Dans la pas très claire affaire Clearstream, si l’affable corbeau Jean-Louis Gergorin s’avère n’être qu’un leurre, il reste trois pistes possibles, omises par les enquêteurs.
Comment une farce a-t-elle pu virer à l’affaire d’État ? Comment de faux listings fabriqués par des pieds-nickelés ont-ils pu provoquer un tel émoi dans une vieille république ? Et bien on ne le saura sans doute pas de sitôt.
Les kilomètres de perquisition et les centaines de kilos de dossiers, glanés au ministère de la Défense et à la DGSE, n’ont guère éclairé les juges d’Huy et Pons, chargés de l’enquête. Désormais calfeutré dans une pièce aménagée à cet égard au sein du pôle financier, ce précieux trésor n’empêche pas Zig et Puce, le doux surnom des deux magistrats de pédaler dans la semoule. Et pour cause.
Imad Lahoud et Jean Louis Gergorin, principaux héros du sitcom Clearstream, ne veulent recueillir les lauriers du succès. Touchante humilité. Les deux hommes rejettent la paternité de la carambouille qui a fait leur gloire sur l’autre. Une brillante querelle de « cerveaux ».
Zig et puce feignent de croire à une jolie comptine. Le brillant X-mines Gergorin, grand copain du Premier ministre Villepin et l’affabulateur Lahoud, soldat perdu du renseignement, auraient le soir, à la veillée, concocté les fameuses listes.
Qu’ils aient mis un doigt dans le logiciel certes, mais il a bien fallu qu’on leur souffle quelques noms et que de discrètes officines aient attisé les braises. Des pistes existent, que les deux enquêteurs ont omis d’explorer. En voici trois à la volée.
À l’époque où il traficote les listings, Lahoud fréquente beaucoup l’inspectrice des Renseignements généraux (RG) Brigitte Henry, très proche du légendaire ex patron des RG, à forte coloration élyséenne et grand spécialiste des campagnes de désinformation, Yves Bertrand. Dame Henry a caressé l’idée que le libanais Lahoud lui faciliterait une adoption à Beyrouth, quand lui comptait tout bonnement sur l’officier des RG pour récupérer son permis à point. Nul ne sait ce qu’il advint de leurs aspirations. Mais Brigitte n’a jamais visité les bureaux des juges. Pas même pour un petit entretien de courtoisie. Surprenant et un peu goujat !
Les barbouzes de la DGSE n’ont jamais aidé le général Rondot, chargé par Mam et Villepin d’authentifier les listings. Or les services français ont fait procéder, à la fin des années 90, à une expertise du fonctionnement de Clearstream, qui aurait bien aiguillé le travail de Rondot. Après sa réélection en 2002, Chirac avait nommé un proche, Pierre Brochand, à sa tête. Lequel, lui non plus n’a pas été entendu. Trop timide certainement.
Dernière incongruité, trois barbouzes de la France officielles émargent des faux-listings : Gilbert Flam, Alain Chouet (DGSE) et Jean-Jacques Martini (DST) ; trois augustes fonctionnaires qui avaient eu le tort de découvrir des comptes de la chiraquie au Japon et au Liban. Autant de dossiers totalement éloignés des préoccupations de Lahoud et Gergorin mais devenus obsessionnels à l’Élysée.
Qui a voulu mouiller ces pontes du renseignement et soufflé leurs noms ? La documentation saisie chez Rondot –notamment les scellés 30, 31, 32 rangés dans les dossiers « affaires président » et « affaire japonaise » -conforte-t-elle l’existence des comptes ? Mystère et boule de gomme pour Zig et Puce. À moins que les deux loustics n’attendent le 6 mai, lendemain du deuxième tour de la présidentielle, pour répondre à ces devinettes.
L’idée serait que quelques hauts gradés de la chiraquie se mettent en tête de plomber l’élection de Sarkosy en entachant sa réputation grâce à un stratagème digne d’un scénario de Tintin. Soit ajouter dans un classeur Excel (listant des noms et des comptes en rapport avec Clearstream) quelques lignes. Quelques lignes dans lesquelles ces quelques hauts gradés de la chiraquie en profitent pour ajouter des noms de personnes ayant enquêté sur le compte japonais de Chirac.
Résultat : le compte japonais de Chirac refait les gros titres alors qu’il était totalement oublié des médias, De Villepin quasiment mis en examen et un général à la retraite tout à fait discrédité.
Toujours dans Tintin, mais je ne sais plus dans quel épisode, les Dupont & Dupond ont cette phrase finalement intéressante :"à qui profite le crime ?"
Et puis quand même : si le tir ne venait pas de la chiraquie, franchement, cela serait plus intéressant, plus imaginatif, plus intelligent.
Ah, ces chers Dupont & Dupond…