Pour comprendre, très vite, pourquoi l’imaginaire populaire au Proche-Orient peut soutenir une telle récurrence de soulèvements armés, et comment les mots Hezbollah, Armageddon ou AntéChrist, remplissent les étagères des librairies islamistes en France, la lecture du bouquin de Filliu : « L’Apocalypse dans l’Islam » (Fayard), s’impose.
L’affrontement millénaire entre chiites et sunnites, la profonde détestation des religieux millénaristes libanais, iraniens ou marocains pour les symboles que représentent pour eux, Israël et les USA, nous sont éclairés au jour d’une érudition sans faille… Même si les sources de Filliu à propos des réseaux terroristes basés en Afghanistan sont bien précises pour un simple universitaire.
La conjonction symbolique de l’invasion russe à Kaboul, de l’intervention des gendarmes infidèles dans les lieux saints de l’Islam, de la prise de pouvoir des ayatollahs à Téhéran, est une des analyses les plus efficaces publiées depuis longtemps en français.
Novembre 1979, les hommes du GIGN contribuent à l’écrasement d’une rébellion armée et sanglante à La Mecque : des centaines de morts, supporters du Mahdi.
Juillet 2008, selon l’US Army, 60 000 hommes de la milice du Mahdi sont au combat en Irak.
Septembre 1898, au Soudan, Winston Churchill participe à une charge de cavalerie héroïque contre… l’armée du Mahdi.
La densité des premiers chapitres sur les racines spirituelles du millénarisme des origines s’allège avec la seconde partie, intitulée « Apocalypse Now ». Certaines phrases font frissonner les occidentaux curieux, qui osent passer outre la médiocre couverture du livre : « A ce jour, la mèche jihadiste n’a pas rencontré la charge millénariste ». Mais, comme l’ouvrage est remarquablement documenté, et très facile d’accès, on partage, en le refermant, le pessimisme latent des conclusions.
Si on lit bien les notes, en bonus hallucinant, on reçoit le coup de boule de cette évidence : Les états-uniens aussi sont des fervents supports d’une apocalypse à leur manière, qui se reflète parfaitement dans le miroir tendu par le millénarisme islamiste. Les centaines de morts de l’attentat d’Oklahoma City, en 1995 en témoignent.
Bien sûr, on peut relever quelques naïvetés chez le professeur, qui croit encore qu’on ne trouve pas, à Paris, d’ouvrages islamistes apocalyptiques et profondément anti-républicains. Il suffit d’aller se promener dans les magasins autour du Métro Couronne, où les pamphlets les plus incroyablement réactionnaires circulent ouvertement, pour se rendre compte que l’auteur se trompe.
375 pages à lire en été pour ne pas mourir idiots ou, en attendant, pour discuter utilement avec les amis qui pratiquent un islam paisible, la majorité silencieuse ici en France. Jusqu’à la fin du monde ?
Aller facilement plus loin et comprendre les défis qui attendent les gens du rens dans les mois à venir :
islamonline.net, pour découvrir tout un monde, du point de vue d’un islam populaire
LE LIVRE miroir à avoir dans sa bibliothèque de base : L’Orient Imaginaire, Thierry Hentsch aux Editions de Minuit, 288 pages, 1988 (mais les bonnes choses ont toujours 20 ans).
En poche :
Les arabes dans l’histoire de Lewis, chez Champs-Flammarion, 1993
Guerre Sainte, Jihad, Croisade de Jean Flori au Seuil-Inédit, 2002