Dans un livre passionnant, la journaliste Ghislaine Ottenheimer et un ancien financier du groupe, Daniel Lebard, reviennent sur « le plus grand scandale financier français ».
Dans un livre d’entretiens réalisé avec la journaliste Ghislaine Ottenheimer, L’Affaire, l’histoire du plus grand scandale financier français (éd. Seuil), Daniel Lebard, l’un des hommes clé de l’affaire Rhodia, détaille les coulisses de l’un des grands dossiers financiers que la justice essaie de résoudre et qu’elle n’arrive pas à refermer. Elle a péniblement mis en examen l’ancien PDG de Rhodia, Jean-Pierre Tirouflet, mais on ne sent pas au pôle financier de Paris la ferme volonté de faire toute la lumière.
Daniel Lebard, un Français résident belge, avait été mandaté par la filiale chimie de Rhône-Poulenc pour participer à une opération financière, avant de prendre le large et reconstituer le puzzle de ce qu’il appelle « le plus grand scandale financier français ». Dans son livre, sous forme de questions réponses, on lit le déroulé du scandale, complexe, de l’achat par Rhodia d’une entreprise anglaise, Albright & Wilson, destinée à gonfler l’action de la filiale chimie de Rhône-Poulenc. On y découvre les ficelles de ce capitalisme bien français où les conseils d’administration sont composés de marionnettes, et où figure Thierry Breton, futur ministre de l’Économie et des Finances. Ce dernier sera d’ailleurs perquisitionné par les juges au plus fort de l’affaire. Mais pour pas grand chose.
À Rhodia, les administrateurs indépendants ne le sont pas vraiment. Ils sont souvent liés à la maison mère, contrairement aux règles. Il y a ainsi « Pierre-Gilles de Gennes, dont les travaux sont financés par Rhône-Poulenc ». Quant à Breton, alors PDG de Thomson, et président du comité d’audit de Rhodia, il est « membre du clan Bébéar et Fourtou ». Le financier Pierre De Weck a quant à lui « été conseil de Rhône-Poulenc lors du rachat de Rorer ». Selon Lebard et Ottenheimer, « aucun administrateur n’a pu (…) avoir la lucidité, l’indépendance d’esprit, le courage nécessaires pour tenir tête » à Fourtou, alors PDG de Rhône-Poulenc et grand manitou de l’affaire.
D’ailleurs, Lebard se lâche sur Fourtou. « Rhodia est une marionnette ! Le marionnettiste, c’est Fourtou (…), l’homme tout-puissant qui dans l’ombre dirige toutes les opérations d’une main impitoyable ! La tête pensante. Mais il n’apparaît jamais. (…) Les responsables, ce sont les dirigeants de Rhône-Poulenc. (…) Tirouflet est un complice qui participe largement à l’élaboration de la stratégie. Mais il est placé sous l’autorité du président de la maison mère, Jean-René Fourtou ».
Un livre-référence sur une singulière affaire où les deux principaux plaignants sont tous les deux décédés. Edouard Stern a été assassiné par sa maîtresse au cours d’une séance sado-maso. Le milliardaire Hugues de Lasteyrie a été victime d’une attaque cardiaque. Leurs sociétés et héritiers ont repris le combat, mais peut-être pas avec la niaque nécessaire pour que justice soit faite.
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