« Bakchich » publie le dernier épisode des confession d’Abdelkader Tigha qui paraissent en librairie le 12 juin sous le titre « Contre-espionnage algérien : notre guerre contre les islamistes ».
Après six années passées au CTRI de Blida, en plein maquis des GIA et au coeur de la machine de guerre des généraux algériens, le sergent Tigha déserte et s’enfuit à l’étranger. Il transite par Tunis, Tripoli, Bangkok où il est lâché par la DGSE française, Damas, Amman, où la sécurité jordanienne lui sauve la vie, et enfin Amsterdam… La fuite est sa seule issue : son ancien service le traque sans relâche. Abdelkader Tigha est aujourd’hui réfugié en Hollande.
[Après une courte escale à Tunis, Abdelkader Tigha s’est rendu à Damas, en Syrie, où il a contacté l’ambassade de France pour demander l’asile politique. Il a été reçu par les hommes de la DGSE, les services secrets français, qui lui ont remis 3 000 dollars en liquide pour qu’il se rende en Thaïlande où une autre équipe de la DGSE est sensée le « débriefer ». Abdelkader Tigha arrive à Bangkok le 5 janvier 2000.]
Les questions ont commencé. Pendant que je discutais avec Christian [pseudonyme du chef de la petite équipe de la DGSE venue de Paris à Damas pour entendre Abdelkader Tigha], les deux autres agents se sont mis à photographier mes documents, mes ordres de mission, ma carte de sécurité. (…)
Ils veulent tous savoir. Comment fonctionne le DRS ? Quelle est sa structure et ses missions spécifiques ? Le GIA est-il manipulé par le DRS ? Quel est le groupe qui a assassiné l’imam Abdelbaki Sahraoui, rue Myrha, à Paris le 11 juillet 1995 ? L’enlèvement des moines de Tibhirine est-il une manip du DRS ? Qui en aurait perdu le contrôle ? Les questions fusent. Je parle, je parle. Puis soudain, j’entends ma voix faire de l’écho. Je me rends compte que je suis le seul à parler.
— Attendez, j’ai dit. On parle, on parle, mais on a toujours pas abordé mon statut. Ma demande d’asile et de sécurité ? J’attends toujours une garantie.
Je viens de comprendre qu’ils sont juste là pour prendre mes informations, et rien d’autre. (…)
Christian est enfin revenu… Son visage semble chiffonné.
— Ma hiérarchie m’ordonne de te remettre de l’argent afin de te débrouiller pour partir seul vers l’Europe. Tu achètes un faux passeport français ici, comme tu parle la langue, la suite sera facile. Et tu nous recontactes en arrivant à Paris !
Je le regarde un peu interloqué. (…) Christian reprend.
— Sinon, Paris se propose de t’installer dans un pays du Moyen-Orient. Tu pourras travailler pour nous en direct.
Je le regarde comme si j’avais mal entendu.
— Non monsieur ! Ca, surtout pas. Je veux un pays européen pour être à l’abri. C’était ça, votre promesse faite à l’ambassade de France à Damas.
Je ne me retiens plus. J’explose de colère.
[Lâché par la DGSE à Bangkok, Abdelkader Tigha s’est tourné vers le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Hélas pour lui, le bureau de cette agence des Nations Unies à Bangkok n’a rien trouvé de mieux que de signaler sa présence sur le sol thaïlandais à l’ambassade d’Algérie la plus proche. Résultat : l’ambassadeur fait des pieds et des mains pour faire extrader Tigha vers Alger. Entre temps, celui-ci a été jeté en prison puis dans un centre pour sans-papiers. Il est aidé par un Père blanc, le père Morin.]
— Kader, je vous présente Benjamin Zawacki. C’est un avocat de Boston spécialisé dans les droits de l’homme. (…)
Le père Morin m’explique à voix basse que leur acharnement a payé.
— Votre ambassadeur est toujours là. Il est très actif. Il fait du lobbying auprès du général de la police pour lancer votre extradition. Il a même organisé un dîner avec le général en chef de la police…
— Et alors ?
