Docteur Kouchner et mister bide

Le tout nouveau ministre d’ouverture des Affaires Étrangères à peine arrivé, il a suscité l’inquiétude de son administration. D’entrée de jeu il s’est accroché à son idée de constituer des corridors humanitaires dans la province du Darfour, pour permettre l’évacuation des civils victimes des attaques des Jandjawids, milices arabes qui tuent, pillent et violent les populations locales sans aucune pitié. Le hic c’est que les militaires français y sont très hostiles et n’imaginent pas que la France puisse s’engager dans cette affaire sans soutien de la Ligue Arabe, de l’Union Africaine et encore moins sans en avoir parlé avec le gouvernement de Khartoum.

Le bon docteur Kouchner a simplement oublié que le Soudan est un pays souverain. Qui bénéficie du solide soutien de la Chine occupée à garantir son approvisionnement énergétique, et donc peu enclin à s’intéresser à ces basses préoccupations humanitaires.

Au Quai d’Orsay les diplomates les plus marbrés n’en reviennent toujours pas et s’arrachent les cheveux par poignées entières. Ils avaient été cruellement échaudés avec Philippe Douste-Blazy, ils craignent cette fois encore de voir leur influence et leurs compétences remisées au placard des accessoires, pour faire place à la diplomatie compassionnelle.

À son arrivée Bernard Kouchner, comme c’est l’usage, a visité les différents services et a prévenu les directeurs qu’il serait actif et qu’il n’accepterait pas la langue de bois diplomatique.

Qu’on se le tienne pour dit. Désormais on allait voir à l’œuvre un homme rompu aux opérations humanitaires, mettre en action son « droit d’ingérence ».

Mais la géopolitique a ses raisons que Bernard Kouchner semble ignorer, et le rappel à l’ordre de l’Élysée tinte encore aux oreilles du « french doctor » qui s’est fait sermonner en pleine préparation du sommet du G8. Nicolas Sarkozy devait ménager la susceptibilité chinoise et du sourcilleux russe Poutine pour tenter de faire son entrée dans le grand monde en arrachant un accord sur le dérèglement climatique malgré l’hostilité des États-Unis.

Premier avertissement sans frais et première couleuvre, mais d’autres sont à venir. La Tchétchénie pourrait être un plus gros morceau encore.

Nicolas Sarkozy, qui envisage de jouer un rôle en Europe pourrait se poser en médiateur entre Moscou et Washington sur la question du bouclier anti-missiles. Espérons que le locataire du Quai d’Orsay n’a pas l’estomac fragile.