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Ne pleure pas Zohra

mercredi 11 juillet 2007 par Malika Rededal
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Un vent violent souffle sur Alger en ce quarante-cinquième anniversaire de l’indépendance nationale, un méchant vent qui brise les fenêtres et secoue les drapeaux de circonstance, blanc, rouge et vert. Pour l’occasion, le président A. Bouteflika a prononcé un discours devant les militaires. C’est bizarre, non ? Oui ? Il les a d’abord félicités pour leur courage et leur abnégation à sauver la patrie, hier comme aujourd’hui. Puis, il les a encouragés à continuer à combattre le terrorisme. Il a confirmé que l’économie algérienne était fragile et a demandé qu’on arrête de respirer du gaz et de manger du pétrole - ce sont ses propres termes. Enfin, il a affirmé qu’il fallait redoubler d’efforts pour que les gens cessent d’être en colère parce qu’ils n’ont pas de travail et encore moins de logement. C’est à peu près tout. Le vent a continué de souffler sur Alger, où, en cette fin de journée du cinq juillet, des festivités sont prévues tout le long de la façade maritime. Soyez nombreux, implore l’animateur de service public à la population qui se tâte : avec tout ce zef, est-ce bien raisonnable d’aller sur le front de mer ? Et c’est quoi encore ce spectacle ? Hormis le feu d’artifice que l’on pourra voir depuis les fenêtres, on n’aura pas grand chose : encore des groupes folkloriques des pays frères et amis d’hier et d’aujourd’hui qui s’ennuieront à essayer de nous égayer. Sur le front de mer, à deux pas du Sénat. Là où, il y a quelques jours, on dit que Zohra Drif Bitat a pleuré à l’écoute du programme du nouveau gouvernement - qui est le même que le précédent.

Oui, on dit qu’elle a pleuré. Sénatrice du tiers présidentiel désignée par Bouteflika - dont elle serait très proche -, elle a glissé au Chef du gouvernement Belkhadem que son programme était aussi sec que l’oued Soummam en été et qu’il ne donnait pas envie de se baigner dans les eaux du bonheur. Elle a ajouté que de toute manière, personne n’avait voté pour son projet. Et puis ensuite, elle a pleuré. Quand on connaît Zohra Drif, on devient comme un bonbon amer lorsqu’on se rend compte que "tiens, elle aussi elle pleure". D’abord, elle est toute petite bien que jolie, elle parle avec des tche plein la bouche. Quand elle avait vingt ans, cette fille de cadi de Tiaret, une gosse de riche quoi, a tout laissé tomber, son droit à la fac et les draps bien propres de sa chambre. Et elle est partie bravement faire la guerre, elle est devenue poseuse de bombe, c’est une héroïne de la bataille d’Alger, ni Bigeard, ni aucun salaud ne lui faisait peur. Arrêtée, torturée, puis libérée, à l’indépendance, elle a continué son droit sans jamais pleurnicher et elle est devenue avocate au barreau d’Alger. Depuis, c’est une dame qui compte.

Quarante cinq ans plus tard, elle pleure au Sénat. C’est triste non ? Oui ? Peut-être qu’elle a pleuré parce qu’en Algérie, on apprend en quinze lignes, au détour d’un journal, que la police judiciaire vient d’arrêter à Tlemcen trois individus qui se baladaient dans une Renault Express avec 100 mines anti-personnel, « cachées à l’intérieur du véhicule. Chacune de ces mines contient une charge de TNT d’un poids variant de 100 à 150 grammes ». En tout, ils en avaient quatre cent de ces mines anti-personnelles et c’est tout un réseau de fabricants de bombe qui a été ainsi « démantelé ». Le plus insensé est que ces mines, ils s’en vont les récupérer là où les a laissées l’armée coloniale. Ces mines du temps de la guerre, c’était un cauchemar pour la résistance algérienne, qui y a laissé des centaines de djounouds. Quelle sensation étrange de penser que ce cimetière de résistants au colonialisme est aujourd’hui profané par d’autres Algériens qui vont à la cueillette du TNT laissé par l’armée française… il y a quarante cinq ans. Alors, ce n’est pas parce que nous sommes indépendants et fiers de l’être que nous n’avons pas le droit de temps en temps de pleurer.


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  • Ne pleure pas Zohra
    le mercredi 8 juillet 2009 à 13:31, mutapha a dit :
    j´ai dejá réagis á votre article, mais je crois qu´ il faille apporter quelques remarques á notre héroïne de papiers…Après les bons traitements de la part des paras en 1957 á Alger.elle bénéficie d´un autre traitements de privilégiée, en obtenant le statuts de détenus politique c´est ainsi que Madame fut transférée en France á la santé… au fait ce privilège a été accorde á un autre héros de papier en la personne de yacef saadi…. expliquez moi pourquoi Mr LARBI BEN M´HIDI qui lui était un chef politique faisant parti des ´´6`` n´a pas bénéficié de ce statut ni de ce privilège par les mêmes paras qui avaient arrêtes yacef et zohra … je vous laisse deviner le pourquoi et de méditer sur les lettres écrites á Madame HASSIBA BEN BOUALI…. á lire attentivement…. c´est á la santé Que zohra a rencontre Bitat son futur mari qui depuis 1962 j´usqu´a sa mort a été du cote de ben bella, puis de boukharouba, puis de chadli s´il etait vivant il serait aujourd´hui avec boutef…… qui lui aussi a bénéficié de ce privilège après son arrestation bizarre en mars 1955 mais pas Monsieur BOUMENDJEL arreté par les mêmes paras ……. ???????
  • Ne pleure pas Zohra
    le vendredi 5 juin 2009 à 19:48, fadoubi mustapha a dit :

    une mise au point elle n´a jamais ete torturee, meme pas une gifle, c´est elle qui l´ecrit avec un certain culot pour demander á Hassiba ben Bouali de se rendre

    ci joint les extraits de ses deux lettres

    Extrait du livre le FLN DOCUMENTS ET HISTOIRE 1954-1962 de Gilbert MEYNIER et med HARBI : page140 ,141

