Jeudi 15 mai. Grande manif’ des lycéens, enseignants, et salariés du public. A Paris, départ à 14 h, place d’Italie. Gentille déambulation de notre envoyée spéciale légèrement empathique.
Pour suivre une manif, l’astuce, c’est bien sûr d’y entrer, d’en sortir, de s’intégrer, de stationner à la frontière aussi ; c’est intéressant de s’intéresser à la marge.Et aujourd’hui, à la marge, il y a qui ? Il y a des gens qui participent au mouvement, ou observent simplement, des gens qui causent, commentent, rient. Une effervescence collective.
Les deux petites vieilles sur le banc, au bord de la route. Elles tiennent à voir tout le défilé.
Le papi algérien et son petit-fils, main dans la main. Le papi s’imprègne des choeurs « le peuple répond résistance ». Et dit, simplement, à son descendant, que « ça fait du bien ».
Le couple bourgeois grassement installé à la terrasse d’un café. Le mec râle fort. « Ah qu’ils sont bruyants ces gamins, c’est agaçant ». Il râle trop fort. Les voisins tournent la tête, la fringuante nana a honte. Elle rougit.
Sur le trottoir d’en face, une sexagénaire cause, seule. Elle dit « ça me rappelle 1968 », c’était politique, c’était pareil. Et convivial aussi, « pareil je vous dis ». « Je me souviens, on se tenait par le bras, et on prenait toute la largeur de l’avenue, tiens regardez, ils ont un panneau où c’est écrit “mai 1968 espoir - mai 2008 désespoir”. C’est drôle ! »
Le type à droite. Avec des trous à la place des dents. Il murmure : « Ça fait longtemps que j’ai pas vu de manif, mais quand même… Brrr, j’ai jamais vu autant de flics ».
Place de la Bastille, deux femmes, une plus mûre et une plus jeune. « Je suis fatiguée ». C’est Florence, à sa fille, Ambre. Ambre… quel beau prénom.
Elles s’assoient sur le bord du trottoir.
Florence a bientôt quarante ans. « Oh non, je ne suis pas prof, je suis mère d’une lycéenne, je l’accompagne, je l’encourage. Je l’avais emmenée au CPE déjà. C’est pour elle que je suis là. Je suis la seule parent d’élève de l’établissement à être mobilisée. Les autres s’en moquent, ils viennent aux réunions, pour râler (« mon fils ne va pas avoir son bac avec vos histoires »). J’étais aux autres manifs aussi, en avril. Depuis le début du mouvement, je n’en ai manquée qu’une ».
Ambre a 16 ans. « Quelle classe ? » « Seconde ». « Où ? » « Lycée Martin Luther King à Bussy » (Seine et Marne).
Florence continue : « Mais nous, on n’a pas vraiment de problèmes, ma fille s’en sort très bien au lycée. Elle est dans un bon établissement, réputé, et réservé aux riches. Sauf nous. Mais regardez, ils sont tous là, ceux de sa classe. Assis, avec leurs vêtements, leurs coiffures, et leurs gestes de riches ».
Florence est hôtesse de caisse à Auchan. « Je peux vous le dire, qu’ils ont de l’argent. Je vois leurs Caddie®, remplis pour 100 euros la semaine ».
Ambre : « Le lycée est bien, mais des classes vont fermer. Huit postes d’enseignants (sur 120) ne seront pas remplacés à la rentrée. Et presque toutes les options devraient être supprimées : arts-plastiques, théâtre, technologie, etc. Le BEP dévalorisé.
Et le recteur n’a pas voulu nous recevoir. Ça n’est pas faute d’avoir insisté. Tous les jours ou presque, en avril, on se retrouvait avec tout un groupe devant le rectorat. Jamais nous n’avons pu entrer ».
Un cortège passe. Le choeur est superbe, c’est « Le Temps des Cerises ».
Plus loin, les trois gars de Force Ouvrière chargés de la sécurité, scotchés à leur corde. « Tiens, une journaliste ! Alors… on prend des petites notes ? » Journaliste. Ils ne font pas confiance a priori.
Il faut dire qu’ici, quand on voit certains journalistes passer, il y a de quoi s’inquiéter. Sur la piste, à côté du motard de RTL, roule celui d’Europe 1. Les compères sont suivis par la voiture de France Info. Ces objets motorisés, c’est pour le matos. Les nécessités du direct ! Sauf qu’ils ne risquent pas de voir grand chose, ni en direct, ni en différé, sauf les caisses des flics, à côté desquelles ils avancent. Journalistes et flics, le symbole est fort. On comprend pourquoi les médias craignent la banlieue et pèsent de moins en moins sur l’opinion.
