Le lobby de l’eau fait flic-flac dans les couloirs du ministère de la Santé pour éviter que les particuliers installent des récupérateurs d’eau de pluie.
Il était une fois un gentil député qui proposa une idée toute simple à ses collègues. Constatant :
– que la sécheresse faisait jaunir les fanes des radis dans les potagers ;
– que, dans de nombreuses régions, l’été, les restrictions d’eau empêchaient les conducteurs de nettoyer leur auto le dimanche et de brancher le jet pour que les enfants s’aspergent dans le jardin…
Patrick Beaudouin, maire de Saint-Mandé et député UMP du Val-de-Marne déposa donc, le 8 décembre 2005 (j’ai calculé pour vous, ça fait déjà deux ans et demi), une proposition de loi sur le bureau du président de l’Assemblée nationale. Une proposition bien modeste, ma foi, visant à « encourager l’installation de citernes d’eau de récupération des eaux de pluie ». L’idée ne date pas d’hier : l’eau de pluie qui ruisselle sur le toit est recueillie dans une citerne, filtrée, et repart dans les tuyaux de la maison. Évidemment, on ne peut pas la boire, mais on peut l’utiliser pour arroser le jardin, remplir le réservoir des toilettes et laver le linge. Cela permet d’économiser, mine de rien, jusqu’à 70 m3 d’eau par an et par famille. Et de réduire d’autant la facture d’eau. Remarquons au passage que Patrick Beaudoin n’a rien inventé : en Allemagne, ce genre d’installation écolo est subventionnée depuis… 1986 !
Logiquement, sa proposition aurait dû finir au panier, comme l’écrasante majorité des idées déposées par les députés. Dans notre système institutionnel, seuls les projets présentés par le gouvernement parviennent à trouver leur place dans l’ordre du Parlement… Mais Patrick Beaudouin, qui a de la suite dans les idées, revint à la charge et proposa à nouveau son idée, sous forme d’amendement, lors du vote de la loi sur l’eau, en 2006. Et là, miracle, l’amendement fut adopté à l’unanimité par ses collègues, qui eurent la fugace impression, une fois n’est pas coutume, de faire œuvre utile pour leurs concitoyens. La loi sur l’eau du 30 décembre 2006 prévoit donc un crédit d’impôt de 25% pour les particuliers qui installent ce système.
Nous sommes en mai 2008. Question : si j’installe un récupérateur d’eau de pluie dans ma cour, est-ce que je peux demander une ristourne sur mes impôts ? Eh bien non ! Le décret d’application de la loi n’est toujours pas publié. Pas besoin de vous faire un dessin… « Un grand nombre de personnes concernées par la réforme commencent à penser que ce retard pourrait être dû au lobbying actif et efficace des compagnies de traitement et de distribution d’eau craignant la diminution de leurs recettes » a osé Patrick Beaudouin, lors d’une séance de questions orales, le 8 avril. L’eau, dans notre pays, est le domaine réservé de trois puissantes firmes : Véolia, Suez et Saur, qui se donnent un mal fou pour choyer les élus. Qu’ont-elles fait ? D’abord, elles ont essayé de mobiliser les sénateurs. En décembre 2006, les députés avaient voté, en première lecture, un crédit d’impôt de 40%. Les sénateurs, bien briefés par les lobbyistes de l’eau, ont tenté de réduire ce cadeau fiscal à 15%. Un compromis fut finalement trouvé à 25% en deuxième lecture.
Mais une fois la loi votée, que faire ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’eau de pluie, c’est sale et ça donne des boutons ! Les « chargés de relations institutionnelles » des compagnies d’eau ont fort opportunément ressorti un avis émis par le Conseil supérieur d’hygiène publique, en septembre 2006. Cette vénérable institution, fondée au 19ème siècle, conseillait alors le gouvernement sur un certain nombre de questions sensibles, comme l’eau et le nucléaire. Elle a été dissoute mi-2007, pour laisser place au Haut Conseil de la santé publique. Bref, ils en ont fait des tonnes auprès du ministère de la Santé pour faire traîner les choses en longueur.
Le gouvernement, par la voix d’Hubert Falco, a promis à Patrick Beaudouin (« je comprends votre exaspération », lui a-t-il dit, plein de compassion) que l’arrêté serait bientôt publié. Chiche !
Travaillant dans une collectivité ayant repris de haute lutte le contrôle de l’assainissement, ce sujet était justement au menu de notre réunion de service de ce matin.
et de se dire que, cette solution présentant des intérêts environnementaux indéniables, elle posait qd même un problème de facturation complexe. En effet, si M. X mets en place un recyclage de ses eaux de pluies, qu’il les renvoies à la station d’épuration, mais que son voisin M. Y ne le fait pas, M. Y sera désavantagé car lui aussi participera financièrement à la dépollution des eaux de pluies souillées de M. X (vous me suivez ?).
Tout ça pour dire que cette idée, très bonne, doit être accompagnées de mesure permettant d’en faire un outils égalitaire et non une solution que certains pourraient mettre en place sur le dos de leur voisin.
Les collectivités ne faisant pas de bénéfices (tout est réinvestit), leur principal soucis est de conserver une prestation égale pour tout les usagers… ce qui n’est pas toujours facile, ce cas le prouve bien.
Cordialement.
Analyser le lobbying en le considérant comme un cancer est ridicule. Il s’agit simplement d’une pratique qui consiste à chercher à influencr les décisions publiques. Dès lors, associations, ONG, entreprises, syndicats, … tous font du lobbying. C’est le jeu de la démocratie et de la libre expression des acteurs de la socitéé civile. Prenez le projet de loi OGM : sans le lobbying des groupes de pression écolos comme Greenpeace, le texte voté aurait été bien plus pro-OGM qu’il ne l’est finalement. Cf. l’article suivant : http://www.debateco.fr/112,807/20080521-lecerf-lobby-groupe-interet-pression-ogm-texte-loi-parlement-vote.html
Dans le cas de l’eau pluviale, le blocage vient probablement des distributeurs d’eau mais aussi du lobby sanitaire (sous la houlette du ministère de la santé).