Complots, manipulations et meurtres autour des mémoires d’un ancien Premier ministre britannique. Long, lent, douloureux : un vrai suppositoire cinématographique concocté par Polanski.
- Après avoir descendu Scorsese et son "Shutter Island", tu vas maintenant te farcir Roman Polanski, c’est ça ?
Exactement.
OK, balance !
Après avoir réalisé une poignée de chefs-d’œuvre dans les années 60-70, Polanski n’a plus signé un film majeur depuis "Tess".
N’importe quoi !
Examine un peu sa filmo. Tu ne vas pas me dire que tu aimes "Frantic", "Oliver Twist" ou "Pirates" ? Et encore, il y a pire…
Comme ?
Des nanars comme "Lunes de fiel" ou "La Neuvième porte". Tu te souviens de "La Neuvième porte" ? Johnny Depp en Tintin de l’occultisme et Emmanuelle Seigner qui fait du karaté sur les berges de la Seine. Quand tu penses que c’est le même cinéaste qui a réalisé "Rosemary’s Baby" !
Il y a "Le Pianiste" quand même !
Très académique, le film n’atteint jamais la puissance émotionnelle et stylistique du livre de Wladislaw Szpilman, un chef-d’œuvre qui t’arrache le cœur et les tripes.
Tu ne vas pas me convaincre sur ce coup-là. Et son petit nouveau, "The Ghost-Writer" ?
Tout petit, assurément.
Le pitch ?
Ewan McGregor, écrivain malin, va devenir le nègre de Pierce Brosnan, ancien Premier ministre britannique roué et sulfureux. Le manuscrit du politique déchaîne les passions, les morts s’accumulent : il y a de la C.I.A. et du complot dans l’air.
Et alors ?
C’est inspiré d’un roman de Robert Harris, mais c’est aussi palpitant qu’un épisode de "Derrick". Comment le génie qui a mis en scène "Chinatown" peut filmer aussi platement, aussi télé ? Avec des acteurs charismatiques comme des bulots, Polanski s’essaie à un exercice de style à la Hitchcock. Polanski qui plagie Hitchcock, tu te rends compte ? Il y a toutes les scènes obligées : le cadavre sur la plage, la poursuite en voitures, les hommes en noir, les trahisons… Pas une once d’originalité, pas une seule séquence qui te titille la rétine : on est dans la copie de copie, le déjà-vu. Agé aujourd’hui de 76 ans, Polanski radote et nous refait le coup de l’artifice.
Explique.
Il n’y a pas un décor réaliste. Tout est toc, en carton, une porte claque et tout le mur bouge. Depuis "Lunes de fiel", Polanski a érigé l’artifice en principe de mise en scène. Il tente de générer un climat d’inquiétante étrangeté avec des décors qui évoquent des espaces mentaux, proches des descriptions de Kafka. Mais cela ne marche jamais vraiment, on est juste dans le kitsch et si je voulais être méchant, je pourrais dire que Polanski a fait Kafka dans sa culotte. Dire qu’à l’époque de "Rosemary’s Baby" ou de "Répulsion", il arrivait à terrifier avec une cave, un couloir ou une simple porte. Les fans se consoleront avec ses thèmes de prédilection qu’il continue à décliner : l’attirance pour les gouffres, la noirceur du genre humain ou son obsession du huis clos. Marrant pour quelqu’un qui est prisonnier de son chalet de Gstaad.
En résumé.
C’est long, lent, douloureux : ce n’est pas un film, c’est un suppositoire.
Bon, t’as rien dit sur les problèmes de Polanski.
Qu’est-ce que tu veux ajouter au concert de conneries, surtout quand un spécialiste de la question comme Luc Besson s’est déjà exprimé…
Citation de l’article : « Polanski qui plagie Hitchcock, tu te rends compte ? Il y a toutes les scènes obligées : le cadavre sur la plage, la poursuite en voitures ».
J’aimerais assez qu’on me cite un seul film d’Hitchcock où il y a une poursuite de voitures ! (Prière de ne pas me jeter à la figure La mort aux trousses, il n’y a pas de POURSUITE, car il n’y a qu’une seule voiture, conduite par Cary Grant ivre)
Cher Sandor K,
N’importe quoi, que voulez-vous dire ? Face au concert de louanges et aux critiques qui rapprochent l’enfermement du personnage principal à la situation de Polanski en Suisse, voici mon argumentation : Polanski est à bout de souffle et d’inspiration depuis une trentaine d’années, son film est vague téléfilm, très long, très chiant, et Polanski essaie de nous refaire le coup de l’inquiétante étrangeté. Rien ne marche et c’est plutôt triste, quand, comme moi, on a beaucoup aimé ce grand réalisateur.
Voilà.
Cela dit, j’approuve absolument cette critique du film de Polanski. Ce "lourd secret" que cache l’ancien Premier ministre est ridicule (c’est en réalité sa veuve qui avait été recrutée par la CIA !), et cette histoire semble bien pâle auprès de centaines de romans policiers bien mieux conçus.
En outre, le dénouement est complètement invraisemblable : abattre quelqu’un, qui en sait désormais trop, en le faisant renverser par une voiture en plein centre de Londres, cela ne se monte pas en quelques minutes.
Et puis, ce cliché qui conclut ce dernier assassinat : les pages du manuscrit qui s’envolent et recouvrent la chaussée !… On ne fait plus ça depuis Christian-Jaque, au moins.