Bonjour,
"Cette génération, qui ne sait pas écrire, qui ne sait pas compter, bref cette génération de sous citoyen, fabriquera des baskets pour les chinois pour 1 euro de l’heure dans 20 ans."
et les blondes rentières, elle savent penser et voir ?
Mon fils a passé son bac l’année dernière et je peux vous dire, pour avoir vu les sujets, que le niveau n’était pas aussi bas que vous le prétendez ! d’ailleurs tous ces jeunes savent surement mieux compter et écrire que leur ministre de l’éducation Mr Darcos (voir canal+).
D’autre part, certains semblent étonnés que des gosses de pauvres puissent se trouver dans un établissement coté pour gosses de riches, il s’agit seulement de l’application de la carte scolaire… Qui sera supprimée en septembre 2008 permettant ainsi aux gosses de riches de rester entre eux… !
Cordialement, Alceste
Et oui, même chez les riches, il y a quelques pauvres (très peu, rassurez-vous…). Généralement moins de 5% de boursiers dans un collège qui compte plus de 80% d’élèves "issus de familles aisées à très aisées". (sources : le collège de Soisy-sur Seine dans le 91). Tiens au passage, comme par hasard, aucune suppression de poste à la rentrée prochaine là-bas. Vraiment étonnant, isn’t it ?
Bon, demain l’enseignement manifeste à Paris. Oui oui un dimanche ! Ces nantis de profs toujours en colère sacrifient une partie de leur week end pour montrer leurs inquiétudes et leur mécontentement. Et personne ne pourra dire "je suis pris en otage par les grévistes de l’éducation nationale, comment vais-je faire garder mon enfant ?". Enfin une manifestation intelligente, pourriez-vous dire. Le gouvernement va encore nous faire passer pour des guignols, alors qu’il devrait y avoir beaucoup de monde demain à Paris. Mais l’info sera-t-elle dignement relayée ?
Génial ! Votre fils a son bac, il va pouvoir rentrer à la fac en socio ou en psycho ou en éco, et dans 2 ans, il passera un super concours de le fonction publique où il pourra ensuite passer une super carrière au service de lui même. Hip hip hourra !!!
Et tous ces jeune qui savent lire et compter mieux que monsieur Darcos, futur ingénieurs atomiciens, quelle bonne nouvelle !!
Vous avez raison :
l’éducation nationale VA BIEN,
l’hopital public VA BIEN,
le système des retraites BA BIEN,
la défense nationale VA BIEN (en fait, je dis ça comme ça, a mon avis les militaires ne servent quà aménager le territoire).
Frankreich ubber alles, ce soir je me soule à la blanquette de Limoux.
PS : a propos de l’opposition privé public, vous vous trompez : il y a des classes camif dans le public (top) des classes élistes dans le privé (top) et des classes de merde dans les 2. La carte scolaire, présente où pas, ne changera pas grand chose à ça.
Pour backchich…
Juste pour vous dire que je suis très triste. Je suis l’odieux personnage qui avait répondu à Magali en lui disant que j’avais croisé une fois une Magali …intelligente. Ce n’était pas bien méchant, plutôt courtois, sans agressivité.. juste une bonne pincée de mépris. Et vous m’avez sanctionné ! Je ne vous en veux pas trop ! Faut bien réguler.. mais quand même :-)
Par contre, son message me parait pour le coup très violent, très peu humaniste, voire .. je vais taire le mot ; en plus, il me semble avoir déjà lu sa prose sur d’autres sujets… plutôt brune (sa prose, pas la dame) et infecte
Cordialement
Un bien bel article qui fait plaisir … à celui qui l’a écrit…
J’adore les images dignes d’une belle légende soviétique :
"Le papi algérien et son petit-fils, main dans la main"
"Le couple bourgeois grassement installé à la terrasse d’un café"
"Florence est hôtesse de caisse à Auchan"
"Un cortège passe. Le choeur est superbe, c’est « Le Temps des Cerises ».
Et puis il y a les petites incohérences qui rappellent qu’on est dans un joli conte :
"Elle est dans un bon établissement, réputé, et réservé aux riches. Sauf nous." Comment a fait Florence ??? Une compromission inavouée avec les réprésentants du grand capital … C’est le début de la fin ..
Il y a aussi la formation des jeunes esprits par les anciens qui savent quoi penser et quoi faire : "Je l’avais emmenée au CPE déjà. "
Et pour finir : la dénonciation de la presse inféodée au grand capital.
Pour mémoire, il est strictement interdit de dire que la presse est orientée sinon on passe pour un grincheux agité du bocal. Il faut respecter un peu la ligne, merde !