Le général Than Shwe, patron de la junte militaire qui règne en Birmanie, refuse que des humanitaires étrangers foulent le sol birman pour porter secours aux sinistrés du cyclone Nargis. Il condamne ainsi à mort des dizaines de milliers de personnes. Portrait de ce bourreau.
Le bilan du cyclone Nargis, qui a dévasté le delta de l’Irrawady, dans le sud de la Birmanie, les 2 et 3 mai derniers, ne cesse de s’alourdir. Selon la Croix-Rouge internationale, le nombre de morts varie entre 69 000 et 128 000. Pour les Nations-Unies, 100 000 Birmans pourraient avoir péri. Quant au nombre de personnes ayant besoin d’une aide d’urgence – et qui ne la reçoivent pas –, il est évalué à 2,5 millions. Mais qu’importe ! Reclus dans son bunker présidentiel, coupé de tout contact avec le reste de son pays, le généralissime Than Shwe, patron de la junte militaire au pouvoir depuis 46 ans, n’en démord pas : au nom de son « indépendance », la Birmanie n’acceptera pas qu’un seul humanitaire étranger foule le sol birman. La priorité du bourreau Than Shwe est, en effet, que le drame humanitaire causé par le cyclone Nargis se déroule à huis-clos. Peu lui importe le nombre de victimes, tant qu’il se maintient au pouvoir. C’est ce même général de 75 ans qui est le responsable du pillage par son armée d’une bonne partie des secours que la communauté Internationale s’efforce d’acheminer sans pouvoir en contrôler la répartition.
Arrivé discrètement au pouvoir suprême en 1992, après que son prédécesseur, le général Saw Maung, a été interné pour folie, Than Shwe a peu fait parler de lui à l’étranger. Il faut dire que l’homme n’a guère brillé tout au long de sa carrière militaire : après avoir travaillé à la poste birmane, il entre dans l’armée à 20 ans, et gravit un à un les grades, jusqu’à devenir général-major en 1986. Il ne semble se distinguer que par… un séjour en hôpital psychiatrique, en début de carrière, suite à un stress post-traumatique après avoir combattu contre les rebelles Karens.
Puis, en novembre 2006, contre toute attente, Than Swhe défraie la chronique. En cause ? Le mariage de sa fifille chérie, Thandar, que l’on surnomme affectueusement « Fatty » (grassouillette), en raison de ses bourrelets. La fête a coûté au bas mot 50 millions de dollars, dans un pays où, avant le cyclone, les deux tiers des habitants survivaient avec moins d’un dollar par jour ! Une vidéo de cette débauche de luxe, où les ambassadeurs étrangers en poste à Rangoon conviés devaient débourser 8 000 dollars pour être de la partie, avec été officiellement tournée. Voici un extrait dans lequel on peut entre autres admirer les diamants avec lesquels « Fatty » paradait aux côtés de son époux, major de l’armée birmane et directeur adjoint au ministère du commerce.
Mais, un DVD avait alors circulé sous le manteau, causant un haut le cœur parmi la population. De nombreux citadins l’avaient alors visionné, risquant cinq ans de prison s’ils se faisaient arrêter avec ce petit film en leur possession.
Pourtant, le général Than Swhe n’est pas le crétin que dépeignent ses nombreux détracteurs. En 2004, l’animal a réussi à se débarrasser en 24 heures top chrono du général Khin Nyunt qui, de son poste de numéro 3 de la junte, passait pour l’homme fort du régime. Pas évident de faire arrêter d’un claquement de doigts le chef de la sécurité militaire, dont les réseaux de dizaines de milliers d’agents, contrôlaient tous les rouages du régime. Le problème de Than Shwe est plutôt qu’il perd peu à peu la boule… Aujourd’hui, l’homme règne entouré de mages férus de numérologie. Le déménagement inattendu de la capitale du pays à Naypidaw, en pleine cambrousse, à 400 km de Rangoon, est à ranger dans les exploits du général agissant sur instigation de ses mages. Fin 2005, à l’heure et avec un nombre de camions fixés par les astrologues du général, le déménagement des ministères de Rangoon s’était déroulé dans une indescriptible pagaille, une sorte de cyclone à sec et sans vent….
Depuis ce coup d’éclat, la santé mentale de Than Shwe, qui se perçoit comme la réincarnation d’un roi birman, ne s’arrange pas. Sa dernière lubie connue, est d’avoir forcé les paysans à planter des tournesols. Selon ses magiciens, cette culture serait en mesure de contrer les pouvoirs que Than Shwe attribue à son ennemie Aung san Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, qu’il retient prisonnière incommunicado depuis seize ans. Le seul résultat a été un bousillage en règle de l’agriculture birmane et notamment des rizières de l’Irrawaddy, aujourd’hui réduites à néant par Nargis. Pire, il s’agissait d’une récidive du généralissime, puisque deux avant, toujours conseillé par ses mages et astrologues, Than Shwe s’était entiché du jatropha. Késako ? Un arbuste qui produit une noix non comestible, mais riche en huile qu’on peut transformer en carburant. Le chef de la junte avait alors tenté de le faire cultiver par les paysans, à la place du riz, alors que le jatropha pousse en zone aride. Ce qui n’est évidemment pas le cas des rizières birmanes !