Entre la France et son ancien "département", les relations n’ont jamais été simples. Et rarement aussi compiquées qu’aujourd’hui, comme le décrypte Jean-Pierre Tuquoi, dans son dernier livre.
Changement de cap pour le journaliste Jean-Pierre Tuquoi, spécialiste du Maghreb au Monde. Après deux ouvrages consacrés au Maroc, il s’attaque, au travers d’un essai dont Bakchich publie les bonnes feuilles, à un gros morceau : la relation névrotique entre Paris et Alger. Tribulations peu reluisantes de l’adoption, en France, de la fameuse loi du 23 février sur les « effets positifs » de la colonisation, son instrumentalisation par le président Bouteflika pour mieux faire passer la pilule de la Réconciliation nationale chez lui, un joli portrait du chef de l’Etat algérien, « Little big man » comme on le surnomme dans les chancelleries… Jean-Pierre Tuquoi pose un regard fort équilibré et honnête sur les relations en forme de yoyo qu’entretiennent nos deux pays. La lecture de Paris-Alger ; couple infernal est d’autant plus agréable qu’il ne consacre pas une ligne aux sempiternelles histoires de généraux algériens. Un vrai bol d’air, matière à réflexion !
Les tribulations de la loi du 23 février
Ce chapitre est consacré à la fameuse loi du 23 février 2005 et le deuxième alinéa de son article 4, sur les « effets positifs » de la colonisation. Comment a-t-elle pu être adoptée ? Comment les Algériens ont-ils réagi ? Jean-Pierre Tuquoi revient dans le détail sur cet épisode chaotique des relations franco-algériennes.
La loi du 23 février s’inscrit dans un travail obstiné mené par les plus activistes du lobby des rapatriés d’Algérie. Sans doute ne pèsent-ils pas beaucoup du point de vue numérique. Ils représentent moins de 5 % des 2 millions de pieds-noirs vivant en France (ceux partis en 1962 et leurs descendants). Mais sur le terrain, en particulier dans le midi de la France, la terre d’asile d’une grande part des pieds-noirs, leur influence est bien visible. On bute dessus. À Nice, par exemple, le lieutenant Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes et à ce titre condamné à mort et fusillé en juillet 1962 par la cour militaire de justice, a droit à une plaque commémorative. Elle en jouxte une autre qui célèbre les « martyrs de l’Algérie française ». Inauguré en grande pompe dans les années 1970, le monument qui les abrite est là pour rappeler aux passants qu’il y eut « une Algérie française [et qu’il ne faut pas oublier] ceux qui sont morts pour elle ».
À deux pas de Marseille, dans le cimetière de Marignane, une stèle honore depuis juillet 2005 les « combattants tombés pour que vive l’Algérie française ». Toujours dans le midi de la France, à Perpignan, l’inauguration par la mairie d’un « Mur des disparus » est prévue à la fin novembre 2007 en dépit de l’opposition d’associations locales de défense des droits de l’homme. Suivra en 2008 l’ouverture d’un Centre de la France en Algérie. Le fait que ce projet ait été confié au Cercle algérianiste, une association qui cultive à bon compte la nostalgie de l’Algérie française, n’est pas étranger à la levée de boucliers suscitée par l’initiative de la municipalité.
Ce n’est pas tout. Au Parlement, les nostalgiques de l’Algérie française ont leur lobby, le Groupe d’études sur les rapatriés. S’y côtoient une soixantaine de députés, la plupart de droite — même si une poignée de socialistes, élus du Sud de la France pour la plupart, adhèrent à l’association. Parmi les dix vice-présidents, une femme, Michèle Tabarot, députée UMP des Alpes-Maritimes et fille de Robert Tabarot, l’un des chefs civils de l’OAS à Oran. Sa fierté de parlementaire ? « Avoir œuvré à la réhabilitation de la mémoire française en Algérie. » Autres figures du groupe, Geneviève Lévy, élue UMP du département du Var, et Christian Vanneste, un autre élu UMP (mais du Nord). (…) De celle-là, disons deux mots sans attendre. Avec son collègue Claude Goasguen (député de Paris), elle a monté à l’été 2004 une opération destinée à pourrir la venue du président Bouteflika, invité comme seize autres chefs d’Etat à la commémoration à Toulon du 60è anniversaire du débarquement de Provence, débarquement auquel ont participé des dizaines de milliers de soldats venus des colonies. Dans une lettre adressée au chef de la diplomatie française, signée par une soixantaine de députés de droite, elle avait exprimé l’indignation « des anciens combattants et des rapatriés d’Algérie » à l’annonce de la venue du chef de l’Etat algérien à cette occasion. C’était, selon les signataires, « une insulte à la mémoire de ceux qui sont tombés pour libérer la France ». Le Quai d’Orsay évitera le piège. « Les autorités françaises sont heureuses que le président Bouteflika ait accepté au nom de l’Algérie de participer à ces cérémonies », dira un porte-parole du ministre. (…)
La saga du texte de loi tant controversé, donnons-lui un point de départ en partie arbitraire mais identifiable : février 2003. (…) Jacques Chirac est installé à l’Elysée et Jean-Pierre Raffarin à Matignon. L’un comme l’autre ont annoncé vouloir faire de « la politique en faveur des rapatriés » une « priorité ». (…)
Rendons à César ce qui est à César et à Philippe Douste-Blazy la part qui lui revient dans le coup fourré en préparation. Non pas qu’il fût le cerveau du complot, mais plutôt celui qui allait déposer la bombe à retardement conçue par d’autres. L’engin est miniature. Il se résume à une phrase unique enrobée dans une proposition de loi relative à « la reconnaissance de l’œuvre positive des Français en Algérie ». Le texte a été déposé le 5 mars 2003 sur le bureau de l’Assemblée nationale par le député Philippe Douste-Blazy — et un complice parlementaire des Alpes-Maritimes, Jean Léonetti. Une centaine de députés UMP appuie la démarche.