— Et alors ? J’ai été voir le chef de la police et je lui ai dit que s’il vous renvoyait dans votre pays, vous seriez exécuté dès votre arrivée… et que ce serait très mauvais pour son karma.
Le père Morin a eu soudain un sourire malicieux comme s’il allait me faire une bonne blague. Il a repris :
— Le général de la police part en retraite ce soir… Nous nous sommes parlé au téléphone hier. Il m’a demandé ce qu’il pouvait faire avant qu’il ne quitte ses fonctions après toutes ces années de travail en commun… Nous avons toujours eu d’excellentes relations avec lui. Je lui ai donc reparlé de votre cas et de votre demande d’asile. Voilà ce qu’il va faire… (…)
Avec la complicité du général de la police thaïlandaise, je vais reprendre ma course. Fuir.
L’avion se pose. Nous sommes le 24 septembre. Le passage à la douane s’effectue sans problème. Dehors, Benjamin nous mène à un hôtel du centre-ville.
— Abdelkader, vous restez là le temps que la Fédération des droits de l’homme nous envoie un représentant.
L’organisation Caritas Jordan me prend en charge en envoyant une de ses représentantes. (…) Pour plus de sécurité, Benjamin décide de me remettre entre les mains du père Hanna Kildani. Ce dernier est responsable d’une petite église dans le centre de Amman… (…)
— Ca fait longtemps que je n’ai pas entendu la voix de ma femme et de mes enfants. J’aimerais, si c’était possible, les appeler. C’est la fin de l’Aïd, vous savez. C’est une fête très importante chez nous en Algérie. (…)
Le lendemain, au petit déjeuner, je vois arriver le père Kildani.
— Kader, je ne comprends pas. Il y a quelqu’un qui veut vous parler dit-il en me tendant le téléphone portable.
Son visage est tout gris. Je n’entends rien d’abord, puis mon correspondant au bout du fil me parle en arabe.
— Abdelkader Tigha, je suis le colonel Ali de la sécurité jordanienne. Où êtes-vous monsieur Tigha ? Il faut venir nous voir tout de suite pour vous éviter de graves problèmes. (…)
Un silence s’est installé.
— Monsieur Tigha. Vous avez appelé votre femme hier. Nous venons de recevoir un message urgent en provenance d’Alger à votre sujet. Un message signé Smain Lamari… Ca vous dit quelque chose ?
Un long silence vient se couler dans ma gorge. Fouzia. Le téléphone de la maison. Ils l’ont mis sur écoute. Pendant trois ans, ils ont attendu patiemment que j’appelle. (…) Une heure plus tard, deux voitures noires se sont garées dans la petite rue de l’église. Trois hommes en sont sortis. Ce sont le colonel Ali et ses frères. Le père les a accueilli en les guidant vers son bureau, au premier étage. (…)
— Tigha, nous ne sommes pas venus pour t’arrêter.
Je hoche la tête, un sourire un peu crispé.
— Ton chef Smain Lamari nous a demandé de te renvoyer chez toi. Il nous a demandé de te retrouver et de t’expulser le plus vite possible vers l’Algérie.
Il marque une pause.
— … Ce que nous n’allons pas faire !
Il reprend.
— On a compris que si tu repars là-bas, ils te zigouillent, non ?
J’acquiesce.
— Tu vois, le royaume de Jordanie ne veut aucun problème diplomatique avec l’Algérie. Mais nous ne voulons aucun problème avec les droits de l’homme. Une protection te sera donnée pendant que nous leur répondrons qu’on te recherche partout, mais que tu es caché… En échange, tu nous promets de quitter la Jordanie sous vint-quatre heures. (…)
Je tique. Il s’en est rendu compte.
— Ecoute, mon interlocuteur algérien m’a clairement fait savoir qu’une équipe partait d’Alger pour te récupérer. Alors… je n’ai pas envie qu’un « déserteur » des services algériens soit assassiné sur mon territoire. (…)
Le lendemain, la réponse arrive. La représentante de la FIDH a une mauvaise mine.
