Après que la France a proposé au président syrien Bachar el-Assad d’assister aux festivités du 14 juillet, voilà que « Le Monde » révèle que la Syrie a tenté de se doter d’un réacteur nucléaire clandestin avec l’aide de la Corée du Nord. L’aviation israélienne avait mis fin à la plaisanterie en bombardant le site d’Al-Kibar en septembre 2007. Mais qu’importe, la France est prête à beaucoup lâcher pour retrouver sa splendeur au Levant.
Naïf Bernard Kouchner ! En déclarant le 17 juin que le président syrien, Bachar el-Assad, sera « à la même table » que le Premier ministre israélien lors du sommet de l’Union pour la Méditerranée qui se tiendra à Paris le 13 juillet, le ministre français des Affaires étrangères a voulu faire croire que Damas avait cédé aux « exigences » françaises. Il semble surtout que l’ami Kouchner ignore les deux grands fondamentaux qu’il vaut mieux avoir en tête pour exercer la diplomatie dans le monde arabe : l’« hypocrisie des Bédouins » et l’habileté des Syriens. En fin tacticien, Bachar el-Assad s’amuse à faire danser les Français quant à son éventuelle venue à Paris pour le sommet de l’Union pour la Méditerranée en entretenant le flou.
Après avoir laissé Paris lui dérouler le tapis rouge. Rusé renard, il met à profit cette parenthèse pour se coordonner avec ses homologues libyens et algériens, les sieurs Mouammar Kadhafi et Abdelaziz Bouteflika… Les choses ne devraient toutefois plus traîner en longueur indéfiniment : Damas vient d’annoncer que le ministre syrien des Affaires étrangères se rendra dans la capitale libanaise, Beyrouth, le 3 juillet. Les uns disent que c’est pour préparer la visite du grand chef mais, pour d’autres, il s’agit plutôt de transmettre un message concernant la participation d’el-Assad junior au sommet de Paris et de ses conditions.
En tout état de cause, la Syrie est d’ores et déjà sortie gagnante de son rapprochement avec les Français. Elle a su convaincre, preuves à l’appui et par la force des choses, qu’elle est incontournable au Moyen-Orient. En quelque sorte, que la thèse de l’ancien secrétaire d’État américain, Henri Kissinger — « pas de guerre sans l’Egypte et pas de paix sans la Syrie » — est plus que jamais d’actualité. Ainsi, lorsque Nicolas Sarkozy rencontre George W. Bush à Paris la semaine dernière et lui présente le rapprochement entre la France et la Syrie comme une tactique pour éloigner cette dernière de l’Iran, personne n’est dupe à Damas. Surtout que, le même jour, El-Assad junior aurait même déclaré que ce « sujet n’a pas été du tout abordé lors des négociations en cours avec les Israéliens à Ankara (Turquie) ». Preuve s’il en est que la Syrie n’a rien donné en contrepartie à la France, ou si peu… Pire, c’est plutôt cette dernière qui risque de devoir se tortiller dans tous les sens pour atteindre son objectif : retrouver une partie de sa splendeur perdue au Levant (Proche et Moyen-Orient).
Les mois à venir devraient progressivement révéler le prix du deal politique et économique conclu entre les deux pays. D’ores et déjà, la majorité parlementaire au Liban dirigée par Saâd Hariri, Walid Joumblat, Gemayel et compagnie critique amèrement la France et Nicolas Sarkozy. Selon eux, il a vendu le Pays du Cèdre au dictateur syrien contre le retour de Paris dans la région. Pas fous les Libanais… Ils savent pertinemment que jamais ô grand jamais le régime syrien n’offre de fleurs gratuitement. Mieux encore, quand il fait un cadeau, il faut non seulement lui en rembourser le prix et, qui plus est, à l’avance. Dans les milieux proches du pouvoir syrien, il se murmure déjà que la visite en Syrie le 15 juin dernier des deux émissaires de Nicolas Sarkozy – son conseiller diplomatique, Jean-David Levitte, et le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant – a été un franc succès pour les deux pays. Et que, lors de leur rencontre avec le président Assad, ils ont prouvé, contrairement à leurs deux visites précédentes, qu’ils pouvaient « mieux faire ». En d’autres termes, Paris aurait répondu aux demandes syriennes, notamment au sujet des intérêts stratégiques de Damas au Liban ainsi que sur la coopération économique. Le régime de Damas entend également que la France profite de sa présidence de l’Union européenne pour l’introduire auprès de ses pairs européens.
C’est de bonne guerre mais, en retour, les Syriens savent donner le change comme ce feu vert pour que les entreprises françaises investissent en Syrie. Une semaine avant la visite de messieurs Levitte et Guéant, le quotidien officiel As-Saoura annonçait qu’un contrat de près de 1,2 milliard de dollars avait été signé avec le Groupe Lafarge pour la construction de deux cimenteries, à Damas et à Alep. Et As-Saoura de glisser que Carrefour pourrait prochainement ouvrir des supermarchés et que le projet d’extension du port de Lattaquié (nord-ouest) pourrait être attribué à un Groupe français sans pour autant le désigner. Le ministre syrien du Pétrole a par ailleurs laissé entendre que le gouvernement français pourrait inciter le groupe Total à revenir en Syrie après qu’il se soit « retiré » pour des raisons politiques. Autre cadeau français, Paris finirait de ficeler et soutiendrait le dossier portant sur la signature de l’accord de partenariat économique dans le cadre euro-méditerranéen entre Damas et l’Union européenne. La nouvelle pourrait être annoncée lors du sommet de Paris du 13 juillet, ce qui constituerait un grand pas en avant.
Et oui… Contrairement à son prédécesseur à l’Elysée, Nicolas Sarkozy n’a pas lié les intérêts de la France au Levant aux amitiés personnelles, comme cela avait été le cas de Jacques Chirac avec la famille Hariri au Liban. Enfin, au sujet des questions de violations des droits de l’Homme en Syrie, le chef de l’Etat français pourra toujours dire que l’Egypte ne fait guère mieux.
Je ne pense pas que mon avis soit indispensable ;) mais je ne crois pas inutile d’ajouter pour parfaire le tableau que si coffrage béton il y avait dans la région bombardée, il existait de très longue date, l’hypocrisie supposée des bédouins n’égalant que celle des pays signataires du traité de prolifération. On parle de ce coffrage depuis 15 ans.
Les Syriens aspirent à la normalisation mais ne sont pas prêts à lâcher le Golan. Voilà ce que j’ai retiré d’un de mes voyages dans cette région.