Marc Dubuisson, « dessinateur (belge) qui ne sait pas dessiner », tel qu’il se définit lui-même, compose avec une première BD mordante, « La nostalgie de Dieu » un confessionnal imaginaire comme une divine jouissance.
« Dieu est humour ! ». Quel mot d’ordre en ces temps de raideur doctrinaire. A en faire soulever les soutanes et rougir les Jésuites ! C’est ainsi que l’artiste du plat pays aime à colorier sa comédie humaine : cravache à la plume, épure au pinceau. L’étrange poésie qui se dégage de cette conversation surréaliste d’un homme au bord du précipice et d’un Dieu gueulard, hurleur, gouailleur, tient d’un inversement des rôles : L’Homme en acceptant ses faiblesses, ses bassesses s’élève, Dieu « qui a définitivement besoin d’un psy » s’humanise. Il n’est plus ce monstre froid aux jugements implacables et absolus.
Dès lors la prise de bec tourne à la pantalonnade, et par un ton direct et insouciant, Marc Dubuisson précipite la foudre dans le bocal de nos sociétés sclérosées, conservatrices. Brillant procédé pour désamorcer le siècle de ses petites morales, de ses dogmes, hiérarchies, extrémismes et haines ordinaires (contre les homosexuels et les adultérins). En récompense, on salive de ce dieu lubrique qui dit du célibat des prêtres, « qu’il est un peu comme le protocole de Kyoto. C’est beau, c’est noble mais c’est pas très crédible » ou de la Vierge qu’elle « s’offrait à moi comme un bon steak après 10 jours de jeûne ». Le farfadet belge rend un hommage caniculaire à la vie, son Dieu se situe sur terre et non dans les volutes de l’esprit.
Tonsés de L’Eglise, chauves suicidaires, lisez « La nostalgie de Dieu » et vos cheveux repousseront !
Citoyens ordinaires gouvernés par un Dieu muet et désordonné, Marc Dubuisson sait dessiner ! Il nous montre un Dieu faillible et humain sans doute. Un Dieu qui nous ressemblerait davantage que celui de la Bible, un Dieu mal rasé, bordélique et chieur. Un Dieu qui donne envie qu’on lui tapote l’épaule le vendredi soir pour lui proposer une bière au PMU du coin. Un Dieu qui serait notre ami, aussi décevant que nous-même. Mais n’est-ce pas à cela que l’on reconnait les vrais amis ? Leur capacité infinie à nous décevoir.
Bravo d’avoir aimé cet ouvrage qui chatouille les anticléricaux autant que les illuminés. Halleluyah !