Khalid Jamaï est l’un des plus grands éditorialistes du Maroc et le doyen des journalistes du royaume. Bakchich publie une de ses chroniques parue dans Le Journal Hebdomadaire.
Semaine après semaine, l’éditorialiste marocain Khalid Jamaï houspille le régime de Mohammed VI et dénonce ses dérives autoritaires. C’est le cas dans cette chronique publiée dans Le Journal Hebdomadaire qui décrypte les interrogatoires policiers subis par les journalistes Taoufik Bouachrine et Khalid Gueddar du quotidien Akhbar El Youm ainsi que les interrogatoires infligés au MALI, un groupe de jeunes ayant décidé de pique-niquer en public en plein mois de Ramadan. Edifiant…
« A décrypter les comptes rendus qu’ont fait de leurs interrogatoires, les journalistes de « Akhbar El Youm » et les membres du groupe MALI, on ne peut qu’être édifié sur les limites de la démocratisation dans notre pays.
Extraits.
Interrogatoire de Aziz El Yaakoubi ( journaliste au journal Hebdomadaire et membre de mouvement MALI).
« Je demande le mandat d’arrestation. Il me met les menottes, en souriant, il me lance : « le voici ton mandat ».
« Pourquoi vous laissez ce fils de pute s’assoir sur la chaise ? » « Pose-toi par terre, à genoux ! »,
« Espèce de fils de pute, tu finiras par tout dire » . « Tu es un survivant du marxisme, votre idéologie est morte, et maintenant vous avancez en trébuchant et sans direction
« Es-tu musulman ? Fais-tu la prière ? Fais-tu le ramadan ? ». « Répond espèce de mécréant ! ».
« Quand tu n’exécutes aucun des piliers de l’islam, tu n’es pas musulman, tu ne fais pas partie de la communauté des croyants, en gros, t’es un apostat ».
« Pour quelle raison as-tu quitté le Journal hebdomadaire ? » « Je connais l’histoire. Après le livre d’Ali Amar et le retour d’Aboubakr Jamais, plus de pub pour le Journal, donc des problèmes financiers, et on décide de réduire la masse salariale. C’est ça ? ».
Tu vas tout le temps chez elle, elle vient chez toi, donc vous avez forcément une liaison », me balance un de mes compagnons de soirée à quelques centimètres de mon visage
. « Le ramadan est sacré chez nous, et vous êtes les ennemis de l’islam, d’Allah, de son prophète et de votre pays »,
« Tu es le genre à ne pas être jaloux si un autre regarde ta femme, vous êtes le genre à coucher en groupe de cinq, six ou sept personnes… ».
« Les citoyens du monde entier défendent leur pays en versant leur sang, mais vous, vous profitez de la première occasion pour le détruire » . « Comment tu fais pour choisir tes articles ? ». Je réponds que les sujets sont choisis en réunion de rédaction.
« Pourquoi écrire sur Al Adl Wal Ihssane et Annahj en même temps ? ».
. « Depuis quand Aboubakr Jamaï est revenu au Journal et quelle est sa fonction exacte au sein de la rédaction ? ».
« Tu es bien amazigh toi ? Tu fais partie du Mouvement amazigh, c’est bien ça ? ». Je réponds oui pour la première question, et non pour la seconde. Le plus bavard d’entre eux parle à son collègue : « de toute façon, ces amazighs changent facilement de religion ».
Interrogatoire de Zineb El Ghazoui ( Journaliste et cofondatrice du mouvement MALI, désormais interdite de quitter le territoire marocain)
« Nous pourrions changer de méthode »
« Tu sais que nous pouvans arreter arreter qui nous voulons .CE N’EST PAS TOI QUI VA NOUS POSER des difficultés »
« Si tu es mécréante, c’est « hram » (illicite) que nous soyons assis avec toi. Tu mérites la mort, c’est ce que dit la « Charia ». Une personne comme toi devrait normalement être tuée »
« As –tu la moindre idée de qui est Jean Pierre Turquoi et Ignacio Cembrero ? CE sont des ennemis de notre pays, pourquoi leur as-tu parlé ? »
Au cours de l’interrogatoire, je demande, je demande à aller aux toilettes, deux agents m’accompagnent. En quittant le grand bureau, l’un des enquêteurs leur lance : « Porte ouverte ! », puis s’adressant à moi : « Puisque vous êtes pour les libertés individuelles, ça ne devrait pas vous déranger de laisser la porte ouverte. »
« Les islamistes allaient venir et faire de vous de la viande hachée. Si nous étions des salauds, nous les aurions laissés vous lyncher, nous aurions même pu même pu les envoyer nous-mêmes pour le faire ».
« Les juifs sont comme ça, ils ne vous accueilleront jamais chez eux »
Interrogatoire de Khalid Gueddar ( caricaturiste eu journal « Akhbar El Youm) et au « Journal Hebdomadaire) Et à « Bakchich » « Pourquoi ne fais-tu jamais de dessins sur l’Algérie ? » « Maintenant, tu dois nous raconter comment t’es venue l’idée de faire cette caricature ! » t On me demande de nommer la personne dessinée sur la caricature. Je réponds que « C’est le preince My IIsmail ». Le chef de la DGST s’étonne et lance sur un ton arrogant : « Ah oui ! Et le geste de sa main, qu’est ce qu’il veut dire exactement ? » « Pourquoi le prince n’utilise –t-il pas les deux mains, et pourquoi son bras est tendu vers l’avant…C’est un salut nazi »
« Si je te rencontre dans la rue, je déchirerai ta carte d’identité ». « C’est le symbole d’une nation, tu n’as aucun respect pour ce pays. Les vrais marocains ont versé leur sang, donné leur vie pour le défendre, toi, tu l’offense avec tes dessins ».
Interrogatoire de Taoufiq Bouachrine( Directeur du quotidien « Akhbar El Youm)
« Le caricaturiste et moi même avons subi un long interrogatoire le mardi 29septembre de 13 heures à4 heure du matin, puis de9heure du matin jusqu’à 6 heure du matin. En plus de cela, il y avait des gens qui n’avaient rien à voir avec la police judiciaire. Il y avait des agents de la DGST. Un d’entre eux nous a menacés de nous casser la gueule. Je l’ai d’ailleurs dit au procureur »
De ce qui précède, il ressort que :
C’est le DGST qui désormais mène la danse empiétant sur les prorogatives de la police judicaire. Ce qui rappelle la toute puissance du CAB 1(police politique dirigée par le général Oufkir et Mohamed Achaachi, impliqué dans l’assassinat de Ben Barka) et qui sévissait au plus fort des années de plomb.
Que les policiers se muent en juges et profèrent des propos qui n’ont rien à envier à ceux tenus par les plus obscurantistes des obscurantistes.
Qu’ils font preuve, pour certains d’entre eux au moins, d’une très grande vulgarité recourant aux propos humiliants, sexistes, machistes.
Certains n’hésitent pas à proclamer haut et fort leur racisme envers les amazighes alors que d’autres flirtent avec l’antisémitisme.
On sent que le recours à la torture n’est pas loin. Et que certains piaffent d’impatience, attendant juste un signe pour donner libre cours à leur sadisme, pour se muer en tortionnaires « dignes » de leurs prédécesseurs de « Dar El Mokri », ou de « Derb Moulay Chrif »…..
Qu’ils sont persuadés ou qu’on les a persuadés que la Maroc fait l’objet d’une conspiration véhiculée par la presse étrangère. Cette approche a été exposée par des responsables très hauts placée.
Le Maroc, un pays démocratique ? Vous rigolez !