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Cameroun, des prisons à la Kondengui

mercredi 24 janvier 2007 par Moussa Ka
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En janvier 2006, la mutinerie des détenus de la prison de New Bell (Douala) a été réprimée dans le sang par les gardiens. Un an plus tard presque jour pour jour, ce sont les gardiens de la prison centrale de Kondengui (Yaoundé) qui se sont révoltés. Et ce sont les gendarmes qui ont été chargés de mater les matons…

Ceux qui connaissent de l’intérieur les prisons du Cameroun en donnent des descriptions à faire dresser les cheveux sur le tête. Le mot « enfer » [1] revient comme un refrain, difficile à entonner pour le profane.

La prison de Kondengui

Pas facile de pénétrer dans ces « mouroirs de la République » [2] , sorte de boîtes noires du régime Biya. C’est donc devant les portes du pénitencier de Kondengui que nous attend Jérémie. Gardien de prison depuis plus de vingt ans, il s’y connaît en geôles camerounaises. Il accepte, à condition qu’on taise son nom, de nous expliquer «  le problème ».

En guise d’introduction, Jérémie nous montre le camion stationné devant la lourde porte. Un camion à bestiaux, dans lequel on charge une foule de prévenus qu’on emmène au Parquet. « C’est notre seul camion, commente-t-il. C’est avec ça qu’on fait tout : transport du bois, évacuation des cadavres, transfert des prisonniers. Du coup, on passe notre temps à l’attendre. On l’attend au tribunal quand il est à la morgue… et à la morgue quand il est au tribunal ! ».

C’est précisément en immobilisant le camion – et en bloquant ainsi le tribunal à quelques heures de l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénal camerounais – que les gardiens de prison ont lancé leur grève, le 28 décembre dernier, en dépit d’un statut qui leur dénie théoriquement ce droit [3].

« Il faut bien trouver le moyen de se faire entendre  » [4], se sont justifiés les protestataires, qui réclament en vain, depuis des années, l’harmonisation de leur traitement avec celui des autres hommes en tenues (militaires, policiers, etc.).

Leurs pénibles conditions financières poussent les gardiens à se lancer dans des trafics en tout genre avec les détenus. « Il faut bien vivre », constate Jérémie. L’autre façon de grappiller quelques billets, florissante depuis que Paul Biya a décidé de « lutter contre la corruption », consiste à faire le larbin auprès des hiérarques embastillés. Lesquels attendent leur comparution dans leurs cellules VIP, en continuant à faire impunément fructifier leurs avoirs par correspondance…

Chiffres

d’après Hippolyte Sando, Derrière les murs, l’enfer : l’univers carcéral en question, Catholic Relief Service, Août 2005 :

  Le Cameroun compte 73 prisons : 10 prisons centrales, 40 prisons principales, 23 prisons secondaires
  Ces prisons hébergent plus de 20.000 détenus pour une capacité de 6.707 places, soit une surpopulation carcérale de 77%.
  Personnel d’encadrement : 3.049 personnes (chiffre de 2003)
  En août 2000, les prisons camerounaises comptaient 1124 détenus étrangers (souvent de pays limitrophes), soit 6%
  Les prévenus représentent entre la moitié et les trois quarts de la population carcérale. 85,52% des personnes incarcérées à la prison centrale de Yaoundé (mars 2002) et 71,34% des personnes incarcérées à la prison centrale de Douala (juillet 2005) étaient en détention préventive.

Car tout le monde n’est pas logé à la même enseigne à la prison de Kondengui, loin s’en faut. Il y a ce qu’on appelle les « quartiers résidentiels » où dorment confortablement les bandits à cols blancs [5], et les « quartiers populaires » où l’on entasse les miséreux à quarante par cellule. Coincés entre l’arrogance des « détourneurs de deniers publics » et les menaces de ceux qui croupissent avec les rats et les cafards, les gardiens sous-payés n’en peuvent plus.

