Nicolas Sarkozy, qui l’imaginerait en héritier du gaullisme, lui qui n’a cessé depuis si longtemps de multiplier les révérences à l’égard des États-Unis et de leur impayable Président ? Donc, tout le contraire de la diplomatie lancée voilà cinquante ans par le fondateur de la Vème République et qu’aucun de ses quatre premiers successeurs n’a remise en cause.
Héritier, il l’est pourtant ; mais du passif. Car le temps, ce grand Pardonneur, a fait oublier deux des principaux griefs articulés contre Charles De Gaulle au cours de ses onze années de mandats : le pouvoir personnel et l’État policier, selon les expressions de l’époque. Mais le locataire actuel de l’Élysée fait mieux que le Charles Quint de la Vème République.
Quant au pouvoir personnel, c’est à peine si l’on ose détailler cette évidence. S’occupant de tout, se substituant constamment à toutes les autorités politiques ou administratives, piétinant le pré-carré des ministres et du Premier d’entre eux, vit-on jamais plus vibrionnant Président !
Et lequel ! Les Français s’effarent (à 71% selon un sondage CSA-Le Parisien, dont 88% des 18-24 ans) lorsque Nicolas Sarkozy annonce que, désormais, le président de France Télévisions sera nommé par l’État (c’est-à-dire par lui) au motif que le second est « propriétaire » de la première.
C’est donc le retour de « Ma télévision », ainsi que la désignait Charles De Gaulle lorsqu’il en était satisfait. Feu Alain Peyrefitte, qui fut un rigoureux ministre de l’information, en atteste dans l’un de ses ouvrages. La source est indubitable.
L’État policier, aussi péremptoire que soit l’expression, n’est pas moins flagrant. Un récent sondage, dû aussi à l’institut CSA à la demande du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), montrait le développement des contrôles d’identité « au faciès », histoire de parvenir aux objectifs d’expulsions dont se vante Brice Hortefeux.
Tout aussi indigne, la mise en place du fichier EDVIGE (décret 2008-632 du 27 juin 2008 publié au Journal officiel du 1er juillet et à lire sur le site www.journal-officiel.gouv.fr). EDVIGE (pour Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information Générales) permet, à l’article 1er du texte :
« 1. De centraliser et d’analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l’exercice de leurs responsabilités ; 2. De centraliser et d’analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ; […]. »
Précisera-ton que de telles enquêtes sont possibles pour toute personne âgée de plus de treize ans et qu’elles peuvent s’étendre aux simples familiers de ces quasi-suspects ? Dût-on être taxé d’exagération, revient en mémoire la loi du 17 septembre 1793, dite « Loi des suspects ». La date dit tout.
Le « gaullisme » du Président de la République ne néglige pas le détail et ressuscite les poursuites pour « offense au Chef de l’État », fréquentes sous De Gaulle ; avec ses successeurs, jamais. Le Parisien-Dimanche raconte l’épisode. Le 1er juillet, accrochage du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe. Non loin de là, un groupe de gaullistes crie des slogans tels que « Europe trahison » ou « La France est une nation ». Quatre d’entre eux, dont un homme de soixante-quinze ans, sont embarqués « sans ménagement », écrit le quotidien. Ils sont relâchés après vingt-quatre heures de rétention dans des locaux de police et, lit-on aussi, « L’un d’eux porte encore les ecchymoses de l’interpellation ».
Citation : « Poursuites pour “offense au Chef de l’État”, fréquentes sous De Gaulle ; avec ses successeurs, jamais ».
Certes, certes… Mais, sous Pompidou, on avait inventé des poursuites pour “offense à épouse de chef d’État”, afin de permettre d’inculper Cabu, qui avait fait un album de dessins (d’ailleurs pas très fin), intitulé Les aventures de madame Pompidou.
Je crois me souvenir que Cabu avait été condamné. Demandez-lui, il doit s’en souvenir.