Présentation d’une pièce hors-normes qui explore les confins du théâtre, de la science et de la philosophie ; « Tournant autour de Galilée », de Jean-François Peyret. La cerise sur le gâteau, c’est la majestueuse, lunatique et superbe truie « Bibi ».
« Et Bibi ? Tu l’as trouvée comment ? (rires) Epatante, non ?… Ce naturel ! Cette spontanéité ! » (…)
Non, ce n’est pas de l’indéniable talent de Jeanne Balibar que s’extasiaient ces théâtrophiles avertis vendredi 28 mars 2008, accoudés au bar du théâtre de l’Odéon-Ateliers Berthier. Le véritable objet de leur idolâtrie ? La truie « Bibi ». L’une des interprètes du dernier spectacle de Jean-François Peyret intitulé « Tournant autour de Galilée ».
L’universitaire et metteur en scène inclassable y propose, comme dans ses précédents travaux, une exploration des confins du théâtre, de la science et de la philosophie. Mais pas question de mettre en scène, comme Brecht, la confrontation du savant toscan à l’obscurantisme catholique : ici, c’est par un va-et-vient permanent entre la vie de Galilée, textes d’auteurs et réflexions savantes que Jean-François Peyret dessine en creux la silhouette du plus célèbre apôtre de l’héliocentrisme et donne à entendre la passion du savoir face au silence de la nuit.
Prometteur ? De fait, le spectacle n’est pas sans réussites. Notamment la scène où une Galilée / Jeanne Balibar plaide en faveur du savoir scientifique contre les préjugés du Livre, devant Sa Majesté Bibi qui, lunatique et superbe, se bâfre de ses travaux. Pourtant dans le climat symbolico-abstrait imaginé par Nicky Rieti – une cage cubique en gaze, une sphère gigantesque et des boules gonflables – le propos de la pièce a vite fait de battre la campagne intersidérale. Rapidement, le spectateur se perd alors dans les rayons des bibliothèques du couvent d’Arcetri d’où Sœur Marie-Céleste (ça ne s’invente pas…) écrit à son Galilée de père. En dépit de l’engagement de ses comédiens et de celui des trois danseuses (qui effectuent en galopant sur scène les révolutions lunaires et miment la chute des corps), le spectacle de Peyret semble souvent long, piégé par l’abstraction de son propos et l’accumulation de références plus ou moins indigestes.
Cochon n’est pas chien pour autant : si les trente premières minutes du spectacle voient décamper les spectateurs nostalgiques de la température pourtant frisquette du dehors, les plus tenaces restent et persévèrent. Il faut sûrement cela pour goûter l’étrange poésie et l’absence de concession d’un spectacle résolument hors-normes, aux antipodes du clinquant, et qui explore avec âpreté sa propre voie… probablement lactée.