La ville du strass et des paillettes s’est délestée de Jean-Michel Couve, son maire gominé. Question de mode. Mais le garçon sait rebondir. En spectacle comme en politique, the show must go on !
Les posidonies qui tapissent le fond de la baie peuvent respirer : il n’y aura pas de troisième bassin dans le port de Saint-Tropez ! Le méga-projet de Jean-Michel Couve – un nouveau port destiné aux méga-yachts de plus de 25 mètres – vient de tomber à l’eau… En même temps que le député-maire, qui a dû laisser les clés de l’hôtel de ville à Jean-Pierre Tuveri, élu le 16 mars. Ce projet de 100 millions d’euros, qui aurait permis à 70 nouveaux propriétaires de yachts de luxe de venir frimer à la terrasse de Sénéquier, ne verra donc pas le jour.
Ce n’est pas Bakchich qui va verser une larme. Jean-Michel Couve, 68 ans, cheveux gominés sur un visage de renard bronzé, a régné pendant plus de 20 ans sur « Saint-Trop-de-Pèze », le village people du Var. En 2001 déjà, il avait eu chaud. Jean-Pierre Tuveri, un haut fonctionnaire à la retraite, avait failli le battre aux municipales.
Cette fois-ci, ça y est. La page Couve est définitivement tournée. Le grand ménage promis par la nouvelle équipe va-t-il pour autant avoir lieu ? Pas sûr. Jean-Michel Couve a fait le vide avant de quitter l’hôtel de ville. Au lendemain de sa défaite, il a juré, la main sur le cœur, dans Var Matin, qu’il allait « mettre à profit ces derniers jours pour que la nouvelle équipe trouve des dossiers le plus finalisés possible et puisse ainsi, à l’orée de la saison qui s’annonce, trouver une situation claire qui lui permette de travailler immédiatement ». Promesse tenue : il a laissé les lieux clairs, nets et sans poussière !
Et pourtant, il y en avait, des secrets, dans les sous-sols de la mairie de Saint-Tropez… Pourquoi la ville est-elle si lourdement endettée – près de 41 millions d’euros pour 5 500 habitants ? Selon quels critères les anneaux du port étaient-ils attribués ? Et les permis de construire ? Que se passait-il à la Semagest, la société d’économie mixte locale, dont le PDG a été débarqué en 2007 ? Ceux qui se sont risqués à mettre leur nez dans ces affaires, ces dernières années, ont vite été dissuadés. Le commandant de police Philippe Pichon, par exemple, en poste à Saint-Tropez entre 2001 et 2002, a été prié de retourner exercer ses talents d’investigateur plus au nord. Il a consacré une cinquantaine de pages de son livre Journal d’un flic (Flammarion, 2007) à son aventure tropézienne. « Le contact avec des crapules déguisées en honnêtes gens est beaucoup plus démoralisant que la castagne quotidienne dans les cités sensibles », écrit-il.
Autre victime des aigreurs locales : Christian Millau (Lire dans Bakchich : Petit conte tropézien : l’affaire Millau), le fondateur du guide gastronomique. Millau avait eu l’idée saugrenue de se faire construire une jolie villa sur la colline, puis de se lancer dans l’opposition lors des municipales de 2001… Idée encore plus folle : s’inspirer de cette expérience pour publier une fiction désopilante : « Une campagne au soleil » (Editions de Fallois, 2002), dans laquelle il décrit Port Cigale, un petit port de la Côte d’Azur livré aux bétonneurs et géré par un élu corrompu à la vie sexuelle débridée.
Jean-Michel Couve, lui, n’a pas du tout ri. Il a cru se reconnaître dans le personnage de Max Farina, le maire de Port-Cigale et a attaqué l’auteur en diffamation. Débouté, il s’est alors tourné vers un autre tribunal pour exercer sa vengeance : il s’est porté partie civile dans un sombre contentieux immobilier entre Christian Millau et son voisin. Et là, il a eu plus de chance. La maison de Christian Millau vient d’être détruit et son propriétaire a définitivement quitté Port Cigale… Euh, pardon, Saint-Tropez.