Lâchée par le reste du gouvernement suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, ministre de la Justice, a choisi de ne pas extrader le cinéaste Roman Polanski vers les Etats-Unis.
Eveline Widmer-Schlumpf, ministre suisse de Justice et Police, mérite le grand prix de la langue de bois. Pour expliquer la libération de Roman Polanski, retenu dans la Confédération depuis le 26 septembre 2009, elle a déclaré lundi en début d’après-midi que « les clarifications approfondies qui ont été menées à bien n’ont pas permis d’exclure avec toute la certitude voulue que la demande d’extradition américaine présentait un vice ».
En clair, l’Office fédéral de la Justice ne dit pas qu’il y a un vice dans la demande américaine, mais il n’est pas complètement sûr qu’il n’y aurait pas, malgré tout, un vice… En fait, abandonnée par les autres membres du gouvernement, Eveline Widmer-Schlumpf, qui ne dispose que d’appuis politiques négligeables dans la Confédération, a finalement préféré se débarrasser de l’encombrant dossier Polanski.
Le Conseil fédéral, le gouvernement suisse, comprend 7 ministres qui prennent toutes les grandes décisions à la majorité. Depuis des mois, Eveline Widmer-Schlumpf demande, en vain, à ses six collègues d’assumer collectivement l’extradition ou la libération de Roman Polanski. Ancienne militante de l’Union démocratique du Centre (UDC), la principale formation politique du pays, elle est aujourd’hui membre du minuscule Parti bourgeois-démocratique. Elle ne peut s’appuyer que sur six députés au Conseil national (l’Assemblée nationale).
Devant le lâchage des autres ministres, notamment de l’UDC à droite, et du Parti socialiste à gauche, la ministre de Justice et Police a pris une décision qui, au moins, ne lui fera pas perdre des voix. En effet, sans vouloir cautionner le cinéaste, accusé d’un viol sur mineure, les Suisses refusent un diktat imposé par les Etats-Unis.
Dans sa conférence de presse, Eveline Widmer-Schlumpf a cyniquement rappelé que Roman Polanski faisait des séjours réguliers en Suisse « depuis l’achat de son chalet à Gstaad en 2006 », et qu’il ne se serait « certainement pas rendu au Festival du film de Zurich en septembre 2009 s’il n’avait pas eu confiance dans le fait que ce voyage n’aurait pas de conséquences juridiques ».
Roman Polanski était pourtant inscrit dans le registre suisse des personnes à arrêter « Ripol » depuis le premier trimestre 2006. Dès cette date, le réalisateur aurait dû être interpellé. Or, il a pu se rendre à de multiples reprises dans son chalet sans être inquiété, et les Etats-Unis n’ont jamais protesté devant ce laxisme…
Lire ou relire dans Bakchich :
Bon, il est marrant votre petit article mais il prouve une profonde méconnaissance du droit et du fonctionnement de la justice suisse et surtout peu d’envie de l’expliquer ou de l’explorer. Attends, attends, je dis pas que la Suisse se couvre pas, comme d’habitude, de ridicule. Par contre c’est totalement explicable dans un tel pays. Les deux décisions sont bureaucratique à l’extrême. Et complètement cohérentes en termes de droit, puisque la justice américaine n’aurait (y a un conditionnel qui, lui, risque d’être plus amusant que la justification formellement correcte de la ministre mais bon)pas transmis des procès-verbaux prouvant la validité de la procédure d’extradition.Formellement c’est suffisant.
Quant au cynisme supposé de la Schlumpfette sur la présence de Polansky, qui n’est certainement pas douce ou naïve, il s’agit du droit de protection de la bonne foi, donc encore un élément formel, et non pas un élément rhétorique.C’est limite comme argument mais ça aurait été bien de dire que c’était formel : on croit à une plaisanterie et si le Droit est une bonne blague, son application l’est moins.
Attention, il faut encore noter plusieurs choses : le droit suisse est construit à décharge, c’est à dire qu’il cherche toutes les possibilités de disculper les personnes soumises à instruction et non pas à prouver sa culpabilité. C’est valable dans le système judiciaire,ça se ressent ailleurs en théorie. Et pour finir, comme à son habitude molle, la Suisse n’a son mot à dire que sur la validité de l’extradition de Polansky. C’est marrant comme tout le monde semble croire qu’il a été jugé.
Mon avis ? J’vais aller regarder les nouvelles helvétiques en jouant la musique du Gendarme et les Extraterrestres…