Un pays imaginaire détruit par la guerre et la corruption, une petite fille chassée par sa mère, coincé par ue secte chrétienne spécialisée dans le trafic de femme…Le dernier opus de Léonora Miano, "Contour du jour qui vient", n’est pas des plus "légers".
La petite Musango vit à Mboasu, pays imaginaire d’Afrique équatoriale que Léonora Miano avait déjà choisi pour son premier roman [1]. Voilà trois ans que sa mère l’a chassée de la maison après la mort du père. C’est Sésé, la voyante diseuse de mésaventures du quartier qui a prévenu la mère que le démon habitait sa petite. Du haut de ses neuf ans, Musango se retrouve alors parachutée dans Sombé, ville poubelle.
Notre petite fortiche (elle a une conscience de soi bien développée pour son âge et une culture musicale hors pair) traîne d’abord avec les enfants des rues. Heureusement, après des journées d’errance, Ayané qui travaille bénévolement pour une association qui prend en charge ces enfants abandonnés à leur sort, la prend sous son aile. Il y a aussi Aïda qui s’occupe d’elle, une Française tombée amoureuse de ce pays « lorsqu’il en était encore un ». Mais le refuge est attaqué et Musango dénoncée par un de ses camarades. Elle est alors conduite à Llondi, campagne où elle prête main-forte à la bonne à tout faire d’une bicoque où sont entassées les filles avant leur départ pour l’Europe. Cette maison morbide est contrôlée par trois zigotos : Lumière, Don de Dieu et Vie Éternelle (on est en plein chemin de croix), hauts dignitaires d’une secte chrétienne et de la traite des filles à leurs heures perdues. Musango y côtoie ces filles en partance pour « faire la France » à qui on demande les rognures d’ongles et les mèches de cheveux et qui toute leur vie payeront leur dette par peur des représailles venues d’en haut. Mais toujours notre petite héroïne pense à sa mère, s’adresse à elle dans un dialogue intérieur incessant : pourquoi ? Pourquoi ? Qui est-tu ?
Animée par le besoin de comprendre son parachutage dans ce monde, l’abandon par sa mère, elle s’enfuit du camp. Cachée dans le coffre d’un des trois « Dieux vivants », elle se retrouve à Sombé. Et là, après avoir touché le fond, on pressent que notre petite fleur va éclore pour devenir une femme. D’ailleurs (habilement ?), l’auteur nous décrit la scène des premières règles de la petite alors qu’elle est recueillie par sa vieille maîtresse d’école, elle aussi en conflit avec sa fille. Notre petite parviendra-t-elle à retrouver sa mère ? A retrouver ses origines ? A savoir qui veut-elle devenir ? Suspens. Pas tant que ça. Quoique. Un indice, Musango, en langage douala au Cameroun signifie la paix.
Les romans de quête personnelle, on aime ou on aime pas les tâtonnements incessants du protagoniste. Dans Contours du jour qui vient, c’est le décor qui fait la différence. Cette Afrique et ses atrocités : parce que même si la colonisation y est pour beaucoup, les Africains s’infligent aussi à eux-mêmes des ignominies. « Bounty ! » diront certains de Léonora Miano. Dans son roman, elle se contente de raconter entre autres les atrocités infligées aux femmes parce qu’elles ont un corps ouvert où peuvent venir se dissimuler les âmes mauvaises. Et ces faibles abusées par ces pseudo églises d’éveil. Et ces enfants abandonnés. Et aussi ces immeubles squats à Paris où l’on brûle. Même si on aime pas la quête toute tracée de Musango, on remarquera l’effort de l’auteur pour faire de la fillette une métonymie de cette ribambelle d’enfants livrés à eux-mêmes et de la mère une métaphore de cette Afrique sur le fil du rasoir.
Contours du jour qui vient de Léonora Miano, Plon (à paraître en août)
[1] L’intérieur de la nuit de Léonora Miano Plon (Soulignons qu’il fut classé parmi les meilleures ventes de l’année 2005)