Ambiance délétère, gouvernance impuissante, actionnaires absents… Airbus, formidable machine industrielle, filiale d’EADS, le dernier fort symbole de l’Europe, est en train de sombrer. « Bakchich » revient cette semaine sur la saga et les misères du groupe aéronautique franco-allemand, sur lequel plane une épée de Damoclès judiciaire, avec l’affaire des délits d’initiés. Retour aujourd’hui sur l’homme dont Gallois se pouvait ne passer, Jean Paul Gut…depuis mis en examen
Paru le 30 octobre 2007
Le patron d’Airbus, Louis Gallois, ne peut se passer de son ex-meilleur vendeur, Jean-Paul Gut.
Désormais seul Président d’EADS et d’Airbus, Louis Gallois a assurément démontré qu’il était un champion de la communication. Ancien dirigeant d’aérospatiale, et membre historique du conseil d’administration d’EADS lorsqu’il succède à Noël Forgeard, Gallois va donc patienter jusqu’à octobre 2007 alors que la quasi-totalité de l’état-major du groupe est soupçonnée de délit d’initié, pour proposer dans une belle interview au Monde (9 octobre) : « la suppression totale des stocks options », un "système contestable qui s’apparente à une loterie", au profit « d’un mode de rémunération plus transparent ». Succès médiatique assuré ! Dans la même interview, Gallois -le –prudent -évoque le cas des initiés présumés mais c’est pour déplorer que « la présomption d’innocence et la confidentialité de l’instruction n’aient pas été respectées ». Bref comme ça tout le monde il est content.
Ou presque. Car nul n’est prophète en son pays et en interne ces spectaculaires manifestations d’auto –promotion commencent à lasser : « Gallois fait de la com, de la politique, mais pas de l’industrie », s’exaspère un cadre important du groupe qui rapporte que le patron EADS a été rebaptisé « Chamberlain » pour son aptitude et son désir de complaire à tout prix à « se mettre à la botte des Allemands ». Et d’évoquer un exemple récent de cet « état d’esprit munichois » avec la nomination il y a quelques semaines à la tête de la filiale d’Eurocopter en Australie d’un allemand ancien dir-cab d’Enders à EADS.
Officiellement, l’ami Gut n’a plus aucun rôle dans le board d’EADS, et surtout, n’est plus directeur délégué du groupe depuis plusieurs mois. Apparemment l’information n’est pas arrivée jusqu’aux webmaster du site du groupe Lagardère.
Autre sujet de vif mécontentement évoqué le fameux plan d’austérité « Power 8 » et les frais de missions. Seuls les cadres français auraient été mis à la diète tandis que les Allemands « continuent eux à voyager en 1ére classe ». Dans ce contexte que le retour de Jean-Paul Gut pourrait bien mettre le feu aux poudres. Grand manitou des ventes à Airbus, « ami d’enfance » d’Arnaud Lagardère, Gut a officiellement quitté le groupe EADS au printemps dernier, pour désaccord sur la façon « d’aborder efficacement les défis à venir » avec Gallois. Incidemment Gut fait aussi partie des 21 hauts dirigeants d’EADS soupçonnés par l’AMF de délit d’initié. Lors de ce départ, très commenté, Gut a empoché 2, 8 millions d’euros d’indemnités. Ainsi justifiés par l’intéressé : « 24 mois de salaires pour 24 ans d’ancienneté. EADS applique strictement les dispositions de mon contrat de travail » et de préciser encore : « Je n’ai ni clause de non-concurrence, ni parachute doré ». Il a depuis fondé à Londres sa société de conseils. Dans l’aéronautique off course. Avec pour client principal Airbus naturlich : « Avec un contrat de consultant en or de 130 000 euros par mois ! », assure une première gorge profonde à Bakchich. Un contrat visé par Gallois en personne croit savoir une seconde.
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