Soirée confidentielle spéciale remise du prix Botul.
Ça a commencé comme ça … Ç’était le 11, et on était en décembre. Saison des huîtres, du foie gras, des choses lentes, mortes et succulentes.
On avait rendez-vous au Café Le Progrès (c’est un alexandrin). A 20 heures trente, tous ceux qui étaient convoqués à 20 heures étaient presque arrivés. A 20 h 41 le président Pagès (qui s’est fait couper les cheveux afin de ressembler à Tintin) a déclaré : « LE QUORUM EST ATTEINT LA SEANCE EST OUVERTE JE RAPPELLE QUE SEULS PEUVENT VOTER CEUX QUI SONT A JOUR DE LEURS COTISATIONS MESDEMOISELLES MESDAMES MESSIEURS CHERS CAMARADES BONSOIR. » On a commandé des huîtres , du foie gras et des auvergnates (il s’agissait de salades ni putes ni soumises) et du Saint-Pourçain des deux couleurs qui se révéla décevant surtout en blanc.
Le Président Pagès, qui avait ses lunettes, a lu un éloge des précédents prix Botul (qui tous étaient présents dans la salle, rouges de confusion et ravis de l’aubaine), puis un éloge des prix littéraires décernés cette année par divers comités Théodule attablés dans des restaurants chers et des cafés démodés, en précisant : sauf Alexakis, c’est du bouillon. Puis il a rappelé l’article unique du règlement du prix Botul : 1° Pour être lauréat du Prix Botul, il faut et il suffit d’être membre du jury du prix Botul (qualité qui s’obtient, rappelons-le, par obscure cooptation). De plus (article 1° bis), il est bon que le nom de Botul apparaisse, imprimé, dans l’ouvrage soumis à la pesée. Des contestations s’élevèrent alors, car certains auteurs avaient compris qu’il suffisait que les lettres b, o, t, u, l, dans cet ordre ou autrement, se laissent découvrir dans l’ensemble typographique de l’ouvrage. On passa outre.
La télévision était représentée par une jeune cadreuse qui évoluait gracieusement, sa caméra à la main, entre les convives avinés. La presse, conformément à nos supplications, était ailleurs. Même les renseignements généraux, mobilisés par la protection rapprochée de Salvador Kadhafi, nous foutaient une paix républicaine. Bref, on était bien, pas vrai, Tintin ?
Nous bûmes, nous mangeâmes, nous écoutâmes les candidats dire du bien de leur livre et des non-candidats dire du mal de tout le monde. Nous recommandâmes du vin, nous le bûmes malgré tout, nous disputâmes, nous nous fîmes livrer quelques douceurs en dessert, nous fûmes plusieurs à évoquer le talent de notre ami Brouillard, présentement hospitalisé à Plaisir-ça-ne-s’invente-pas, et représenté par son éditeur du Castor Astral (le seul animal qui, comme l’homme astral, travaille avec sa queue) et par l’illustrateur de son dernier opus qui s’appelle (l’illustrateur) Bruno Mallart (et non pas « Nuit », comme l’insinua un facétieux, grand spécialiste des calembours sur la collaboration et les chemins de fer). Lime (des théâtres parisiens) prit ce beau livre en mains et en lut quelques pages – des limericks littéraires de la plus belle eau, ornés de saillies acrobatiques à vous couper le souffle. Le ton monta d’un cran, les passions s’échauffèrent, la salle vibrait d’hystérie, on alluma les petits briquets, le parapluie de la modestie s’effondra sous la pluie des compliments, et alors, alors… le Président Pagès, qui, rappelons-le, est constamment réélu non seulement parce que son épouse Sonia nous procure de merveilleux buffets garnis, mais encore pour sa sagesse proverbiale (ne dit-on pas : sage comme Pagès ?), le Président Pagès, donc, montant sur la table, levant les bras au ciel, déclara : « PAR ACCLAMATIONS, LE PRIX BOTUL 2007 EST ATTRIBUE A EMMANUEL BROUILLARD POUR : TROIS CLAQUES A BALZAC, ILLUSTRE PAR BRUNO MALLART ET PUBLIE AU CASTOR ASTRAL QUI PAIE LE CHAMPAGNE SELON L’USAGE ! »
Comme il est connu que le lauréat d’un prix littéraire reçoit un gros chèque, le pésident rédigea, à l’ordre de Brouillard Emmanuel, un chèque de 60cm sur 23cm tiré sur le compte de l’Association des Amis de Jean-Baptiste Botul, pour le montant de : « la rançon de la gloire » (fin de citation). Le chèque fut remis à qui de droit qui reçut le mandat (mais aussi le chèque) de remettre le chèque (pas le mandat) comme un ballon d’oxygène au récipiendaire (attention, il y a dans les cinq mots qui précèdent un très mauvais calembour) à Plaisir (ce n’est pas, hélas, un calembour). Bon, je vois que personne n’a pigé : récipient d’air, ballon d’oxygène, vous saisissez ?
Ensuite on a bu le champagne en disant du mal de Sarkozy, comme tout le monde. Car il ne faut pas croire que les artistes, les journalistes et les écrivains vivent différemment des autres gens simples de notre beau pays. Eux aussi, ils ont un coeur, des dettes, des copines genre grue friquée qui les laissent tomber comme une merde de chien, une Rollex, des talonnettes et des copains en Libye. Alors, monsieur Sarkozy, faudrait voir à pas vous prendre pour le nombril de la Castafiore, hein, on connaît la chanson, et on est bien placés pour vous dire que xx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx (censuré). Ensuite, en hommage au bon Président Chirac, l’assemblée s’est dissoute, dans la nuit parisienne, mélancolique, bitumeuse et un peu humide, parce qu’il pleuvait.