Roland Dumas, comme chacun d’entre nous, n’est pas censé ignorer la loi. Surtout celle régissant le métier d’avocat, métier qui est le sien et dont il disait sa passion dans son livre Les avocats, en 1977. L’ancien ministre, condamné définitivement depuis un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai, auraît du être radié du barreau. La règle est simple : c’est le sort de tout avocat condamné par la justice pénale. En théorie. Mais un magistrat parisien le confesse : personne n’ose s’en prendre à Dumas. « S’il s’agissait d’un avocat lambda, son dossier aurait été réglé en deux temps trois mouvements. On lui aurait même arraché ses décorations ». Homme de réseaux, d’influence et de secrets, Dumas impressionne. Lorsqu’il déjeune chez Lipp, où la meilleure table lui est réservée, on assiste à un défilé de gens déférents venant le saluer. Suite à des détournements de fonds à l’occasion de la succession du sculpteur italien, Roland Dumas a été condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d’amende pour « complicité d’abus de confiance », plus 850 000 euros de dommages et intérêts à verser à la Fondation Giacometti, solidairement avec l’ex-commissaire-priseur Jacques Tajan.
Normalement, cette sentence devrait empêcher l’ancien ministre et ex-président du Conseil constitutionnel, redevenu avocat, d’exercer. Or, comme le murmurent magistrats et avocats, le procureur, Jean-Claude Marin, fait preuve d’un sens avéré de la retenue : il a gardé le dossier Dumas sur son bureau, au lieu de le transmettre au Conseil de l’Ordre et à son bâtonnier, Yves Repiquet. Défenseur par exemple de Dupuydauby dans ses démêlés avec Bolloré, Dumas est toujours membre l’honorable profession des robes noires. Le jour de sa condamnation, il plaidait aux assises.