« Race » : le mot claque comme une insulte. En France, il a l’étrange vertu de réunir la coalition la plus improbable, de l’extrême droite néo-maurrassienne à l’extrême gauche tout aussi réactionnaire, en passant par les enfants attardés d’un gaullisme qui n’existe plus que dans l’esprit de ceux qui s’en réclament. Soit dit en passant, que le PS se retrouve dans cette soupe en dit long sur son fond de commerce et sur son désarroi intellectuel et moral. De Gaulle, au moins, sur ce thème comme sur d’autres, avait pour lui d’être de Gaulle, autrement dit un géant du siècle. Dans sa bouche, le discours « anti-atlantiste », lisez anti-américain, se parait du prestige de la Résistance, de la décolonisation et d’une « certaine idée de la France », c’est-à-dire de la Nation, c’est-à-dire encore de la France : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ». A l’examen de l’affaire Eric Zemmour, un de Gaulle qu’il aurait sans doute fallu conduire sur l’échafaud de la diversité ?
L’abus du mot « nazi » et de la croix gammée pour stigmatiser l’autre trahit une inculture historique et un manichéisme de taureau affolé par le chiffon du matador. Il offense ceux qui ont pâti du régime hitlérien ; il en banalise paradoxalement les méfaits. Mettons-nous dans la peau d’un Eric Zemmour que traque la police de la pensée comme s’il avait violé en tournantes toutes les filles de Paris. Etre nazi, se dit l’observateur, ce ne serait que ça ? Pas grand-chose en somme. Comme sa galéjade pour khâgneux lui a valu les honneurs des médias, avec en prime la volupté de la transgression verbale, le voilà prêt à la récidive avec le prénom de la fille de Rachida Dati, lui et d’autres qui rêvent d’être au moins une fois sous les feux du néon (au lieu de la rampe), quitte à passer quelques nuits au violon. Bref, cette affaire d’existence de races différentes et de Zohra pointée qui a mis les colonnes infernales de l’antiracisme en branle ne méritait pas une brève. Le désordre faramineux qui règne dans les neurones de nos éminences et de nos plumitifs en a fait un fromage pas très frais.
Bernanos se moquait des belles âmes qui parlent au nom du cœur comme d’autre parlent du nez. Il serait sans pitié pour ces brames offusqués de patronnesses en mal de satyre dont l’écho, grâce au ciel, se perd vite dans le néant. Mais ils révèlent une dérive fâcheuse vers la barbarie droit-de-l’hommiste. En effet, l’esprit civilisé hiérarchise sa pensée par le truchement d’une mémoire et régente ses affects sur le mode comparatif. Totalement captif de ses émotions, le barbare moderne ne connaît que le superlatif. A l’aune de ses nerfs en pelote, tout se vaut. Donc, rien ne vaut. De Bruno Roger-Petit, modeste chroniqueur sur la grande Europe 1 au Mrap, du magazine Entrevue à Télérama sous la plume au vitriol de Thierry Leclère, de Dominique Sopo, président de SOS Racisme à Patrick Lozès du Cran, ces appels au bûcher pour Zemmour, ces incantations à la seule émotivité, ce florilège de hurlements de vierges effarouchées après le viol de leurs certitudes, cette danse des cœurs faussement brisés autour d’un mot insignifiant (au sens étymologique du terme) sont tellement dérisoires qu’ils prêteraient à sourire s’ils n’étaient le symptôme d’une barbarie qui gagne nos sphères dominantes. Journalistes, dirigeants associatifs et responsables politiques.
Eric Zemmour « descend » de juifs berbères devenus français par le décret Crémieux de 1870, ce qui ne le prémunit de rien. Certes son explication sommaire était d’un goût provocateur. Mais le concert d’indignations superlatives a passé les bornes du ridicule. L’enflure des titres de la presse écrite et l’outrance des propos de militants antiracistes laissaient penser que notre compatriote d’origine sénégalaise, Rokhaya Diallo, qui préside « Les Indivisibles », une association luttant contre les préjugés ethno-raciaux, venait de subir les affres d’un bombardement en règle, avec monceaux de cadavres autour des cités. Son honneur ayant été « bafoué », rien de moins, on sommait la justice de débusquer le coupable Zemmour pour le châtier « avec la plus extrême rigueur ». Courageusement adossés au succès cathodique de SOS Racisme et du Cran, le Conseil représentatif des associations noires, nos gloseurs ont dégainé une démonologie médiévale pour opposer aux bons petits nègres du pays de Voltaire, cet Empire revu en Hexagone par de Gaulle, l’odieux « nazi » Zemmour de la télé publique. Et, en effet, on n’est pas couché. On aurait pu agrémenter d’une croix gammée cette caricature larmoyante. Seulement voilà, Eric Zemmour, pour m’être longuement entretenu avec lui sur le plateau de Laurent Ruquier, n’est pas ce beauf anonyme qui gueule dans les stades. Non, Eric Zemmour n’est pas potentiellement un émule de Goebbels ! C’est vrai, Eric Zemmour ne supporte pas le prêt-à-penser.
