Jour de procès à Bamako

Bamako, le film plaidoyer du cinéaste Abderrahmane Sissako, qui sortira dans les salles [1] le 18 octobre, n’a pas laissé de marbre les spectateurs venus assister à la projection en avant-première au Festival de Cannes de mai dernier. Et le joli minois d’Aïssa Maïga n’est pas l’unique raison de tant de débats.

Bamako. Le couple de Mélé bat de l’aile. Elle est chanteuse dans un bar – enivrante - et son mari, Chaka, sans travail. Ce n’est pas le jour du mariage, mais celui du procès de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire Internationale. Accusés par la société civile africaine d’être responsables, au moins en partie, des drames qui gangrènent l’Afrique, les institutions internationales et leurs Pas (politiques d’ajustement structurel) seraient à l’origine de la captation des richesses africaines par le Nord et une élite locale.

Au milieu d’une maison où vivent oncles, tantes, cousins et cousines, la cour est aménagée en salle d’audience. Derrière les bancs des témoins, de la partie civile et des accusés. Devant, le président et les juges avec leurs montagnes de dossiers. Pendant deux heures, témoins à l’appui, s’affronteront la société africaine et les représentants des institutions internationales mises en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais parce que la vie continue coûte que coûte, les scènes du procès sont entrecoupées de prises de vue de la vie quotidienne en Afrique.

À la barre, une écrivaine africaine dénonce avec une fougue passionnée ces associations de malfaiteurs qui érigent des plans de déstructuration depuis leurs bureaux de politiques bien-pensant, et ce bien loin de l’univers africain. En arrière fond, on teint les tissus. L’avocat de la partie civile vocifère la tromperie des intentions de la Banque Mondiale comparable au cheval de Troie de la libéralisation économique. S’ensuit un travelling du paysage malien. Et ainsi de suite, s’alternent scènes du procès et scènes de vie rythmées par une bande originale elle aussi enivrante…

Cinéaste parti étudier à Moscou, Sissako n’en est pas à son premier coup de pied dans la fourmilière. Mais avec Bamako, il invente son cinéma d’auteur, avec pour principal artifice la réalité quoique flirtant dangereusement avec le film documentaire dans son choix délibéré de magistrats, d’avocats professionnels et de « témoins véritables ».