Pressions de Bruxelles, critiques de la Cour des Comptes, le mensuel vedette "Courrier Cadres" en passe d’être cédé… L’association pour l’emploi des cadres traverse une zone de turbulences.
Serge Dassault n’est pas seulement un éminent spécialiste des « dons d’argent » à ses électeurs, il sait aussi à l’occasion donner un coup de main pour accélérer la liquidation du service public à la française.
En 2004, le Syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion saisit la Direction générale de la concurrence à Bruxelles contre l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), accusée de « distorsion de concurrence ». Une rafale procédurière derrière laquelle se cache papy Dassault. Le patron du Figaro trouve inouï que l’hebdomadaire de l’Apec, Courrier Cadres, taille des croupières à sa danseuse sur le juteux marché des petites annonces. Sous la pression conjointe de la commission européenne et du gouvernement français, l’association sacrifie les petites annonces de Courrier Cadres, devenu mensuel en 2006. Shootés à l’idéologie capitaliste pure et dure, Bercy et Bruxelles élaguent les services publics un à un, au nom de la « concurrence libre et non faussée ».
Lors d’un séminaire de l’encadrement organisé les 18 et 19 mars derniers, le directeur général de l’Apec, Jacky Chatelain, annonce la fin programmée de la cotisation cadre versée à l’association. Créée en 1966, cette dernière est alimentée par le régime de retraite complémentaire des cadres (Agirc), auquel cotisent obligatoirement tous les salariés de l’encadrement. Une manne d’un montant annuel de 90 millions d’euros, considérée par la Commission européenne comme une subvention d’Etat.
Or, les règles anti-concurrentielles de l’Union, adoptées indistinctement par des gouvernements de droite et sociaux-démocrates, interdisent aux pays membres le financement public de prestations dites concurrentielles. Pour la plus grande joie de l’héritier Serge Dassault, apôtre du « libéralisme participatif », et consorts. L’heure de la curée est désormais proche pour l’Apec.
Après les petites annonces, les autres activités rémunératrices de l’association, susceptibles de faire de l’ombre à des intérêts privés, se retrouvent dans le viseur bruxellois. Comme l’a déjà révélé Bakchich, le marché lucratif du « placement » des chômeurs cadres a été confié à des cabinets de reclassement privés dont l’efficacité et la supériorité par rapport au service public n’ont jamais été prouvés. Plus faciles à recaser que les « titulaires » du RSA (revenu de solidarité active), voués à accepter une aumône en guise de viatique, les cadres rapportent de jolies primes aux entreprises (Altédia, BPI, Ingeus, Sodie) qui profitent de la crise économique et de leurs soutiens politiques hauts placés pour gonfler leurs bénéfices.
Quant à l’activité « événementielle » (les salons Cadres&Co, Ingénieurs, Research…) de l’Apec, elle est non seulement déficitaire, mais sous le coup d’une plainte à Bruxelles pour distorsion de concurrence, comme Courrier Cadres. « Les salariés du pôle « événementiel » s’attendent donc à subir le même sort que le pôle « presse » de l’Apec : une cession de l’activité à un organisateur de salons », soupire un salarié résolument hostile au démantèlement en cours.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, la Cour des comptes avait stigmatisé en 2007 le manque de transparence de l’Apec, obligée de se doter d’une comptabilité analytique destinée à séparer les activités concurrentielles des missions de service public (information délivrée gratuitement aux chômeurs dans les agences, site internet en libre accès). Pour faire bonne mesure, l’Inspection générale des affaires sociales est en train de conduire une enquête, une première en plus de quarante ans d’existence de l’Apec.
Curieusement, l’organisme paritaire, sous tutelle à la fois patronale et syndicale, est victime de sa bonne gestion. Avec 100 millions d’euros de réserves, l’Apec suscite la convoitise de Bercy, qui ne serait pas fâché de piocher dans ses caisses pour renflouer Pôle emploi. Première étape avant une fusion synonyme de disparition. « Le gouvernement fait d’une pierre deux coups, il racle les fonds de tiroir et affaiblit les syndicats dont les organismes paritaires constituent une source de financement indispensable à leur survie », assène un contestataire mal luné.
Concernant Courrier Cadres, le conseil d’administration de l’Apec a engagé, jeudi 18 mars, des négociations avec un repreneur, Gérard Touati, propriétaire d’un obscur groupe de presse spécialisé dont le tirage s’élève seulement à 3 300 exemplaires. La décision finale est attendue fin mai.
Une nouvelle pas franchement bien accueillie par les 35 salariés de Courrier cadres, réunis en assemblée générale il y deux semaines : « L’analyse objective des publications du groupe Touati montre un modèle sans journalistes et sans diffusion qui se situe hors du champ de la presse d’information économique. »
Journalisme sans journalistes ? Les confrères poussent un peu. Dans la famille Touati, je demande les filles, Géraldine, Joanna et Victoria, auxquelles Gérard ne manque jamais de confier la direction de la rédaction de ses titres. N’en déplaisent aux gauchistes de Courrier cadres, Gérard et ses fifilles sont journalistes. Simplement, ils n’ont pas besoin, eux, d’une armada de plumitifs surpayés pour faire tourner la boutique.
Un journaliste se souvient de la reprise du mensuel Rebondir, en février 2002, par Gérard Touati, que des jaloux qualifièrent de Murdoch au tout petit pied : « Un jour, nous avons vu rappliquer deux jeunes gars souriants, qui se présentaient comme journalistes. “C’est pour le déménagement, où sont les cartons ?” » Chez Touati et compagnie, tout le monde met la main à la pâte. Pas besoin d’une entreprise de déménagement, les journalistes peuvent le faire eux-mêmes.
Notre journaliste se rappelle aussi cette saillie à propos d’une salariée en contrat de qualification payée 10% de plus que le Smic. « Vous ne lui rendez pas service, à cette petite. Elle est beaucoup trop payée, elle aura du mal à se réinsérer dans la vraie vie », avait éructé l’homme aux cravates ornées de têtes de Mickey. Quand il ne tançait pas les dangereux syndicalistes, Gérard Touati harcelait les journalistes de Rebondir avec la même question : « Combien d’articles par mois ? » Dans le monde idéal de ce patron de PME, un journaliste n’a pas vocation à fabriquer une information fiable et vérifiée. Il lui suffit de recracher les communiqués des services de presse. Résultat : la rédaction de Rebondir est partie avec armes et bagages.
Pas de quoi rassurer les salariés de Courrier cadres, lâchés par les syndicats de l’Apec. Selon un meneur de la fronde anti-Touati, ces derniers « pensent naïvement qu’en supprimant le magazine ils arriveront à sauver l’Apec, que l’État veut fusionner avec Pôle emploi ».Dans la presse aussi, la lutte des classes est un long combat.
ENFIN…………….
Je signalais depuis longtemps et pas qu’à VOUS, la TOTALE ineptie et la gabegie permanente très largement entretenue dans ce maelstrom d’ego qu’est l’APEC.
Maintenant, il faudra vérifier les comptes…………..