers le feu. C’est aussi la nuit du solstice d’été, nuit de rites archaïques, de bûchers et de magie, où les habitants sautent au-dessus des brasiers allumés pour fêter les récoltes. Mais Jean Levert le sait : ces récoltes annoncent de bien plus sombres moissons, humaines celles-ci.

Cette ambiguïté d’un rituel de départ, d’initiation et de sacrifice sert à Eugène Durif de fil conducteur dans sa pièce. C’est un personnage à part qui l’incarne, à la fois coryphée tragique, entraîneuse de guinguette, et déesse gouailleuse portant cornes de cerf et lingerie écarlate. D’une voix rauque ou suave qui chante ou qui menace, Mélanie Menu scande l’action et donne voix à ce départ, à la mort prochaine, aux rives algériennes meurtries… et meurtrières.

Les conscrits quant à eux sont jeunes : à peine des hommes. Envoyés en Algérie pour aller « casser du fel’ », les voilà aussitôt devenu bourreaux en puissance et victimes désignées. Leur trouille se mêle à leur excitation ; ils se racontent les horreurs transmises par les vétérans, dont Kit Carson l’ivrogne, qui sait tout des abominations commises. Dans cette folle nuit, les conscrits font aussi les yeux doux et bandent dur, cherchant à connaître des femmes avant leur départ : ils sont semblables aux cerfs, et eux-mêmes déjà futur gibiers de chasse à l’homme.

Le tableau de cette jeunesse impulsive et animale, prête au sacrifice dans le clair-obscur des feux aurait eu de quoi susciter un spectacle cérémoniel, violemment lyrique. Karelle Prugnaud a préféré opter pour un traitement presque uniformément burlesque du texte de Durif, non sans recourir à quelques "trucs", parfois un peu éculés : galopades, trompettes, peinturlure, fesses et cocardes tricolores. Les conscrits arpentent les planches de long en large, boivent, vocifèrent ou chantent à tue-tête, trop souvent cantonnés à un registre paillard et troupier. Le recours systématique à la frontalité et à des chansons plutôt inégales finit aussi par sentir le procédé qui n’opère rapidement plus.

Pourtant, la première image du spectacle qui montre la projection en négatif d’un renard furtif avait de quoi promettre en subtilité. Idem pour la partition sonore joliment envoûtante et les projections vidéo qui durant la pièce habillent le décor d’un camouflage mouvant. Il fallait peut-être une griffe un peu plus shakespearienne pour parvenir à lier la sauce burlesque à la poésie animale de cette nuit d’été. Si La nuit des feux n’est pas totalement dépourvue d’efficacité, il lui manque pourtant sa part d’ombre, de sortilège et de silence.

La Nuit des feux, d’Eugène Durif, mis en scène par Karelle Prugnaud. Au théâtre de la Colline, jusqu’au 29 mai 2008.


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2 MESSAGES

Forum

  • Longs feux d’Algérie
    le mardi 27 mai 2008 à 02:14, un spectateur a dit :
    moi, j’ai beaucoup aimé ce spectacle, et je trouve que la façon de l’aborder ici est vraiment bornée et limitée…
    • Longs feux d’Algérie
      le samedi 7 juin 2008 à 23:54, alceste a dit :
      j’ai vu le spectacle et je suis assez d’accord avec vous. Mais c’est vrai que les critiques souvent nous parlent du haut de leur supériorité, la supériorité et la suffisance de ceux qui n’ont jamais rien approché, ni rien tenté et peuvent se permettre, de la sorte, de trancher…en tout cas, le soir où j’ai vu ce spectacle le public semblait touché…
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