Les télégrammes ont fonctionné à plein entre les palais de Rabat et les services français en juin 2003, juste après les attentats de Casablanca. A cette époque, les services disposaient d’une taupe bien introduite dans le sérail, qui a décrit par le menu les petites bisbilles au palais.
En mai 2003, des petits barbus transforment Casablanca en brasier. Bilan, plus de 40 morts, le royaume en émoi et les services secrets du monde entier prennent le chemin de Rabat… La France, elle avait déjà sa taupe sur place, une petite bûcheuse, à l’orthographe incertaine et particulièrement bavarde.
Dès juin, elle prend sa belle plume pour narrer les activités et impressions, post-attentats d’André Azoulay, le conseiller de feu-Hassan II et toujours aux côtés de Mohammed VI, quoiqu’un peu moins bien en cours désormais. « Très choqué parce que les juifs ont été les plus visés » par les attentats (une pizzeria tenue par un Juif a été ciblée), Azoulay s’étonne surtout qu’un rapport établi par les Emirati sur d’éventuels attentats n’a pas été « transmis au bon moment au roi ». « Il y a quelque chose de louche là dedans », confie-t-il même.
Le conseiller du Roi en profite pour déverser quelques amabilités sur son ennemi de toujours, l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri. Ses multiples déclarations à « la presse, selon laquelle la monarchie est en danger », n’ont rien à voir avec les attentats. « Basri veut se replacer à tout prix ». Et à la grande joie d’Azoulay, c’est peine perdue. « Les services de renseignements militaires espagnols, les anciens amis de Basri ne supportent plus ses fracas. Ni la manière de les mêler directement ou indirectement dans ses propos ».
Une deuxième note transmise regorge également de petites perles, fruits de la visite d’Azoulay au Zayed Center for coordination and Follow up d’Abou Dhabi, un Think Tank très écouté par la ligue arabe, l’Union africaine et l’organisation de la conférence islamique et présidé par le vice Premier ministre emirati, Cheikh Sultan Ben Zayed .
Au cours d’un dîner, quelques intervenants ont « intelligemment, plutôt justifier [sic] certains actes terroristes qu’ils appelaient violence légitime face à la provocation occidentale et la répression de régime arabe », décrit Azoulay, selon la « french taupe ». « Ils étaient étonnant par leur franchise au point de dire que les attentats de Casablanca sont due à la pauvreté et au cumul de haine contre une classe politique pourrie ». Tant de clairvoyance fait presque peur… « Le directeur général de l’ADIA (Abdou Dhabi Investment authority), le bras séculier de la finance de l’Emirat, tout en accusant le phénomène Ben Laden, a essayé de lui trouver des raisons atténuantes ». Bigre !
Un autre dîner d’affaires prend des allures d’oracle. Haut militaire emirati, Saïd Al-Gherrair a particulièrement contribué à réchauffer l’ambiance. Entre saillies sur l’Irak – « les musulmans transformeront ce pays en enfer » – et apocalypse islamiste –« les groupuscules violents qui commencent à sortir là et là [sic] – faisant allusion au Maroc – n’est qu’un début pour le monde arabe »-, le bidasse promet des lendemains qui chantent…
Et à en croire le reste du débriefing, les sources de financement des organisations islamiques, via les « milieux d’affaires », « les transferts des émigrés asiatiques » et « la plaque tournante » pakistanaise ne sont pas prêtes de se tarir.
De quoi rassurer les services français.