Pour honorer la littérature, on ne peut s’en tenir aux classiques. Les éditions Gallimard ont réédité cette année « À l’estomac », étrange roman-nouvelles de Chuck Palahniuk ; l’occasion pour « Bakchich » de redécouvrir le célèbre auteur de « Fight club ». Mais les ouvrages de Palahniuk relèvent-ils de la littérature ? Là est la question…
Charles Michael dit « Chuck » Palahniuk déballe, emballe, ou débecte. Quoi qu’il en soit, il ne laisse personne indifférent. C’est un peu le Houellebecq américain, mais peut-être n’est-il pas aussi mauvais que ce dernier, bien qu’autant tape à l’œil. Dans À l’estomac, inqualifiable composite de nouvelles, de fictions et de délires sado-scatologiques, l’auteur étale grassement sa plume malsaine sur le papier. Plus de vingt récits mal-menés par une douzaine de personnages où matières sexuelles et fécales se mélangent dans un délire fantastique.
Au commencement de la page, on trouve donc « Sainte Descente de Boyaux », « Miss America » et une ribambelle d’autres écrivains réunis dans une sorte de refuge. Sous la direction d’un vieillard mourant, ils doivent écrire de « la jolie poésie », mais deviennent au cours du roman ils de simples cobayes pour le lecteur. Les pages s’effilent et les récits s’enfilent, à la queue leu leu. Monstres drolatiques, fantasmes gluants et débordant de réel, on saisit vite la logique tendue derrière la masse d’encre écœurante. Chaque personnage écrit une nouvelle histoire dans laquelle il introduit les autres personnages. Un procédé de mise en abîme qui donne le vertige. Le lecteur, trimballé de sperme gélifié en sang séché, d’intestin grêle en carotte lubrifiée, s’égare au détour d’un palais des milles et une nuits, au tréfonds de l’inconscient.
Heureusement À l’estomac ne se contente pas de donner la nausée, à travers ces récits, pointe une critique réaliste et agressive de la société américaine. Culte du corps, morale bourgeoise et névrose capitaliste consumiériste, les lumières crues de Palahniuk sont jetées sur l’Amérique et le monde contemporain. Nus comme des vers, gras et décharnés, bouillants et glacés, ils apparaissent dans toute leur laideur.
Au final, la nausée passe mais l’interrogation demeure. Peut-être sommes nous trop cartésien pour saisir le sens déraisonné de cet ouvrage, ou peut-être n’est-ce tout simplement, qu’une question de goût. On ne saura jamais. De même qu’on ne pourra non plus définir clairement ce que sont ces essais. Alors voici quelques extraits, un avant goût ou plutôt un arrière goût..
« Si tu stimules ta prostate assez fort, il paraît que tu peux avoir des orgasmes explosifs - et sans les mains. À cet âge là mon ami est un petit obsédé. (…) Il sort pour aller acheter une carotte et de la vaseline. (…) De retour à la maison, il épluche son légume. Il le graisse et se l’enfonce dans le derrière. Et alors que dalle. (…) Pas d’orgasme. » p.28-29
« Il se penche en avant, ses deux mains serrées sur les bras de son fauteuil roulant, et les armées des actualités défilent sur son visage, ces tatouages mouvants de mitrailleuses de chars et d’artillerie, et il dit : Peut-être qu’on vit exactement comme on est censés vivre. » p.169
Ya du très bon comme du très mauvais comme souvent dans une recueil de nouvelles mais c’est bel et bien l’univers palahnukien, grand roi des retournements de situations rocambolesques et des anecdotes surprenantes.
Certains passages sont cependant très dur à avaler (assez ironique pour un roman dont le titre est à l’estomac), comme par exemple la nouvelle "tripes" trouvables sur le net et qui aurait parait il causé plusieurs évanouissements. Je l’ai lu en diagonale, rigolant nerveusement et carrément horrifié(certes pas plus que mon idée du plaisir de Will Self).
M’enfin, c’est pas son plus grand livre, tournez vous plutôt vers les géniaux "Choke", "Monstres invisibles" voir même le classique "fight club"