Bien entendu, certains journalistes ont rivalisé de démagogie dans l’expression de leur « dégoût ». Tout ça pour un trait à la Prud’homme dont le choix même des mots signalait la vérité historique, sinon lexicale. Des trouvailles de cet acabit (et, hélas, des pires), j’en rencontre tous les jours dans les commissariats de police, et tous les jours j’entends dans les rangs des conneries visant à néantiser symboliquement l’autre, en des termes à faire rougir une star du porno – est-ce à dire que tous les flics sont racistes ? Faut-il interdire la Police nationale ? Pour avoir usé pas mal de rangers durant quelques années en Seine-Saint-Denis, je sais ce que la concorde civile doit à la liberté d’expression et à quelques défouloirs verbaux. C’est rarement d’une subtilité mallarméenne, souvent rugueux, méchant et parfois vulgaire. Soit. Dans le cas de Zemmour, c’est l’exutoire d’un cumul d’agressivité langagière qui n’a plus l’aubaine d’un support pour vider son fiel. Doit-on regretter que des catharsis spontanées et bénignes aient supplanté les tueries de jadis et de naguère ?
Ce qui m’inquiète quant à notre état mental et moral, ce ne sont pas les dérapages contrôlés d’un journaliste talentueux doublé d’un contradicteur remarquable, mais l’incapacité de nos « élites » à hiérarchiser les faits sociaux aux fins de doser leur indignation. Car, pour en préserver les vertus, il ne faut pas la dilapider inconsidérément. Sinon les mots cruciaux sont usés et les actes symboliques démonétisés lorsque survient un vrai motif d’indignation. La profanation des tombes de soldats français musulmans morts pour la France est une salissure plus grave que la brève bandaison d’Eric Zemmour sur le plateau d’Arte, face à une Isabelle Giordano qui en a vu d’autres sur Canal+. De même, la mort de quelques centaines de SDF en 2008 n’a pas fait les unes au premier décès et, surtout, les indignations publiques subséquentes ont cruellement manqué de souffle. De conviction. De crédibilité même, tant on s’indigne à perte d’éditos ou de communiqués. Ça tourne au réflexe mécanique, et ça n’émeut plus que le sérail parisianiste. Les âmes d’un Louis-Ferdinand Céline, d’un Léon Bloy et de quelques autres Pierre Desproges sont décidément évanouies. Et pourtant ils avaient raison : à réalité obscène, langage brutal.
La haine d’Eric Z pour Eric Z
Finalement le plus choquant ce n’est pas les paroles d’Eric Z, ni même le contexte (tout de même très tourné vers une espèce de remise en cause de la présence même de français "non-gaulois"). Non, ce qui me choque profondément c’est finalement la mauvaise foi qui habite la plupart des commentaires des uns et des autres, à commencer par Eric Z lui-même. En effet comment ne pas s’interroger sur la véracité de tels propos, et une fois la question posée il semble évident que d’une part cette remarque (idée, opinion, voire idéologie) ne reflète qu’une vision tellement parcellaire de la réalité que ça en devient ridicule, mais surtout qu’il ne s’agit là que d’une tentative peu convaincante d’apporter un semblant de preuve statistique à ce qui n’est qu’une idée . Je ne vais pas ouvrir une autre polémique sur les chiffres, leur pertinence, leur origine… mais simplement sur la méthode. Je m’explique. Eric Z est intelligent, dans le sens étymologique du terme, à savoir qu’il a cette capacité à faire des liens entre des idées, des concepts. Or dans cette affaire il utilise les chiffres de la police concernant les origines des délinquants pour justifier une pratique de cette même police consistant à se focaliser sur des français aux origines bien particulières ; finalement il défend la police avec les chiffres de la police, chiffres accumulés par les pratiques au centre du débat (les contrôles au faciès).
La police contrôle plus les Noirs et les Arabes. Dès lors il y a plus de Noirs et d’Arabes déclarés trafiquants. Donc la plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes.
Je ne peux que penser qu’il s’agit là d’une volonté de présenter les choses sous un aspect parcellaire et hautement subjectif, car il y a un sous-bassement profondément idéologique voire psychologique. Car si l’on procède en suivant la méthode des syllogismes qu’emploie Eric Z ; on peut dire :
Eric Z est berbère, La plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes (les berbères étant rattachés à ces derniers), Eric Z est donc un trafiquant.
Donc je pense que cette pensée profondément ancrée dans l’esprit d’Eric Z, n’est absolument pas un dérapage mais plutôt une manifestation de son subconscient qui tente tout pour rejeter l’idée même qu’Eric Z ne soit pas français gaulois, mais bien berbère donc arabe. Plus qu’une haine de l’autre, je pense sincèrement qu’Eric Z se hait lui-même.
Zemmour passe son temps à faire des chroniques TV car il ne vend pas. Quoi de plus humiliant pour un écrivain ( ???) de faire des ménages entre un acteur qui fait péniblement sa promotion et une bimbo de la téléréalité ? Ecrit-il vraiment ses livres ? J’en doute !
Si son audience était suffisante,il se lancerait en politique,mais, son créneau est pris par Le Pen, de Villiers et d’autres…qui eux,ont un nom bien français et sont issus du corps français traditionnel (comme dirait Gérard Longuet).
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