Le business of war américain depuis Dwight "Ike" Eisenhower jusqu’à Bush, Cheney et Halliburton.
Ce documentaire d’Eugène Jarecki datant de 2005, il proposait malheureusement beaucoup de choses sues vues et revues sur le « business of war », l’engagement américain en Irak et les aventures sanglantes de l’équipe Bush (« L’ Amérique en guerre », France 2, jeudi soir).
Néanmoins on pouvait y glaner quelques précieuses infos. Par exemple, le général-président Eisenhower, vous vous souvenez ? Lorsqu’il quitte la Maison-Blanche en 1961, il prononce un étonnant discours d’adieu où il met en garde les Américains contre l’influence du « complexe militaro-industriel » (d’après le film, il est le premier à utiliser publiquement cette expression). Eisenhower, héros de la seconde guerre mondiale, hyper-galonné, incarnation du patriotisme en armes, était effrayé de voir grandir la pieuvre : « Le risque est réel qu’une concentration de pouvoirs entre des mains non qualifiées ait un effet désastreux ». « Ike » le pro de la guerre voyait gonfler les crédits militaires, grossir une armada insensée et se doutait qu’un jour les Etats-Unis feraient la guerre juste pour utiliser leurs armes et fournir de nouveaux contrats aux fournisseurs du Pentagone.
C’est exactement ce que feront Bush et son vice-président Dick Cheney quarante plus tard. Cheney, patron d’Halliburton, une des principales boîtes d’armement, devenu secrétaire d’Etat et engageant les boys dans une guerre irakienne où toute la logistique – de la nourriture jusqu’aux chiottes – était privatisée : cette histoire est connue.
Mais le doc précise bien les contours de ce « complexe militaro-industriel ». En plus de ses deux pieds évidents – l’armée, l’industrie – il repose sur la classe politique, complètement inféodée aux marchands d’armes. Quatrième pilier, plus récent : les « think tanks », qu’on traduit généralement par « groupes de réflexion », ce qui est leur faire beaucoup d’honneur. En réalité ce sont des officines de propagande, de communication et d’intox, qui ont transformé l’Irak de Saddam en ennemi des Etats-Unis – alors que Cheney a serré la pince du dictateur et lui a vendu des armes pendant des lustres – et en danger mondial n°1. De la belle ouvrage, bien confectionnée, bien verrouillée !
Comment la défaire aujourd’hui ? Cette nation est complètement intoxiquée à l’armée – ses crédits, son idéologie, ses emplois-. Le nouveau président pourra certes ordonner un retrait d’Irak en 18 mois comme il l’a promis. Mais que pourra-t-il faire contre le complexe militaro-industriel ? On n’efface pas ainsi un demi-siècle de pénétration et de ramification. Comment Obama pourra-t-il mettre au chômage, en pleine débandade économique, des milliers d’américains employés par Boeing, Lockheed Martin ou KBR ? Tâche immense, tâche impossible ?
Il y a un autre pilier du complexe militaro-industriel : les universitaires et, plus généralement, les scientifiques. Une bonne partie du financement de la recherche aux États-Unis passe par les agences militaires (DARPA, et dans une moindre mesure, Office of Naval Research et similaires). Cet argent va aux universités, mais aussi à des corporations "nonprofit" qui font de la recherche pour le gouvernement (MITRE Corporation, SRI International..), sans parler bien sûr aux laboratoires nationaux sous tutelle de la défense.
Ce mécanisme permet de "mouiller" des milieux qui sont pourtant "de gauche" relativement aux États-Unis. Il faut bien vivre. Et puis, il faut bien le dire, la DARPA, du moins à certaines périodes, a financé des recherches dont le rapport avec la défense était assez ténu (en cette période de restrictions budgétaires, il paraît qu’ils sont très regardant sur le côté "appliqué").