De condamnations refusées en arrangements étranges, les relations entre les Comores et la filiale locale de la BNP sont quelque peu houleuses…
Chahutée durant l’été par la crise financière et l’affaire des subprimes, la réputation de la BNP-Paribas, fleuron des institutions bancaires françaises s’est trouvée un peu écornée sur la scène internationale. Heureusement qu’en Afrique, la BNP et ses filiales font honneur à leur réputation d’intransigeance. Déjà « exemplaire » au Gabon (cf. Les Gabon comptes de la BNP) où la filiale locale s’amuse à jouer les lessiveuses du régime d’Omar Bongo, la banque fait désormais aussi des siennes aux Comores. Le patron de sa filiale locale, la Banque pour l’industrie et le commerce (BIC), détenue à 51 % par la maison mère, rencontre quelques menus soucis avec la justice. Trois fois rien : une condamnation à huit mois de prison, dont quatre ferme, pour son Directeur général Christian Gout, prononcée le 16 août dernier par le tribunal de grande instance de Moroni.
Les vilains juges reprochent au sieur Gout d’être un peu pingre, et d’avoir refusé d’exécuter une décision de justice qui condamne la Bic à verser le joli pécule de 5,6 millions d’euros à la société comorienne de ciment Nicom. Mauvaise joueuse, l’unique banque commerciale du pays a, en 2005, coupé les robinets à l’entreprise de cimenterie. Pour une raison tout à fait honorable, Nicom lui aurait fourni un faux document. Las, la plainte de la Bic ne donne rien, sinon de précipiter le déclin de Nicom et de vexer comme un pou son patron Shamir Kamoula. Son affaire à vau-l’eau alors qu’elle représentait « 75% du marché du pays », l’ami Shamir contre-attaque et porte plainte contre la banque et son directeur pour « rupture abusive des relations commerciales ».
Méfiant, il subodore une petite entourloupe. L’honorable conseil de la Bic, Me Fahmi n’est autre que le bon ami du principal rival de M. Kamoula sur le passionnant marché du ciment, Eli Biqueri. Et, notent les défenseurs de la Nicom, sitôt l’ami Biqueri entré en relation commerciale avec la Bic, Shamir Kamoula a vu ses ennuis débuter. Sans doute une malheureuse coïncidence, qui en appelle d’autres.
Condamné en première instance à verser 7,7 millions d’euros, chiffre revu à 5,6 millions en appel en mai, Christian Gout et la Bic traînent des pieds pour exécuter la sentence. Et, ô surprise, le gouvernement de l’Union comorienne sort de ses cartons un décret exonérant les banques du principe de l’exécution provisoire, et avec effet rétroactif. En gros, la Bic n’a pas à payer tant que l’affaire n’est pas allée jusqu’en cassation. De petits mesquins y voient le résultat d’une pression exercée par la représentation française à Moroni pour sauver ses ouailles banquiers. Les mauvaises langues s’étonnent que le texte soit signé du ministre de la Justice (et non du président), ministre qui a la particularité d’être le frère de l’avocat de la Bic ; quant aux vils juristes, ils n’ont qu’un mot à la bouche « ce texte, c’est du flan qui n’a aucune valeur juridique ».
Un point de vue assez tranché mais partagé, donc, par les juges de Moroni qui ont condamné la Bic et son DG pour ne pas être passé à la caisse. Précautionneux, l’ami Gout n’a pas remis les pieds sur le territoire comorien depuis juin. Raisons médicales officiellement invoquées. Mauvaise joueuse, la BNP elle, multiplie les mesures de rétorsion. Dès juin, elle a bloqué une lettre de crédit pour la commande trimestrielle de riz par la firme étatique Onicor, comme l’a précisée la lettre de l’Océan Indien. Et tout récemment, la BNP-Paribas a tout simplement retiré sa garantie financière aux autorités comoriennes. Bref : pénurie de riz et impossibilité de commercer avec l’étranger. Charmante attitude. Pendant ce temps, deux banques commerciales venues du golfe persique se préparent à briser le monopole de la Bic. Une nouvelle opération tout bénéfice pour BNP-Paribas.