Au pays de la Téranga la famille est chose sacrée. Et dans sa mansuétude, la justice sénégalaise veille à ne pas séparer trop longtemps parents et enfants. Après avoir condamné à trois mois de prison ferme l’ancien ministre et leader du Bloc des centristes gaïnde (BCG -opposition) Jean-Paul Dias, elle a envoyé hier son fils, Barthélemy chef de file de convergence socialiste (PS-opposition) en cabane pour six mois. Touchants juges !
L’injure faite à un magistrat coûte cher à Dakar, plus en tout cas que l’offense à chef de l’Etat… Pour avoir insulté le président de la république Abdoulaye Wade et le procureur de la république Lamine Coulibaly et pour avoir utilisé d’autres noms d’oiseaux lors d’une intervention radio, Jean-Paul Dias a été condamné à un an de prison dont trois mois fermes le 16 août dernier. Après des propos similaires, son fils Barthélemy a écopé de six mois fermes hier. Deux sentences sévères, d’autant que les circonstances dans lesquelles ces propos ont été proférés et la dimension politique des deux condamnés troublent le jeu.
Ancien ministre d’Etat d’Abdou Diouf, fervent opposant à Abdoulaye Wade, personnalité phare de la très respectée communauté chrétienne du pays, Jean-Paul Dias ne cache pas non plus sa tentation de rallier son parti à l’ancien Premier Ministre et ancien fils préféré du Président, Idrissa Seck.
Son fils s’est lui engagé sous la bannière du Parti socialiste où il dirige les mouvements des jeunes, convergences socialistes. En une semaine, deux figures de l’opposition se voient donc condamnés par la justice. A l’évidence, une mauvaise publicité pour un régime qui passe pour être un îlot de démocratie en Afrique de l’Ouest et un régal pour les mauvaises langues qui y voient la main du pouvoir…
Encore plus gênant, l’érection en véritable police politique de la direction des investigations criminelle (Dic). Longtemps connue pour traquer les journalistes fouineurs, cette police s’est désormais forgée une réputation en chassant l’homme politique. Et c’est après une fumeuse opération de la Dic que Dias père et fils se sont retrouvés en cabane…
Le 9 août dernier, les poulets sénégalais se sont invités à prendre le thé chez les Dias. « Un véritable commando », se rappellent les proches de Jean-Paul Dias, « qui a dévasté la maison et frappé sa femme ». L’intervention de cette police s’inscrivait dans le cadre d’une enquête à l’intitulé nauséabond, « la sénégalité douteuse de Jean-Paul Dias ».
Passablement énervé par cette visite, le leader du Bcg s’est emporté violemment contre le chef de l’Etat et le procureur de la République dans les médias locaux, allant jusqu’à proférer des menaces de mort dans un wolof proverbial… Autant de propos rapidement retirés par l’intéressé sans que cela ne lui évite la condamnation.
Son fils, lui, n’a pas parlé à la presse ni à la radio… plutôt aux « grandes oreilles ». C’est sur la foi d’un enregistrement effectué à son insu et dans le cadre privé que Barthélemy Dias a été déféré devant le tribunal et condamné au seul chef « d’outrage à magistrat », pour des insultes contre le procureur de la République. De là à penser que le fils Dias a été piégé par les services.
Qu’importe les moyens après tout, pourvu que père et fils soient réunis…