La présence de scientifiques renommés sert parfois de caution au message publicitaire d’une multinationale, au risque de créer le malaise. « Bakchich » poursuit son enquête à la frontière entre les intérêts commerciaux des géants de l’alimentaire et la recherche pour de meilleures habitudes alimentaires.
Prenez France Bellisle, nutritionniste reconnue et directrice de recherche à l’Inra dont le rôle dans la présentation de « l’enquête » du Credoc a été largement évoqué hier… Une scientifique, dont il ne s’agit pas de remettre en cause ici les qualités professionnelles, mais qui ne semble pas effrayée par la présence grandissante de l’industrie agro-alimentaire dans les coulisses de la médecine et de la recherche.
Mieux encore : interrogée par Bakchich, elle révèle n’avoir pas été engagée par le Credoc mais par… Coca-Cola : « Mon travail de recherche porte le plus souvent sur la prise alimentaire humaine. C’est à ce titre que Coca-Cola, qui souhaitait avoir de l’information sur les consommations de boissons, a fait appel à moi, en complément de l’équipe d’experts du CREDOC ». Un point essentiel qui n’a jamais été mis en avant lors de la conférence de presse du 20 mars dernier, même s’il est aujourd’hui confirmé par Coca-Cola France.
Les relations de France Bellisle avec le milieu industriel ne s’arrêtent pas là. Ainsi, au-delà de ses activités à l’Inra, le docteur Bellisle est la présidente du Comité de Communication de l’Institut Français pour la Nutrition. L’IFN ? « Une interface entre les milieux scientifiques et ceux de la production agro-alimentaire » créée en 1974 par deux professeurs « et plusieurs industriels ». Une activité, non rémunérée, mais qui donne tout loisir de s’échanger avec les géants de l’agro-alimentaire. Ainsi, le comité présidé par France Bellisle accueille huit scientifiques mais également des représentants de Nestlé, Danone, Kellogs et… Coca-Cola (cliquer ici).
Pour la bonne bouche, il faut noter que chaque année, l’IFN décerne son Prix de la recherche en nutrition et que l’édition 2007 est venue récompenser le docteur France Bellisle. L’IFN n’est pas la seule association fréquentée par la directrice de recherche à l’Inra. Prenez l’Eufic par exemple. Le Conseil Européen de l’Information sur l’Alimentation (EUFIC) est « une organisation à but non lucratif qui fournit aux médias, aux professionnels de la santé et de la nutrition, aux enseignants et aux leaders d’opinion des informations sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments ainsi que sur la santé et la nutrition s’appuyant sur des recherches scientifiques en veillant à ce que ces informations puissent être comprises par les consommateurs ».
En clair ? Un groupe qui reformate les informations scientifiques pour les rendre accessible au plus grand nombre. France Bellisle siège à son conseil consultatif scientifique avec d’autres grands noms européens de la recherche. Tout cela ne mangerait pas de pain si parmi les articles du site de l’Eufic ne se glissaient pas certaines perles comme « le chewing-gum contrôle l’appétit » ou mieux encore « le grignotage, une tendance forte pouvant jouer un rôle bénéfique pour votre santé ».
Pour comprendre la motivation de l’Eufic, il faut regarder du côté de ses supports financiers. Une liste que l’on dirait toute droite sortie de l’édition annuelle de Forbes des entreprises qui comptent. Le groupe est « cofinancé par la Commission européenne et l’industrie européenne des aliments et des boissons. L’EUFIC est dirigé par un Conseil d’administration dont les membres sont élus par des sociétés membres. L’EUFIC compte actuellement les membres suivants : Barilla, Cargill, Coca-Cola HBC, Coca-Cola, DSM Nutritional Products Europe Ltd., Ferrero, Groupe Danone, Kraft Foods, Masterfoods, McCormick Foods, McDonald’s, Nestlé, Novozymes, PepsiCo, Pfizer Animal Health, Procter & Gamble, Südzucker, Unilever et Yakult ». On comprend mieux.
On comprend encore mieux pourquoi, dans sa déclaration de transparence signée par l’ensemble de ses membre, l’Eufic écrit : « L’EUFIC n’agit pas en tant que porte-parole de l’industrie et ne souhaite pas être perçu comme tel ». L’Eufic, l’IFN… La nutritionniste France Bellisle est décidément là où sont les géants de l’agro-alimentaires.
L’ironie de tout cela est qu’alors que la presse française reprenait comme un seul homme les conclusions sponsorisées par Coca-Cola sur la nécessité de boire des sodas, le New York Times levait un énorme lièvre illustrant les liaisons dangereuses entre la recherche et l’industrie.
En octobre 2006, dans les colonnes du New England Journal of Medecine, le docteur Claudia Henschke affirmait que 80 % des décès liés au cancer des poumons étaient évitables par une utilisation plus large des scanners. Des recherches entièrement sponsorisées par Foundation for Lung Cancer : Early Detection, Prevention & Treatment. Une association dont les 3,6 millions de dollars de budget de ces trois dernières années ont été entièrement pris en charge par un fabricant de… cigarettes.
Une proximité épinglée aux États-Unis par l’association de consommateurs CSPI dans le cadre du programme « Integrity in Science », c’est-à-dire « intégrité et science ». Il y a un an, le groupe révélait qu’une synthèse bibliographique co-signée par France Bellilse et publiée The American Journal of Clinical Nutrition (AJCN) avait « négligé de révéler les liens financiers unissant les deux auteurs et l’industrie de la boisson ». Le CSIP expliquait par exemple que France Bellisle siégeait au sein de l’advisory board de McDonalds.
Si l’AJCN avait oublié ce détail-là, il avait néanmoins précisé que les travaux co-réalisés par Bellisle avaient été financés par The American Beverage Association, un groupe spécialisé dans le lobby et dont les membres principaux sont… Pepsi-Cola et Coca-Cola. Une présence financière qui explique peut-être pourquoi l’étude en question dédouanait de toute responsabilité les boissons sucrées dans l’augmentation des cas d’obésité. Une étude aux données faussées, selon le CSIP, et contraire à la très vaste majorité de publications et recherches sur le sujet, que l’on retrouve pourtant au coeur des « conseils » d’hydratation mis en avant lors de la conférence de presse du 20 mars dernier.
Pour lire ou relire la première partie de l’enquête de Bakchich, cliquer ici.
S’il s’agit de remplacer des alcools au travail, ceci étant ( à vérifier ) l’une des motivations originelles de ses créateurs :
Coca oui
S’il s’agit d’abreuver des enfants ( et de risquer entre autre des caries) Ce qui n’est pas que je sache une de ses motivations premières :
Coca non