L’article de la proposition de loi affiche la couleur. Il dit ceci : « L’œuvre positive de l’ensemble de nos concitoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période de la présence française est publiquement reconnue. » (…)
Commence alors le parcours parlementaire du projet de loi. Il va durer près d’une année, s’étaler de mars 2004 à février 2005 (…) sans mobiliser les bataillons de députés et de sénateurs. La gauche républicaine à déserté les deux Chambres, laissant le champs libre aux défenseurs des harkis et des pieds-noirs et, autrement plus graves, aux nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie française. (…) Lors du vote de la loi, une petite trentaine de députés est présente dans l’hémicycle.
(…) Des recours auraient pu être présentés devant le Conseil constitutionnel. Pas un n’est déposé. Et c’est donc à la signature du président de la République que la loi est soumise avant d’être promulguée le 23 février au Journal Officiel. « C’est plus qu’une maladresse, c’est une faute (…), un désastre », écrivent le patron du Parti socialiste, François Hollande, et Victorin Lurel, le député — également socialiste — de la Guadeloupe. Ils ont raison mais leur réveil est bien tardif. Que n’ont-ils sonné le tocsin lorsque le projet de loi était encore en discussion au Parlement ? Lorsqu’ils signent une tribune dans le quotidien Le Monde, la loi a été publiée il y a près de dix mois ! (…)
L’alerte viendra d’un universitaire, l’historien Claude Liauzu, spécialiste de la colonisation et de l’immigration. (…) Il publie dans Le Monde du 25 mars 2005 une pétition au titre explicite : « Colonisation : non à l’enseignement d’une histoire officielle ». De taille modeste, relégué au bas d’une page intérieure, le texte n’attire pas l’attention. Il va pourtant déclencher une tempête. (…)
Il [le président Bouteflika] savait tout. Quelques jours après la promulgation de la loi, l’ambassadeur d’Algérie en France a transmis une note détaillée au ministre des Affaires étrangères qui a prévenu à son tour la présidence. Rien de ce qui se passe sur les bords de Seine n’échappe à Bouteflika : ni la fronde des historiens, ni les empoignades entre partis politiques… Le chef de l’Etat algérien suit l’affaire, piaffe d’impatience mais préfère se taire, convaincu que son ami Chirac va réagir, qu’une reprise en main de la majorité par l’Elysée est imminente. (…) Mais rien ne se passe. Chirac est trop occupé sur un autre front. Pour lui, l’urgence est de sauver du naufrage annoncé le référendum sur la Constitution européenne.
L’ensemble de la classe politique algérienne calque sa conduite sur celle de Bouteflika et fait comme si de rien n’était. Témoin, la visite en Algérie début mai du député socialiste Bernard Delrosier à la tête d’une délégation de parlementaires membres du groupe d’amitié France-Algérie. A l’issue de chaque rencontre officielle (et les parlementaires français en eurent beaucoup au cours de leur séjour d’une semaine), un communiqué tombe qui exalte « les liens d’amitié entre les parlementaires des deux pays ». (…) Les Algériens l’ont écouté [le député socialiste]. C’était un mardi. Le vendredi, les honorables parlementaires revenus en France, un Bouteflika ulcéré et humilié partait en guerre contre l’ancien colonisateur, coupable à ses yeux de « génocide ».
→ Paris-Alger ; couple infernal de Jean-Pierre Tuquoi, 124 pages, Grasset, 9 euros.
PS : Extrait de la présentation : "La lecture de Paris-Alger ; couple infernal est d’autant plus agréable qu’il ne consacre pas une ligne aux sempiternelles histoires de généraux algériens. Un vrai bol d’air, matière à réflexion !"
