Cette fois, on y est : le féminisme vire à l’archaïsme, la domination masculine rejoint enfin l’enfer des concepts arriérés.
Dans la France du XXIème siècle, la femme règne, il n’y en a que pour Elle et nos fiers élus se dressent comme un seul homme contre toute atteinte à sa dignité.
En Afghanistan, l’armée française tire sur des gamins pour émanciper leurs mères. Sur le sol patriotique, l’outrageux niqab est mis en pièces par le législateur républicain. Sur tous les fronts, les preux chevaliers de l’honneur féminin ne lâchent rien, jusque dans l’Hérault.
A Béziers, ville du vin, de la feria et de l’ovalie, on ne plaisante pas sur le respect de la femme. Certes, la cité regorgeait de bordels au temps révolu de l’âge d’or viticole : il fallait bien délasser le vigneron biterrois. Mais, comme dit la chanson, du passé, faisons table rase. Au marteau piqueur.
Courageusement armé d’un tel engin, Monsieur le maire s’est attaqué, en décembre dernier, à deux innocents phallus : deux bites en béton armé, superbement érigées à l’entrée de la ville, deux vestiges d’une maison de tolérance, dont les édiles ne toléraient plus « l’image déplorable » et « le côté dégradant pour la femme ». Des célèbres verges biterroises, style art nouveau, qui triquaient avenue Rhin et Danube depuis plus d’un siècle, il ne reste que d’informes gravas et un peu de poussière grise.
Grâce à ce viril membre de l’UMP qu’est le maire de Béziers, les écailles nous tombent des yeux : le sexe masculin en érection, auquel nous avions cru, en nos moments d’égarement, trouver des aspects plaisants, aurait un côté dégradant pour la femme. Le magistrat, toutefois, ne précise pas lequel. Après trois millions d’années de propagande machiste fondée sur le culte de son organe érectile, l’homme d’aujourd’hui déclare publiquement sa bandaison rabaissante. A Béziers, le mâle est prié d’honorer la femme en mettant son pénis en berne. Ne lui reste plus qu’à pénétrer dans la mêlée et envoyer le ballon en l’air, entre les poteaux. Qu’importe si les nuits deviennent tristes comme le béton en miette des phallus amputés, tant pis si la natalité ramollit, pourvu que reste intacte la dignité de la femme.
Heureusement, un groupe de résistants à la tartufferie municipale, Les Cénobites tranquilles, s’activent pour que le couple de glorieux braquemarts soit à nouveau édifié, ne serait-ce que dans un musée où il témoignerait, non du mépris biterrois pour les filles d’Eve mais d’une part de l’histoire de la ville. Ils proposent même de financer le projet. Mais Monsieur le maire, telle l’oiselle effarouchée, fait la sourde oreille.
Quant à La Femme, tiraillée entre ceux qui voudraient la voiler et ceux qui la voudraient dévoilée, elle aimerait bien que ces messieurs la laissent décider par elle-même de ce qui l’offense ou ne l’offense pas.