— Je suis désolée. La réponse de la France est négative. C’est incompréhensible. C’est le premier pays d’accueil demandé qui doit accepter, selon la loi européenne…
Il me montre le document envoyé par le conseiller diplomatique en personne du président français Jacques Chirac. [Il s’agissait de Maurice Gourdault-Montagne.] « … bien qu’il ne soit envisagé de délivrer un visa à M. Tigha, les autorités françaises sont disposées à soutenir (…) les efforts engagés par la FIDH en vue de trouver une solution humanitaire à ce cas. »
Le colonel Ali téléphone maintenant toutes les heures. Je sens qu’il aimerait bien que j’évacue le pays.
Il nous faut trouver un billet vers un pays où les Algériens n’ont pas besoin de visa. Benjamin lève la tête de l’ordinateur :
— J’ai que du vol direct, attend… Il y a peut-être un vol Amman-Kuala Lumpur, en Malaisie. Tu n’as pas besoin de visa pour entrer en Malaisie… Et il fait une escale en Hollande ! Il y a un stop à Amsterdam. Tu le prends, tu descends à l’aéroport d’Amsterdam, et tu te perds là-bas ? Nous, on préviendra la FIDH de ton arrivée ?
Qu’est-ce que tu en penses ? me dit mon avocate. La Hollande ? Pourquoi pas ?
Le lendemain, flanqués de mon avocate Eva Aissa, nous nous rendons à l’aéroport. Elle n’a pas confiance dans les services secrets jordaniens et a peur qu’il y ait un coup fourré de dernière minute. (…) A l’aéroport d’Amman, un officier de police s’avance tranquillement. Me prend le passeport et me met un cachet dessus avec un grand sourire. Je le devance et lève les bras pour la fouille.
— Pas besoin, pas besoin…
Je comprends que le colonel Ali a fait passer des consignes pour faciliter mon départ.
[Abdelkader Tigha a bien réussi à disparaître lors de son escale à Amsterdam. C’était le 3 septembre 2003. Il a été prise en charge par la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) mais placé dans un centre pour demandeurs d’asile où il passe dix mois avant d’être envoyé dans un camp de réfugiés installé en pleine campagne. Après avoir reçu une réponse négative de l’immigration hollandaise, Abdelkader Tigha se rend à Paris, en février 2007. Trois mois plus tard, il est expulsé de la France vers les Pays-Bas où il attend une réponse du tribunal d’Amsterdam qui est sensé revoir son dossier d’immigration.]
Abdelkader Tigha, avec Philippe Lobjois, Contre-espionnage algérien : Notre guerre contre les islamistes, Editions Nouveau Monde, sortie le 12 juin
Lire ou relire dans Bakchich les premières parties des bonnes feuilles :
Un sergent dans l’Armée Algérienne n’a aucun secret à divulguer auprés de l’ennemi,sinon la composition organique de l’Armee que tout les éspions du monde connaissent.
Ce militaire felon voulait refaire sa vie dans un pays riche pour devenir lui aussi riche,mais cela a mal tourné pour lui.
Maintenant qu’il tire des lecons de sa trahison,aucun autre pays ne veut de lui,c’est comme un Harki,il n’est pas à l’aise dans le pays d’acceuil,et banni de son pays.
Moi aussi j’ai été militaire durant 30 ans et j’ai vécu la période de turbulence de bout en bout,dans des endroits à hauts risques.J’ai eu de la chance,suis vivant et coule une douce retraite dans mon village natal.
Qu’il sache ce militaire et d’autres avec lui qui ne cessent de dénigrer leur pays, qu’aucune puissance etrangere quelque soit sa valeur pour l’applications des droits de l’homme,n’accepte cette catégorie d’homme,sion l’utiliser pour leur service pour faire du mal à son pays et une fois leur objectif atteint ils le jettent en pature à d’autres services.