Le paraben, un conservateur présent tant dans la bouffe que les produits cosmétiques, inquiète les scientifiques. Mais les labos ont trouvé la solution, vanter une gamme sans paraben, à côté de leur gamme classique.
Chez Marionnaud, les clientes veulent du « sans paraben », mais elles ne savent pas ce que c’est… Ce produit mystère appartient à une famille de conservateurs dérivés du pétrole, et évite que les crèmes de beauté pourrissent en deux jours. Comme elle et ses parents se révèlent très efficaces et généralement bien tolérés, on en trouve à peu près partout. Crèmes, dentifrices, maquillages ou déodorants en contiennent, mais aussi de nombreux aliments comme le jambon ou les pâtisseries industrielles. Il y a cinq membres dans la famille : le méthyl, l’éthyl (inoffensifs tous les deux), le propyl, le butyl et l’isobutylparaben (beaucoup plus douteux).
En France, la saga du paraben commence en 2005. Reprenant une étude britannique, l’émission Envoyé Spécial met le feu aux poudres en dénonçant son potentiel cancérigène. L’étude est contestée mais d’autres recherches, beaucoup plus fiables, ont suivi cette publication. « Aujourd’hui, il y a un consensus scientifique contre le paraben », explique le Dr Maurice Rabache, toxicologue. En particulier, les recherches ont montré que celui-ci agissait comme « perturbateur endocrinien ». En clair, cela veut dire qu’il pourrait bien jouer un rôle dans la stérilité masculine et le développement des cancers du sein ou des testicules.
L’Union Européenne, pour sa part, s’est intéressée à la question dès 1976. Avec la directive « cosmétiques », elle publiait une liste des produits chimiques interdits ou règlementés. Le paraben y est autorisé sous un certain seuil. Cependant, rien n’est prouvé de façon certaine. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) conclut donc, en 2005, qu’il n’y a pas lieu de condamner le paraben. Bien sûr, ces résultats sont très controversés…
« Compte tenu de leurs propriétés, dénonce Maurice Rabache, on a toutes les raisons d’écarter le butyl et l’isobutylparaben du marché. Ce sont les plus risqués, et malheureusement les plus fréquents. » Et pour cause, la science a fait des progrès depuis 2004. Comme l’explique Maurice Rabache, la notion de seuil n’est plus valable pour les bébés et les fœtus. Le paraben serait donc potentiellement dangereux pour les femmes enceintes et les petits, même sous la limite fixée par l’UE.
« La deuxième chose qu’on néglige complètement, affirme pour sa part le Dr Olivier Toma, président du Comité pour le développement durable en santé (C2DS), c’est l’accumulation des produits chimiques dans notre quotidien. » Une constatation qui donne le frisson, notamment si l’on considère la manière dont les cosmétiques sont mis en circulation. Aucune autorisation de mise sur le marché n’est délivrée par les autorités sanitaires. Nul besoin de prouver l’efficacité ou l’innocuité du produit, du moment que le cosmétique ne contient aucune substance interdite par la directive européenne. Or il existerait, selon Olivier Toma, bien d’autres substances potentiellement toxiques mais autorisées.
Il est clair que la France est en retard sur la question des produits chimiques, en particulier du paraben. Pour les scientifiques et les médecins comme Dominique Belpomme, cancérologue renommé, c’est la puissance de l’industrie chimique qui en est la cause. « Le lobby de la chimie, critique ce dernier, refuse de voir la facture sanitaire qui existe. »
Face à ces critiques, l’industrie cosmétique fait le gros dos. Officiellement, le paraben est un excellent conservateur accusé à tort dans un « faux débat ». Officieusement, les laboratoires lancent des recherches, au cas où l’Union Européenne viendrait à franchir le pas de l’interdiction.
Mine de rien, des laboratoires comme Yves Rocher, Klorane ou La Roche-Posay se sont donc empressés de développer leur propre gamme de produits sans paraben. Toute la nuance est dans la communication. Pas question de valoriser le « sans paraben », puisque tous leurs autres cosmétiques en contiennent. Ils préfèrent donc la mention « sans parfum, sans conservateur », plus neutre.
Chez Avène, une gamme de pédiatrie sans paraben a été lancée il y a deux ans. « On ne l’a pas fait à cause de la polémique actuelle, se défend-t-on, mais parce qu’on pensait qu’il pouvait provoquer des allergies dans les années 1990. » Depuis, le risque a été largement écarté et le raisonnement ne tient plus.
Reste que l’absence de paraben est un excellent argument commercial. « Les ventes de Sanoflore ont grimpé depuis qu’on communique là-dessus » confie une vendeuse de chez Marionnaud. À tel point que certains, comme la jeune marque Zèbre Rouge, sont priés par leur distributeur d’afficher le « sans paraben » pour accélérer les ventes.
De l’avis des scientifiques, la mode du « sans paraben » pose néanmoins un sérieux problème : la qualité des produits de substitution. « Les petits laboratoires qui n’ont pas les moyens, s’inquiète Maurice Rabache, risquent de remplacer le paraben par des produits qu’on connaît mal. » Donc, à nouveau, potentiellement dangereux.
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S ils peuvent établir une liste des produits toxiques, ils doivent pouvoir, en s’en donnant la peine, établir une liste de produits non toxiques ?
Donc contraindre les industries chimiques et cosmetologiques à l utilisation exclusive de ces produits non toxiques ?
On ne contraint pas les lobbies ? Ahhhhhh booonnnn !