    DEUX LETTRES DE ZOHRA DRIFF A HASSIBA Bent BOUALI plausiblement fin -septembre 1957

    Chère Hassiba, Voici plusieurs jours que je suis arrêtée ; et je ne cesse de penser à vous tous, Ali, Omar et surtout toi. Chère Hassiba, tu me connais assez pour savoir que je ne trahirais jamais et préfère mourir que de te causer un mal quelconque. Je t’avoue cela sans aucune contrainte et devant Oukhiti que l’on m’a emmenée, que je n’ai pas été torturée. J’ai été bien traitée, ainsi que le frère. Il va très bien, et comme moi, je te l’affirme, très bien traité. Arrivons en au fait. Voici ce que je voudrais que tu fasses. Bien sûr, c’est à toi de décider. Tu es avec Ali, en cas de grabbuge [sic], vous sautez tous. Omar et toi et Ali. Je voudrais t’éviter de mourir bêtement. Réfléchis. Si cette lettre te parvient, envoies la bien discrètement à Oukhiti. Là elle t’expliquera et il faut qu’elle aille te voir. Si tu acceptes, tu verras quelqu’un. Je te garantis que tu ne seras pas « jouée ». Accepte au ;moins de discuter. Tu ne trahis personne et moi-même je ne trahis personne, je te le jure. D´ailleurs, je pense qu’il est inutile de faire des professions de foi. Chère soeur, je voudrais t’éviter la mort, c’est tout. Je t’embrasse. Je n’ai pas changé, crois-moi.

    Ta soeur, Zohra.

    Bien sûr, mes amitiés et mes saluts fraternelles au frère Ali. Fais-lui prendre raison. courage. ( Lettre ci-dessous vraisemblablement un peu postérieure à la précédente) Chere Hassiba, Les jeux sont faits. Tu le comprendras par la suite. Je ne puis te le dire. Voici ce il fau¬drait (souligné = rature) que je te propose. Je voudrais t’empêcher de mourir bêtement, ainsi que Omar. Tu me connais assez pour savoir que si j’agis ainsi, c’est qu’il y a beaucoup de raisons. Je suppose que le frère Ali ne marchera pas. D’ailleurs je le comprends. Veux-tu aller discuter avec une personne ? Je te promets que tu pourras repartir sans crainte aucune, ou d’être gardée, ou d’être suivie. Des paroles sont engagées. Réfléchis bien. Je t’embrasse, chère soeur, ne pense pas que je t’ai trahie. Loin de là. Tu comprendras toi-même plus tard. Je vous embrasse tous bien affectueusement. Ta soeur, Zohra (source : SHAT .1H1612-1)

  • Ne pleure pas Zohra
    le samedi 1er septembre 2007 à 20:51, Salicional a dit :
    Comme la mère de Boabdil, à la fin de la Reconquista " pleure comme une femme ce que tu n’as pu défendre comme un homme !"
  • Ne pleure pas Zohra
    le mardi 21 août 2007 à 00:47, KHELIL a dit :

    Petit rappel historique : Mme Zohra DRIF BITAT a pris la défense des Lycéens arrêtés suite au 2nd printemps Berbère du 19 mai 1981 dans la wilaya de Bejaia alors que Rabah BITAT présidait l’assemblée nationale.

    Peu d’avocats avaient osé se porter volontaires (j’ai souvenir que Me HENNI faisait partie de ce collectif d’avocats). Je ne pense pas que Mme DRIF soit une caution à un régime en panne de légitimité, ou qu’elle recherche quelque reconnaissance car elle fut une grande résistante. Sa présence s’inscrit dans son engagement de jeunesse, de ces moments de lutte passés auprès de Larbi Ben M’hidi et Abane Ramdane, d’une certaine idée de la liberté qui dépasse les besoins et qui se meut vers les désirs pour paraphraser Toni NEGRI. Cette Algérie que Mustapha LACHERAF voulait révolutionnaire loin du nationalisme affectif du sommet car on ne peut à long terme escamoter ni la politisation ni la revendication sociale étant donné les besoins qui travaillent en profondeur les masses populaires ;

    L’Algérie est une jeune nation en devenir, une démocratie en gestation, il appartient à cette génération des années 80 (quadra ou quinqua aujourd’hui) à laquelle j’appartiens de redonner le goût à l’engagement, de donner envie de continuer à grandir sans renoncer à ces rêves et marquer l’histoire de notre empreinte sans mimétisme, mais avec l’orgueil et l’ambition nécessaire d’une génération de transition témoin des errements et du spectacle décevant de l’INDEPENDANCE mais d’une indépendance tout de même . La révolution un slogan peut être, une perspective d’avenir sûrement.

  • Soummam en pleine forme
    le mardi 24 juillet 2007 à 10:30, Kabyle inculte a dit :

    Juste pour info, quand vous parler de la Soummam assechée en été, je suis passé plusieurs fois au dessus de ce fleuve il y a quelques jours et il n’est pas du tout à sec.

    Par contre assif Sebaou (wilaya de Tizi Ouzou) est lui quasiment totalement asseché.

    Désolé pour ces précisions anecdotiques et sans intérets, mais bon, c’est pour la gloire de l’exactitude scientifique et bakchichienne.

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