Ce dimanche 20 juillet à 17h, un rappeur singulier se produit sur la scène du Point éphémère (Paris), à « Bakchich », on aime bien sortir des normes. Envoyé spécial Place d’Italie pour une interview exclusive avec le rappeur sénégalais Fou Malade.
Dans un quartier du XIIIe arrondissement, ascenseur vers le 18ème étage d’une tour gigantesque. Après quelques errances timides dans un couloir interminable, une porte d’où s’échappent des éclats de voix animés.
L’appartement de Fou malade, un couple qui repeint les murs se dispute à coups de pinceau, et trois sénégalais palabrent sur un canapé et s’apprêtent à répéter assidûment leurs morceaux pour dimanche. Un concert live dans 50 m2, ouvrez grand vos oreilles.
Malal Almamy Talla alias Fou Malade, rappeur sénégalais d’une trentaine d’années est né à Guédiawaye dans la banlieue de Dakar, et s’est progressivement imposé sur le continent comme l’artiste engagé. Assise, on me sert un thé brûlant : l’Ataya.
L’album, « On va tout dire » sorti en mai 2008, ne dissimule rien. Un rap africain militant, différent du rap français jugé globalement « enfermé dans un discours et sans fun », un groupe, Fou Malade et le Bat’Haillon blin-d, « qui parle pour ceux qui ne parlent pas ».
Les rythmiques instrumentales sont simples, clairsemées d’influences africaines, le flot doux et chantant, en wolof (NDR : langue sénégalaise), français et aussi en anglais. On ne comprend pas tout mais c’est tout comme. Fou Malade danse sur le parquet de son appartement aux murs recouverts de boiseries et de tentures africaines, de chœur avec les mots.
Rien de trop sérieux, mais ses mots tranchent comme des machettes, oui : la colonisation est responsable de la situation en Afrique, et elle perdure aujourd’hui sous des formes plus perverses. Le maintien au pouvoir, assuré par la France, des présidents fantoches de l’Afrique, la corruption, les famines. Des propos qui dénoncent la mafia France-Afrique ; rien de nouveau.
Pourquoi un concert en France ? Le rappeur y vient souvent, ce dimanche pour faire entendre sa voix, et surtout pour répondre au discours de Sarkozy à Dakar en 2007. Son album, plus précisément le morceau, « Paraît que là-bas c’est le paradis » est une attaque directe des propos du Président français, « Sarkozy a dit que l’Afrique doit rentrer dans l’histoire, qu’est-ce que ça signifie ? Que l’ Afrique est sans histoire, et l’histoire c’est l’esprit, un peuple sans esprit est un peuple animal, donc nous les Africains, on serait encore des animaux ? C’est clairement du racisme ».
Et de rappeler justement l’Histoire, « nous avons été là pour la reconstruction de la France, nous avons été là pour aider lors des guerres, il faut du respect, au moins pour nos ancêtres. », et aussi, « les premiers immigrés sont les Blancs, les Bœrs, tous les colons qui sont venus piller. Aujourd’hui la France sans l’Afrique est pauvre, l’Europe, les États-Unis y viennent puiser leurs ressources ».
Ainsi, pour l’enchanteur, la jeunesse doit comprendre que « l’Eldorado c’est l’Afrique », et surtout prendre conscience de son pouvoir. Les peuples africains peuvent conduire le destin de leur continent, les colons ont écrasé les consciences mais aujourd’hui, l’Afrique se réveille.
« Il faut se débarrasser de toute cette vieille élite intellectuelle africaine issue de l’école française et construire une démocratie fondée sur la réalité de l’Afrique et non calquée sur le modèle européen ».
Et de finir sur le dossier de l’immigration, « L’immigration choisie ? Si les toubabs ne parlent pas le wolof, on va leur interdire de rester au Sénégal ».
Bref, on saluera un tel discours trop de fois énoncé ainsi que la joie et le talent qui l’accompagnent. Mais on apprécierait surtout qu’il trouve un véritable écho.
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