À l’approche du procès de l’Erika, prévu pour le 12 février prochain Total a distribué à l’ensemble de ses employés une très chic plaquette, « Les clés pour comprendre le procès de l’Erika » ou comment Total réécrit l’histoire…
Pédagogue, la plaquette d’information du naufrage de l’Erika répond sur six pages à toutes les questions que pourraient se poser les employés de Total. Une scie. Total pose les mauvaises questions et n’apporte pas de réponse. « Comment Total a-t-il réagi en apprenant le naufrage ? »
Cellule de crise, équipes internes nous dit la plaquette mais rien sur le silence de dix jours de Thierry Desmarest, alors PDG du groupe. Rien sur le déni de responsabilité. Citons pour mémoire la première déclaration de Desmaret au Figaro le 22 décembre 1999 : « c’est l’armateur qui possède le navire et qui en assure la gestion nautique qui est responsable de la pollution. »
C’était le 1é décembre 1999 : le pétrolier Erika déversait 31000 tonnes de fioul lourd sur 400 km de côtes, du Finistère à la Charente Maritime. Le procès qui s’ouvre le 12 février à Paris compte environ 70 parties civiles dont 4 régions réclamant des indemnités pour préjudice écologique. Le Conseil régional de Poitou-Charentes, présidé par Ségolène Royal, s’est constitué partie civile. La madone du Poitou sera certainement présente à l’ouverture du procès lundi.
Sur la toxicité du fioul lourd, Total ne s’embarasse pas non plus. Les mots « toxiques » ou « cancer » n’apparaissent nulle part. Pourtant, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui s’est constituée partie civile, révèle qu’une étude de chercheurs de l’ENSA (École nationale supérieure agronomique) de Toulouse réalisée en 2004 a démontré les effets toxiques du fioul de l’Erika et les risques cancérigènes.
D’un cynisme absolu, Total revient sur les cafouillages de sa communication à l’époque de la catastrophe et explique avoir compris la nécessité de communiquer mieux. Desmarest a, en effet, suivi les conseils d’un prêtre de la com’, Michel Calzaroni. Grand artisan de l’imposture moderne, Calzaroni a fait ses preuves avec des clients prestigieux : Bolloré, Bébéar, Longuet (ancien ministre de l’Industrie) et même Fouad Filali, ex-président de l’Ona (groupe industriel marocain) et beau-frère de Mohamed VI. Au vu du résultat, on ne peut que saluer le travail des communiquants. Un paquet sur les fonds débloqués pour les opérations de pompage, nettoyage et traitement des déchets mais rien sur les indemnités importantes que les victimes du sinistre attendent toujours…