Le 15 août dernier, le président nigérian Obasanjo a piqué une colère retentissante. Il a annoncé son intention de rétablir l’ordre dans le delta du Niger alors que les enlèvements s’y multiplient : 40 en 2005, 17 au premier trimestre 2006, la situation se détériore et la violence s’aggrave.
L’opération de reprise en main a commencé dans la foulée des déclarations martiales du président. L’armée n’y est pas allée de main morte : on parle de plus de 2000 arrestations, dont celles de leaders syndicaux, provoquant l’indignation des militants et l’annonce d’une grève imminente.
Nouveau coup pour l’industrie pétrolière alors que depuis un an la production au Nigeria est passée de 2,6 millions de barils/jour à 2 millions. Les compagnies occidentales menacent de plier bagage, menace qui n’est pas vraiment prise au sérieux quand on sait le niveau actuel des prix du pétrole. Quoi qu’il en soit, la principale compagnie sur le site, la Shell, qui représente 10% de la production nigériane et qui retire du Nigeria 15% de sa production réclame des mesures. Elle le fait avec d’autant plus de vigueur que, si le cours du pétrole monte, il en va de même de celui de l’otage.
Dans un récent procès contre une bande spécialisée dans les enlèvements, le prix affiché était de 80 000$ pour la libération d’un cadre occidental, soit une hausse de 20% en un an. Mais, ce prix reste peu évoqué car officiellement, les ravisseurs se décrivent comme des rebelles aux intentions politiques. Deux groupes tiennent le haut du pavé dans la région de Port Harcourt, la grande ville du delta, le Niger Delta People’s Volunteer Force (NDPVF) et le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger. Leur objectif ? Obtenir la libération de deux figures politiques locales : Alhaji Mujahid Dobuko Asari, le chef du NDPVF, que les autorités nigérianes décrivent comme un bandit sans scrupules ; et l’ancien gouverneur de l’Etat de Bayelsa , Diepreye Alamieyeseigha.
Ce dernier, présenté comme le symbole de la corruption sans cesse dénoncée, est poursuivi de sa hargne par la commission contre les crimes économiques et financiers, l’équivalent local de la célèbre SEC américaine. Ses comptes en banque sont passés au peigne fin, on parle d’un vaste réseau de trafic de pétrole passant par l’Equateur et de l’image ternie de la démocratie revenue. « Democrazy » ricanent les opposants. Les leaders de l’ethnie Ijaw, ethnie majoritaire dans la zone du delta, et qui représente 10% de la population du pays clament qu’Alamieyeseigha est pourchassé pour avoir exigé que la part des revenus pétroliers rétrocédés aux Etats du delta passe de 13% à 50%. A Port Harcourt, le principal parti politique, l’Ijaw National Congress, connaît le moyen de calmer le jeu : il suffit que le prochain président fédéral soit Ijaw…
A ceux qui croient comprendre que l’enjeu de ses batailles, c’est de fait le partage de la rente pétrolière, la ministre fédérale des finances, engagée dans le processus de réduction de la dette extérieure de 33 à 16 milliards $, répond que le pétrole ne rapporte qu’un demi-dollar par jour et par habitant, ce qui relativise les choses. Certes, admet le FMI. Pourtant, alors que le produit de la vente de pétrole par le Nigeria depuis son indépendance se monte à 350 milliards $, le Fonds évalue à 300 milliards $ l’utilisation identifiable de ces ressources. A Abuja, la capitale, on ne comprend pas ce qu’ont pu devenir les 50 milliards manquant. D’ailleurs, on préfère parler de l’avenir. Il faut retrouver les capacités de production de 2005 et mettre en production de nouveaux sites pour atteindre les 3,5 millions de barils/jour en 2010, objectif affiché en 2005 par les études de la Shell.