Les élections ont bel et bien eu lieu au Congo-Kinshasa. Et la fête a été si fastueuse qu’on attend avec impatience le second tour.
Comme il se doit au pays des « ambianceurs » et autres sapés, la double élection (présidentielle et législative) du 30 juillet a été une grande fête. La campagne électorale a beaucoup fait danser, chanter et dépenser. Les candidats les plus fortunés ont beaucoup dépensé pour qu’on danse et chante leur éloge dans les bas quartiers de Kin-la-Belle. Pas d’élections sans argent, dit-on, mais avec les 450 millions de dollars des bailleurs (essentiellement fournis par l’Union Européenne) la fête avait de quoi être belle !
Les gâcheurs de fête - que les rapports de l’ONU appellent très savamment les « spoilers » - n’ont donc pas eu gain de cause : ni la stratégie de boycott de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) d’Etienne Tshisekedi ni les menaces de violence plus ou moins voilées de certains candidats n’ont empêché le double scrutin historique de se tenir (on n’avait pas voté aussi librement depuis les années 60). L’Eglise catholique s’en est même mêlée : le dimanche 23 juillet, une semaine avant le jour J, elle appelait au boycott si 1,3 millions d’électeurs dont les noms avaient « disparu » des listes électorales n’étaient pas autorisés à voter. Mais elle est vite revenue à de biens meilleurs sentiments après l’appel des chefs des autres confessions religieuses à participer en masse au vote et après des « vérifications et assurances » fournies par la Commission Electorale Indépendante présidée par…un membre de l’Eglise catholique, l’abbé Malu-Malu (selon les mauvaises langues kinoises, les rivalités internes à l’Eglise catholique entre Mgr Monsengwo et l’abbé ne seraient pas pour rien dans cette soudaine mise en garde, ce qui en dit long sur le degré de politisation de l’Eglise en RDC).
Evidemment, les derniers jours de campagne ont été chauds comme il se doit dans un pays d’ambianceurs : accueil à coups de cailloux pour le candidat-président Kabila dans certains quartiers de la capitale et dans le Kasaï, doutes sur sa « congolité », rumeurs d’implications dans la mort de son père, lynchage de trois policiers au meeting de Jean-Pierre Bemba, accrochages entre les hommes de main de ce dernier et du candidat-président. Bref, le cours normal d’une campagne électorale réellement disputée. Le jour J s’est déroulé comme prévu, y compris dans le Kasaï où l’UDPS a fait brûler quelques bureaux de vote (mais un nouveau vote était organisé dès le lundi pour permettre aux électeurs de s’exprimer). Du coup, la force européenne de sécurité (EUFOR) déployée pour l’occasion à Kinshasa n’a aucun incident sérieux à déplorer, sauf la perte d’un drone qui s’est écrasé dans un des bas-quartiers de la capitale en faisant quatre blessés.
Tout à l’enthousiasme de l’élection, l’abbé Malu-Malu a annoncé que, si second tour il y avait pour la présidentielle, il se tiendrait le 29 octobre et que les résultats des législatives seraient annoncés au fur et à mesure du dépouillement. Il reste toutefois prudent et n’annonce pas encore de date pour les résultats que tout le monde attend : ceux de la présidentielle (pas avant la fin du mois d’août !). Et contre toute attente, les deux grands candidats se comportent en gentlemen : le président-candidat et Jean-Pierre Bemba ont tous deux fait savoir qu’ils étaient satisfaits des opérations électorales et, comme prévu, pour le moment seul le RCD de Azarias Ruberwa, annoncé comme grand perdant, dénonce des « fraudes massives ». Le PPRD (Parti du peule pour la reconstruction et la démocratie) de Kabila et le MLC (Mouvement de libération du Congo) de Bemba devraient donc être les grands bénéficiaires du retour de la démocratie et, par médias interposés, tous deux répandent la rumeur de leur victoire, voire du vol de leur victoire électorale ! La MONUC et tous les autres acteurs étrangers du processus électoral les ont déjà mis en garde contre la tentation de faire monter la température pendant le comptage des votes mais une seule chose est sûre : l’avenir de la nouvelle démocratie congolaise dépendra d’un accord entre le PPRD et le MLC, à l’exclusion des troubles-fêtes des Kivus.