Encensée par les Nations Unies pour sa lutte contre le sida, gavée de dollars par les fonds d’aide internationaux pour contrer l’épidémie, la Chine est pourtant un très mauvais élève. Gourmand de surcroît.
Dans son rapport de décembre sur l’évolution de l’épidémie de sida dans le monde, l’Organisation des Nations Unies pour la lutte contre le Sida (UNAIDS) pointe du doigt les bons et les mauvais élèves du continent asiatique. Du côté des bons élèves, on retrouve le Cambodge, la Birmanie et la Thaïlande. Les nouvelles bêtes noires épinglées par le rapport pour leur gestion déplorable de l’épidémie sont au nombre de deux : l’Indonésie et le Vietnam, où le nombre de personnes infectées a doublé. Qu’en est-il des deux géants asiatiques, l’Inde et la Chine ? Bien que l’épidémie continue de toucher une partie non négligeable de la population indienne (entre 2 et 3,1 millions en 2006), la proportion des personnes vivant avec le virus du sida a été revu à la baisse. De nouvelles méthodologies dans la lutte ainsi qu’un système de surveillance et de tests renforcés expliquent ces progrès.
À la lecture du paragraphe sur la Chine, surprise ! Silence radio ! Si le rapport reconnaît que l’épidémie touche désormais l’ensemble des provinces chinoises, il ne fournit pas d’estimation du nombre de personnes infectées. Omerta ou pas de statistiques ? Va par contre pour un copié-collé du discours officiel de l’Empire du Milieu puisque les toxicomanes, pauvres drogués improductifs, les prostituées et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes y sont stigmatisés et rendus responsables de la diffusion de l’épidémie. On se croirait dans un article du Renmin Ri Bao (le Quotidien du Peuple). D’où cette question : l’ONU est-elle au garde-à-vous devant les autorités chinoises ?
Toujours est-il que le directeur exécutif de l’UNAIDS, Peter Piot, en visite officielle en juillet en Chine, a fait un éloge appuyé à la contribution du gouvernement chinois à la prévention contre le sida. Éloge cynique quand on sait qu’il a été prononcé au retour de sa tournée dans les villages les plus touchés par le scandale du sang contaminé de la province du Henan. Mais en matière de courbettes d’organisations internationales, il y a mieux encore. Michel Kazatchkine, un French docteur, directeur exécutif du Fond mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France est le deuxième donateur après les États-Unis, glorifiait lui aussi, début novembre, les avancées de la Chine dans le combat contre le sida. Scandaleux quand on sait que non seulement le pays nie qu’en matière de sida il y a urgence chez lui mais qu’en plus il a touché 424 millions de dollars de ce fonds pour lutter contre les maladies infectieuses. Un scandale discursif doublé d’un scandale financier ?
Dans un rapport de février, la Banque Mondiale lève un joli lièvre sur l’utilisation des financements internationaux accordés à la Chine dans le cadre de la lutte anti-sida. Page 42, on peut y lire noir sur blanc « le plus important est où va l’argent ». Le point d’interrogation est superflu. Du même acabit : « moins de 20% des fonds transférés par le gouvernement central et moins de 25% des fonds alloués au gouvernement provincial du Guangxi atteignent éventuellement le niveau cantonal ». Quant aux patients sensés bénéficier des sous, le rapport préfère tout bonnement ne pas en parler