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Kusturica, embastillé

Portrait / jeudi 12 juillet 2007 par Patryk Wozniak
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Le nom d’Emir Kusturica ne rime pas qu’avec cinéma, le réalisateur serbe offre au public français un opéra à la Bastille.

Lion d’or à la Mostra de Venise, Ours d’argent au festival de Berlin, double Palme d’or au à Cannes, festival dont il fut aussi président en 1995… le CV du réalisateur serbe Emir Kusturica ne manque ni de saveur, ni d’exotisme. Celui que le milieu du cinéma surnomme respectueusement le Fellini des Balkans survole actuellement le monde artistique. Depuis quelques jours le grand public peut découvrir le fruit de sa collaboration avec le chanteur alter mondialiste Manu Chao. En noir et blanc, le clip Rainin’ in Paradize qu’il a réalisé est à l’image du travail du serbe où tragédie et humour se marient sur fond de musique endiablée. L’association entre les deux artistes militants semble presque naturelle. C’est donc dans cette même logique qu’ils s’étaient retrouvés un peu plus tôt pour le tant attendu documentaire sur la vie de l’ancien footballeur argentin Diego Maradona (sortie prévue pour le courant 2008).

Emir Kusturica

L’homme laisse toujours une place prépondérante à la musique tant dans ses films que dans sa vie. En 1985, après l’obtention de sa première Palme d’or à Cannes, le jeune cinéaste alors âgé de 31 ans décide de couper un peu avec le 7e art et se consacre à la musique. Un break qui lui permet d’évacuer la pression naissante due à l’émergence de son nouveau statut. Le cinéaste était bon, le musicien – qui se lie d’amitié (depuis révolue) avec le chanteur populaire Goran Bregovic – ne l’est pas moins. Bregovic collaborera par la suite sur plusieurs chefs d’œuvre cinématographiques du maître en en composant les bandes originales. Il est devenu une des nombreuses raisons du succès d’Emir Kusturica, un peu à la manière d’un Enzo Morricone pour le réalisateur des westerns spaghettis Sergio Leone. Ensemble ils signeront notamment Le temps des gitans, film retraçant le parcours de Perhan, un jeune gitan nanti d’illusions et de rêves, que la réalité finit par rattraper.

Aguerri par son expérience avec le groupe No Smoking Orchestra, et l’équilibre qu’il s’est toujours imposé de respecter entre le son et l’image dans ses films, Kusturica décide de donner une nouvelle impulsion à sa carrière musicale et s’inspire librement du scénario du film pour en faire ce qu’il définit lui-même comme un opéra punk. « Je crois que je vais abandonner le cinéma, et ne plus mettre en scène que des opéras. Ce travail m’a beaucoup plu », a-t-il précisé, un brin ironique, lors de sa conférence de presse parisienne. La scène de l’Opéra Bastille est prise d’assaut et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est surprenant. Pendant que deux orchestres disposés des deux cotés de la fosse se disputent lors d’une joute musicale et que les envolées lyriques résonnent dans l’enceinte en langue rom, un joyeux bordel évolue sur une scène où acrobates, enfants, et même un véritable troupeau d’oies se succèdent. Le plus vexant avec les génies, c’est que le plus improbable des chaos trouve finalement une certaine cohérence artistique

Voir en ligne : in Bakchich # 42

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4 MESSAGES

Forum

  • Kusturica, embastillé
    le jeudi 12 juillet 2007 à 21:48, Kno a dit :

    "les deux artistes militants"

    Il est vrai que ce "génie" de Kusturica disposait des bonnes grâces du régime de Milosevic… Et pour cause, il en faisait la propagande sous fond de "la guerre en Yougoslavie c’est pas la fautes des autorités serbes mais de la malchance et de ces satanés extrémistes musulmans"… Un appel à la paix qui a trouvé place et prestige au creux des oreilles des bons bobos parisiens… Le fait qu’Underground par exemple ait été tourné à Belgrade avec la bénédiction de Milo, Kara & co prouve d’ailleurs la grande objectivité et l’absence de prise de position dans son oeuvre, on se souvient d’ailleurs qu’Hitler avait l’habitude d’inviter des artistes juifs à Munich et leur laissait carte blanche pour exprimer leur vision de la guerre en cours… Fellini pouvait à tout moment retourner dans sa ville natale, alors pourquoi pas ce génialissime Kusturica, qui lui pourtant, est tellement objectif… Alors loin de moi l’idée de cantonner ce génie géniale au simple rôle de salopard complice d’un régime génocidaire, mais la prudence et la décence vis à vis de Leni Riefenstahl semble exclu pour ce bon « génie » d’Emir… Il est vrai qu’en kilo de viande, le CV de Milo, Kara & co faisait pale figure face à celui du « moustachu de Berlin »… Les bobos parisiens pourrons donc ce délecter d’exotisme et apprécier une pièce (consternante pour le yougoslave lambda) représentative de l’esprit des Balkan… En un mot : GENIAL !!!

    (ps : J’ai un truc encore plus sympa à mettre dans l’article : Kusturica n’est pas un simple génie militant, c’est un héro)

    • Kusturica, embastillé
      le mardi 17 juillet 2007 à 16:28
      Très bonne analyse, d’autant plus que nous reverrons les films d’EK dasn quelques années sous un autre angle, excepté le temps des gitans qui reste inoubliable. ps héro c très drôle
    • "la prudence et la décence vis-à-vis de Léni R."
      le vendredi 20 juillet 2007 à 11:47, Mescalitan a dit :
      Les Dieux du stade et autres apoligies nurembergiennes méritent en effet de ne pas être ramenés au rang des pitreries balkaniques du clown grisé & grisant qu’est Emir… Je ne comprends pas ce passage de votre argumentaire à charge ! Et puis s’en prendre aux bobo parisiens c’est minimiser la réception d’une oeuvre largement plus ample que votre lorgnette hexagonale…
    • Kusturica, embastillé
      le lundi 1er septembre 2008 à 10:16, White Tiger a dit :

      Que voilà en effet une bien belle analyse ! En raccourci, Kusturica était un génie mais comme on s’est aperçu que – comme l’immense majorité de ses concitoyens – il n’avait jamais changé d’avis sur Milosevic, le génie ne vaut plus rien …

      Puisque vous aimez le cinéma, vous avez sans doute une opinion à émettre sur Zhang Yimou ?

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