La Chine a des lois très évoluées en matière de droit du travail. Mais la corruption, c’est la tradition.
L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce et son ouverture économique étaient applaudis par les partisans du libéralisme économique comme une évolution positive. L’Occident, via ses entreprises, devait en effet permettre au pays du milieu de sortir de son présumé obscurantisme et de ses pratiques commerçantes peu adéquates avec une éthique humaniste en l’influençant par ses propres pratiques, sa tradition basée sur un respect des droits de l’homme et des travailleurs.
Alors que débute dans une semaine le 17e congrès du Parti communiste, à l’issue duquel devrait être connu le nom de la future équipe dirigeant du pays, la réalité a rattrapé les déclarations (volontairement naïves ?) de ces dirigeants occidentaux. La Chine dispose en effet aujourd’hui d’une législation très évoluée dans les secteurs économiques. Elle atteint même souvent, selon de nombreux juristes étrangers, le niveau de leurs équivalents occidentaux. Ces lois, qu’elles régissent les échanges commerciaux, la sécurité des investissements, les conditions de travail ou, sujet à la mode, le respect de l’environnement, sont pourtant rarement appliquées et l’impunité demeure la règle générale pour les tricheurs. Ainsi, quelques mois après que l’Administration d’État de protection de l’environnement a crié victoire suite à la fermeture de trente usines en janvier 2005 en raison de leur non-respect répété des normes anti-pollution, vingt-six d’entre elles avaient rouvert leurs portes après le paiement d’amendes ridiculement faibles.
La corruption et l’entregent de leurs dirigeants se sont avérés plus puissants que les aspirations d’une agence gouvernementale consultative. Ce comportement ne peut s’expliquer par une différence ou une tradition culturelle, prétexte si souvent utilisé pour légitimer tel dérapage ou telle incompréhension. Les entreprises chinoises ne sont en effet pas les seules à prendre des largeurs avec la loi : corruption, activités commerciales en dehors du cadre légal et non-respect du droit du travail, les groupes internationaux profitent de l’exemple de leurs partenaires ou adversaires locaux pour oublier leurs « bonnes » habitudes d’activité dans leur pays d’origine (où, certes, la justice et les syndicats veillent à leur maintien sur le droit chemin). Le cas récent de Siemens, dont une vingtaine d’employés de sa filiale chinoise a été licenciée lors des douze derniers mois « pour comportement inacceptable aux yeux de l’entreprise » et au centre d’une enquête de la part des autorités locales, confirme une réalité bien connue mais rarement démontrable. En entrant en Chine, les entreprises étrangères y ont perpétué les habitudes de corruption locales, comme celle des enveloppes gracieusement placées au milieu des dossiers de presse destinées aux journalistes chinois lors de toutes les conférences de presse, en guise d’indemnité de déplacement.
Alors qu’une course en taxi dans Pékin coûte au plus 25 yuans (2,5 euros), les représentants de la presse reçoivent deux cents à trois cents yuans (20 à 30 euros), parfois plusieurs milliers de la part des industries du luxe (sachant que le salaire mensuel d’un journaliste s’élève en moyenne à 3.500 yuans, soit 350 euros).
« Sans enveloppes, pas d’articles, nous avons déjà testé », se défendent-elles pour justifier leur maintien dans le processus de corruption généralisée de la profession. Une profession sensée justement dénoncer l’essor de ces pratiques et favoriser un changement de comportement. La boucle est bouclée. Comme quoi, au lieu d’exporter au sein du pays du milieu ses pratiques commerciales, les sociétés étrangères pourraient bien finalement intégrer celles de leur hôte.
À Pékin, Tristan de Bourbon