Le conseiller éditorial de Bakchich a lu Maan, dans ses pensées, un livre pas bête du tout.
Le grand mieux, dans la vie des sédentaires, c’est l’existence de types comme Éric Raoult. Avec des garçons comme lui, c’est-à-dire des députés ou ministres, des associations communautaristes, des gangs religieux ou philosophiques, la guillotine à couper les mots s’érige aussi vite qu’une tente de SDF sur les bords d’un canal. Publier redevient un sport de combat.
Plus besoin de courir, de manger trois fruits et cinq légumes : il suffit d’écrire, le mot est brûleur de lipides. Flash-black : Marie NDiaye, un écrivain de talent noir de texte et de peau, reçoit le prix Goncourt. Elle explique que c’est pour échapper au régime Sarkozy, qu’elle a décidé de vivre à Berlin. Éric Raoult, panseur de banlieue, crie que le prix du Goncourt est de fermer sa gueule. L’imbécile.
Passons à l’intelligence : parlons des chats. Cocteau a dit : « Si un chat coûtait un million, tout le monde rêverait d’en avoir un. » Sommes-nous millionnaires puisque la France est féline ? Et comme nous avons beaucoup de chats, mais aussi des chiens, des tortues et des canaris, nous avons des vétérinaires. Tant mieux quand ils ont la qualité de Frantz Cappé. Comme Céline, et pas loin du passage Choiseul, il fait docteur et écrivain. Son Maan, dans ses pensées a le pouvoir de faire dérailler nos voyages au bout de l’ennui.
Pas sot et en cavale, la héros-chat se réfugie dans une clinique vétérinaire de la place des Victoires. Locaux vides et pas de lumière depuis que le docteur Maan est tombé dans un coma inexplicable. C’est Lucile, genre Deneuve dans Belle de Jour, qui prend le relais du comateux, découvre l’emplacement du disjoncteur, et le félin aussi doué que Jean-Sébastien Bach dans l’art de la fugue. Elle le nomme Maan, comme l’ancien véto.
Mais, grâce à une puce électronique, la blonde découvre que le sans-papiers se nomme Marlon. Est le chat d’Hermes Law, un acteur, un Sam Shepard qui serait anglais. Quand il ne bassine pas le public de Londres avec son Shakespeare, il brûle les scènes parisiennes, et séjourne à l’hôtel Renaissance Vendôme. C’est d’ici que le marathon Maan part en promenade.
Bien sûr, l’errance de la bête est l’occasion de réjouir l’homme. Avec ce félin qui fait l’autre, et Maan et Marlon, nous visitons le plus beau de Paris. À la Comédie-Française, nous aimons en passant Catherine Samie, admirable doyenne qui est le relais et le château de notre chat. À Saint-Tropez il y avait jadis un chien, snob bien sûr, qui, à chaque fin de saison, testant un nouveau maître, repartait dans une nouvelle auto. Marlon n’est ni gigolo ni maquereau, juste jouisseur pas pressé. Et c’est Lucile qu’il aime. Au point de griffer les testicules d’un amant. Il l’aime pour elle et voulant son bonheur, lui souhaite du Lancelot, du Tristan, du Breton, du Badiou : l’amour fou avec Hermes.
Pendant que Marlon fait sa Meetic besogne, le docteur Maan vit dans un drôle de coma. Sa chambre devient jardin et lui-même chat. Ce qui prépare un final drôlement emballé. Au bout du compte, je me demande si Frantz Cappé raconte ici la vie d’un vrai félin… Il y a longtemps que les chats chez lesquels j’habite, Fœhn et Halva, écrivent eux-mêmes leurs livres. Gare au Raoult.