Il doit être très "agréable" de lire de pareilles assertions quand on est un général tortionnaire. La journaliste qui a osé écrire cela mériterait vraiment un "agréable" virement sur un compte numéroté…Du fond du nacht und nebel algérien les 150 000 morts et les 17 000 disparus apprécieront le "bol d’air"…
Plus sérieusement : de pareilles sottises auraient elles pu être proférées du temps de la dictature argentine ?
Je ne crois pas cette journaliste particulièrement méchante ou mal-intentionnée mais je l’invite à réfléchir (elle apprécie la réflexion semble- t-il..) sur cet extrait ad-hoc de l’épitre 3 de Saint-Jean : "Heureux les simples d’esprits, le paradis leur appartient."
J’ai lu ce bref ouvrage qui est une narration certes équilibrée mais plutôt superficielle des relations entre les deux pays. Narration équilibrée parce que l’auteur se veut impartial, superficielle parce que tous ceux qui suivent le dossier franco-algérien savent que la réalité essentielle des rapports bilatéraux n’est pas dans les relations officielles, n’est pas entre les mains des diplomates mais est surtout déterminée par les liens étroits entretenus au sommet des appareils d’états par des groupes de pressions aussi discrets que prospères.
Ce sont des businessmen à mi-chemin de la politique, des appareils sécuritaires et du monde de l’économie qui gérent effectivement la relation franco-algérienne.
Les gesticulations médiatiques sur les contentieux d’approches historiques sont des leurres et des fausses pistes destinées à la consommation interne des opinions respectives.
Les algériens se fichent comme d’une guigne des indignations à géométrie variables de leurs dirigeants désignés par le cercle militaro-policier qui dirige le pays. Que les français soient invités au repentir ( ?) ou à la glorification ( !) de la colonisation importe peu à des gens qui savent, pour l’avoir payé très cher, que l’Histoire instrumentalisée est avant tout un enjeu politicien et un mode de gestion démagogique.
L’ouvrage de ce journaliste dont la plume est trempée dans l’eau tiède (l’insignifiance étant souvent présentée comme de la modération) ne contribue pas à identifier les acteurs réels ni à évaluer les enjeux financiers considérables qui sont la substance des relations opaques entre ceux qui décident in fine des rapports entre ces deux pays. En ce sens, cet objet éditorial participe de ce brouillard qui arrange bien des intérêts. Quand donc un journaliste évoquera le patrimoine de la nomenklatura algérienne en France ? Quand donc un journaliste nous parlera des milieux français qui controlent effectivement à partir de Paris le quart du commerce exterieur de l’Algérie ?
Les relations ne sont "névrotiques" que pour ceux qui préférent rendre compte des faits à travers un détestable prisme "psychologisant", ce prisme qui est la caractéristique de la procédure d’occultation de la vérité matérielle de ce qu’ils prétendent couvrir. Les appareils d’Etats ne connaissent pas de relations amoureuses, ni psycho-affectives ; alors, de grâce, épargnez vous ces discours lénifiants mille fois entendus. Ce n’est pas vraiment le style de Bakchich.
En définitive, comme tant d’autres (la bibliographie en la matière est colossale) ce livre n’apporte rien de nouveau tant en termes d’information qu’en termes d’analyse.
quand un journaliste évoquera le patimoine réel des actuels dirigents de la france, président et ex présidents, ministres et ex, députés et ex maires et ex, tous ce beau monde doit afficher ce qu’il doit au peuple français ;;
n’oublions pas le maroc, la tunisie, la lybie etc….les autres pays d’afrique aussi détestés que les maghrébins ;mais tant aimés pour leur argent ;
La liste des 74 morts - tués par noyade dans la Seine, par balles ou des suites des violences policières permises par le préfet de Police en exercice : Maurice Papon - et des 66 disparus d’octobre 1961. Cette liste a été publiée dans le livre de Jean-Luc Einaudi : "La Bataille de Paris", Ed. Le Seuil
http://djazair.dzblog.com/article-187657.html
Crimes français en Algérie !
#Vidéo1 :
http://www.dailymotion.com/video/x1jbas_pacification-en-algerie-part-1_news
#Vidéo2 :
http://www.dailymotion.com/related/2580724/video/x1jbfa_pacification-en-algerie-part-2_news/1
#Vidéo3 :
http://www.dailymotion.com/related/2580886/video/x1jbia_pacification-en-algerie-part-3_news/1
#Vidéo4 :
http://www.dailymotion.com/related/2580994/video/x1jbks_pacification-en-algerie-part-4_news/1
#Vidéo 5 :
http://www.dailymotion.com/video/x1jbn6_pacification-en-algerie-part-5_news
#Vidéo6 :
http://www.dailymotion.com/video/x1jbqg_pacification-en-algerie-part-6_news
#Vidéo7 :
http://www.dailymotion.com/video/x1jbrm_pacification-en-algerie-part-7-last_news