Mais les autorités camerounaises font la sourde oreille, comme à l’habitude.

Prétextant de l’illégalité de la grève, «  la faute la plus grave que puisse commettre un homme en tenue », le ministre de la Justice, Amadou Ali, a préféré envoyer la troupe, le 2 janvier, pour mater les matons. Une virile bastonnade, en guise de dialogue social, dont les détenus des « quartiers populaires » ont profité pour mettre le pénitencier à feu et à sang, et rafler quelques produits prohibés (deux détenus sont morts après avoir vidé quelques fioles alcoolisées à l’infirmerie). Cette flambée de violence, qui s’est rapidement répandue à travers le pays, s’est soldée par une purge sévère : seize directeurs de prisons ont été remplacés et une centaine de gardiens suspendus [6].

« Tout ça est assez regrettable, conclut Jérémie, placide. Le bas-peuple n’a jamais la parole dans ce pays ! C’est la dictature ou… ». Comme s’il avait parlé trop vite, ou trop fort, Jérémie s’interrompt brusquement. Car depuis quinze jours, depuis la purge, ce sont les gendarmes qui montent la garde à Kondengui. Et surveillent d’un même œil les détenus échaudés et les gardiens rescapés des foudres ministérielles.

Suite de l’article : Pierre, le prisonnier in Bakchich# 19

[1] Voir l’ouvrage d’Hippolyte Sando, Derrière les murs, l’enfer : l’univers carcéral en question, Catholic Relief Service, Août 2005

[2] Le Messager, 27 décembre 2004, que sont les prisons camerounaises

[3] Décret n°92/054 du 27 mars 1992

[4] Mutations, Affaire Sic : Les gardiens de prison bloquent le procès, 29 décembre 2006

[5] Les fameux détourneurs de deniers publics, « DDP » pour les intimes…

[6] La Nouvelle Expression, Prisons : Amadou Ali choisit la répression, 8 janvier 2007

Voir en ligne : in Bakchich # 18

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3 MESSAGES

Forum

  • Cameroun, des prisons à la Kondengui
    le mercredi 24 janvier 2007 à 22:48, Paul Okili-Boyer a dit :

    Aucune différences avec les Prisons Gabonaises.

    dans notre Afrique centrale , ou le respect de l’Individu n’est encore que vague "Parlotte" , le complexe du "petit chef"fait encore plus de dégat qu’autre chose , a voir les "Enormes Vices contre-nature" et fautes envers l’Etre Humain des Dirigeants de Nos Pays , certaines personnes tels les Gardiens de Prisons se prennent a vouloir être au dessus de ceux qui pour un temps devraient être seulement sous leur Garde , des conditions de vie Précaires et des insanitées permanentes , des brimades a toutes les sauces , voila le quotidien des détenus d’Afrique centrale . Ignoble est la position de Nos dirigeants qui en laissant faire , pensent donner un pouvoir a ces petits chefs d’un instant , a tel point que pour beaucoup de détenus , la seule solution est tres souvent de pactiser avec les bourreaux . On pourrait appeler celà "le Syndrome de Stockholm sous l’equateur.

    Ayant passé 8 années en Prison politique de Bongo le (Gabonais) de 1975 à 1983 dans des conditions guere meilleures que celles relatées ici , je suis content que par des écrits tels un peu d’Humanité se révèle dans l’esprit de ceux qui peuvent lire ces lignes.

    d’ailleurs en ce moment portant aupres du Conseil aux Droits de l’Hommes (instance mis en place par l’onu en l’année 2006)une plainte pour arrestation arbitraire , sequestrations , enlevement d’un opposant (moi en l’occurence) et Tortures sur ordres d’Omar Bongo Ondimba à cette époque encore Albert bernard Bongo ce qui rentre dans le cadre dans la droite ligne des articles de ce conseil relatives a la disparitions des Personnes , ce conseil aparentant de tels faits a "un crime contre l’Humanité" donc sans prescription de temps ), