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Cameroun : le SDF à découvert

mercredi 6 septembre 2006 par Moussa Ka
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Le principal parti d’opposition, anglophone de surcroît, subit une énième crise. Pour le plus grand bonehur du présidetn camerounais, le sphinx Popol Biya.

Alors que la classe politique et médiatique camerounaise a les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales, les municipales et les législatives de 2007, c’est un cadavre qui hante la rentrée politique au pays de Paul Biya : le cadavre de Grégoire Diboulé, retrouvé atrocement mutilé, le 26 mai dernier, dans une rue de Yaoundé.

Militant du Social Democratic Front (Sdf) – le principal parti d’opposition – mais partisan de la faction qui lutte contre la mainmise du leader historique – le charismatique Ni John Fru Ndi – sur le parti, le pauvre Grégoire Diboulé risque de faire parler de lui pendant de longs mois encore. Car depuis l’inculpation, le 23 août, de Fru Ndi par le juge chargé de l’affaire, l’opposition camerounaise, déjà bien mal en point, n’est plus désormais que l’ombre d’elle même.

Si les circonstances exactes du meurtre de Diboulé restent floues, les spéculations et accusations vont bon train dans la presse camerounaise. Les uns accusant « le Chairman » d’avoir commandité l’assassinat pour intimider (ou châtier) ses challengers, les autres pointant la responsabilité de Bernard Muna, leader de la fronde anti-Fru Ndi au sein du Sdf. Les frères ennemis de l’opposition s’accusant mutuellement de faire le jeu du président camerounais Paul Biya, c’est le rôle du pouvoir en place dans cette affaire qui intrigue les observateurs. Nul n’ignore en effet que cette guerre fratricide arrange bien Popaul et ses comparses du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), l’ancien parti unique au pouvoir depuis sa création en 1985.

S’interrogeant, quelques jours après le meurtre de Diboulé, sur la passivité des autorités lors de la tragique échauffourée du 26 mai et rappelant les méthodes « dictatoriales » de Fru Ndi, le quotidien Le Messager (30 mai) avançait l’hypothèse d’une « complicité » objective entre Fru Ndi et le Rdpc pour maintenir le stérile statu quo politique et disqualifier l’émergence d’une opposition crédible – et gênante pour l’un comme pour l’autre – à l’intérieur du SDF. Et Le Messager d’aller assez loin dans sa logique : certes les magouilles électorales lors des élections de 1992 avaient permis au Rdpc de voler la victoire d’un Sdf alors au fait de sa puissance, estimait rétrospectivement le quotidien, mais « c’était un acte salutaire car Fru Ndi et ses partisans projettent plutôt des images des sanguinaires Fodé Sankoh de Sierra Léonne et Charles Taylor du Liberia ». Paul Biya ou le chaos…

Paul Biya ou le chaos

Une thèse qui est loin de convaincre ceux qui voient plutôt dans l’affaire Diboulé une pure et simple manipulation. Constatant que le crime ne peut profiter qu’à Popaul et à ses affidés, le journal satirique Le Popoli s’attaque au clan Muna trop sensible à son goût aux œillades langoureuses que lui adresse le pouvoir (1er septembre). « Un sympathisant de la faction SDF- Muna n’a de cesse de nous confier que ce n’est pas de l’extérieur qu’on pourra changer le système », signale le journal qui sait combien d’« opposants » se sont ainsi laissés museler en acceptant quelques futiles strapontins ministériels. Le Popoli s’interroge sur un possible «  complot » monté par le pouvoir (25 août) et sur la « responsabilité » de Muna dans la mort de Diboulé (1er septembre)…

« Le Sdf a été, à maintes reprises, l’objet de déstabilisation consciente et organisée, rappelle pour sa part Le Jeune Observateur (29 août). Chaque fronde au sein de ce parti est toujours encouragée, voire suscitée, par les intellectuels du pouvoir qui font miroiter à ceux qui demeurent dans l’opposition des perspectives plus heureuses que celles qu’ils perçoivent à travers les jumelles du Chairman ». « La justice, ajoute le mensuel de Douala, veut se servir [de l’affaire Diboulé] pour porter enfin un coup fatal au leader du SDF » sur lequel plane désormais la menace d’une condamnation.

L’hebdomadaire Le Front (28 août), qui fustige « l’intolérance » d’un Fru Ndi « plus prompt à sortir des gourdins et des machettes » qu’à combattre ses concurrents avec les armes du débat démocratique, tente quant à lui de revenir aux sources du conflit fratricide qui oppose Bernard Muna et John Fru Ndi. Un conflit qui, selon le bi-hebdomadaire, trouve son origine dès 1990, à l’époque où le SDF ouvrait héroïquement la voie du multipartisme. John Fru Ndi n’était alors que « la marionnette » de Bernard Muna (et de quelques autres), croit savoir Le Front. Selon cette «  version confidentielle et interdite » de l’histoire du SDF, l’homme de paille aurait peu à peu pris goût au pouvoir au point de finalement refuser de « laisser la place à ses commanditaires » qui essaient aujourd’hui de remettre la main sur le parti. Un conflit ancien donc, dont Grégoire Diboulé a fait les frais seize ans plus tard et que le pouvoir en place a tout intérêt à entretenir comme il l’a fait jadis avec d’autres partis qui n’ont plus d’« opposition » que le nom.


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