Trente ans après l’assassinat d’Henri Curiel, figure du tiers-mondisme militant, on ne connaît toujours pas les coupables. Des Palestiniens extrémistes ? Des opposants de l’ANC sud-africain ? Une équipe de journaliste de Canal + évoque une troisième hypothèse : les services français.
Voilà un des assassinats politiques les plus mystérieux de la Ve République. En trente ans, toutes les hypothèses ont été envisagées, mais la justice n’a finalement jamais tranché. Et les coupables, jamais retrouvés. Les présidents successifs de gauche (malgré leurs promesses) comme de droite n’ont jamais cherché à en savoir plus. Dans une enquête fouillée, l’équipe de « Spécial Investigation » sur Canal plus réouvre le dossier et relance la piste française. Henri Curiel, militant de la cause anti-colonialiste des années 60-70, dérangeait-il l’Etat français au point que deux hommes l’abattent de deux balles de gros calibre à la sortie de son appartement parisien le 4 mai 1978 ?
C’est l’Algérie des années 60, l’Algérie indépendante postérieure aux accords d’Evian, qui cristallise les enjeux du drame. Les plaies de l’époque coloniale sont alors loin d’être refermées.
D’un côté, un homme. Henri Curiel. Militant communiste jusqu’à la fin des années 50, il joue un rôle clé pendant la guerre d’Algérie en prenant la tête du réseau Jeanson des porteurs de valises. Sa grande intelligence et son sens politique lui offre une réelle renommée à Alger. Plus tard, son réseau, « Solidarité », fournit une aide logistique à de nombreux mouvements de libération, de l’ANC sud-africain aux résistants de l’Espagne franquiste, du Portugal salazariste à la Grèce des colonels. Il est même le premier émissaire à établir un contact entre Israéliens et Palestiniens pour esquisser des discussions de paix. Un homme influent donc. Aux réseaux à ce point étendus que Le Point, dans un article largement inspiré par les services secrets français, affirmera qu’il est lié à des organisations terroristes et qu’il est un agent du KGB… Ce qui s’avèrera sans fondement.
De l’autre côté, la France conservatrice, nostalgique de l’Algérie française, celle de l’OAS et de l’organisation Delta (qui revendiquera l’assassinat d’Henri Curiel). Une France où quand Giscard rend visite à Houari Boumedienne à Alger en avril 1975, il s’interroge en privé sur ce qu’il va dire à ce « bougnoule »…
L’équipe de Canal Plus a pu rencontrer un ancien cadre du Sdece (l’ex DGSE) qui confirme qu’Henri Curiel concentrait alors sur lui une haine très forte des services français, et donc semble-t-il des hautes autorités de l’Etat. « Il incarne avec un certain nombre de ses amis, tout ce que cet encadrement à l’époque des services peut à leurs yeux légitimement haïr », déclare cet ancien agent. Sans apporter de preuves tangibles sur l’hypothèse d’un assassinat commandité par l’Etat français, le documentaire confirme en outre qu’Henri Curiel était sous la très haute surveillance des services secrets. Peu avant sa mort, le militant tiers-mondiste se savait menacé, et prévoyait de quitter la France pour Alger. Déjà, le documentaire fait des remous. Noël Mamère, accompagné de la réalisatrice doivent tenir une conférence de presse mardi 30 septembre à l’Assemblée nationale pour demander l’accès aux archives des services secrets où gît peut-être la vérité.
Prochaine diffusion de « Spécial Investigation », jeudi 2 octobre à 15h40 sur Canal +
J’aimerais savoir si finalement "Sac d’embrouilles" a été diffusé sur Canal +. Car il me semble que le documentaire sur le SAC avait été déprogrammé.
L’affaire d’Henri Curiel a ressorti de ma mémoire "L’affaire Atala" -livre interdit en France sous Poniatowski, alors ministre de l’Intérieur. Raisons d’état ? (auteurs : Hervé Hamon et Patrick Rotman - Seuil). Et je me suis souvenue aussi du livre "Les juges kaki" écrit par Jean-Luc Hennig. Quel rapport avec Curiel aucun, si ce n’est une époque où les militaires étaient assez puissants en France et assez présents aussi dans certains medias et journaux, ce que l’on a oublié. "La raison d’état, n’a pas à être connue des citoyens" : cela a toujours été l’idée que les politiques se font : toujours désinformer. "Circulez, vous n’avez pas besoin de savoir". Avec la toile, cela devient beaucoup plus difficile.
"On ne connaît toujours pas les coupables. Des Palestiniens extrémistes ? Des opposants de l’ANC sud-africain ?"
Drôle de choix !!!! pourquoi pas des extrémistes israeliens, des nazis français ?