En ce début 2008, Hu Jintao n’échappe pas à la tradition et a présenté ses vœux aux Chinois. Société harmonieuse, vie heureuse et promotion de la "culture avancée socialiste" sont les clés de l’année qui s’ouvre. Du grand art pré-olympique !
Le président implacable et omniscient de la République Populaire de Chine s’est, comme tout chef d’État, plié à la cérémonie des voeux. En direct sur toutes les chaînes de télévision de CCTV (China Central Television) qui avaient momentanément interrompu leurs programmes, et sur toutes les ondes radiophoniques (celles de Radio Chine Internationale et celles de la Radio nationale de Chine) disponibles dans l’Empire du Milieu. Hu Jintao, l’air affable, a présenté ses voeux au monde entier et plus précisément : « à notre peuple multi-ethnique, à nos compatriotes des Régions Administratives Spéciales de Hong Kong et de Macao, à nos compatriotes de Taïwan et aux ressortissants chinois ainsi qu’aux amis de tous les pays du monde ».
Une fois le décompte fait et après avoir vérifié qu’il n’avait oublié personne, il peut enchaîner sur les grandes avancées du peuple chinois « uni comme un seul homme » derrière ses dirigeants dans la construction d’une « société de moyenne prospérité ». On apprend donc, par là-même, que le modèle de « société harmonieuse » (cf. Bakchich n° 56) est désormais caduque et que nous évoluons dorénavant dans une société de moyenne prospérité. De la pure rhétorique pour expliquer que, puisqu’on ne peut pas réduire l’écart entre pauvres et riches, disons plutôt que tout le monde s’enrichit à son rythme. L’ami Jintao peut rappeler que « notre peuple multinational mène actuellement une lutte pour inscrire un nouveau chapitre dans les annales de sa vie heureuse en s’appuyant sur ses efforts et son savoir-faire ». 2007, un grand cru pour le peuple chinois !
Dans sa verve, Hu en oublie quelque peu les scandaleuses conditions de vie et de mort des milliers de mineurs de fond creusant toujours un peu plus profond pour rejoindre leurs dignes ancêtres de Germinal, les travailleurs-migrants en voie de paupérisation accélérée et les ouvriers tout court soumis depuis peu à des contrats de travail qui font saliver d’envie nos responsables patronaux (cf. Bakchich n°59).
Qu’importe, puisque 2008 sera une « année d’importance majeure pour le peuple chinois », une « année clé dans l’histoire chinoise » affirme même l’éditorial du Quotidien du Peuple (Renmin Ri Bao). Le peuple continuera sans aucun doute et sans obligation aucune à « porter haut le drapeau du socialisme à la chinoise, matérialiser de manière approfondie le concept de développement scientifique, continuer à émanciper la pensée, persister dans la réforme et l’ouverture, développer l’économie de marché socialiste, la politique démocratique socialiste et la culture avancée socialiste ». Ouf, une grosse année en perspective !
Mais les Chinois peuvent s’en remettre au pouvoir central qui promet que chacun pourra « gagner sereinement sa vie par le travail, jouir des soins médicaux en cas de besoin, entretenir ses vieux jours sans souci et être décemment logé ». Puis, moment d’hésitation, sûrement au moment où l’ami Hu s’aperçoit qu’il a confondu son discours avec sa liste au père Noël…
Enfin, il n’y a pas de quoi arrêter un dirigeant communiste et notre grand mage des voies du socialisme de poursuivre : « nous déploierons sans relâche nos efforts pour le bien-être de nos populations des deux rives du détroit de Taïwan et la paix de la région. Nous sauvegarderons infailliblement la souveraineté de l’Etat et l’intégrité territoriale du pays ». Que les Taiwanais et leur stupide référendum démocratique – conspué par notre VRP-président lors de sa dernière visite officielle – se le tiennent pour dit : la Chine désireuse de « garantir la paix et la stabilité du monde » ne s’embarrassera pas d’une démocratie à ses portes. Malgré tout, d’après les grandes oreilles chinoises, la trêve olympique pourrait nous promettre quelques surprises de l’autre côté du détroit. Il va être beau le monde en 2008 !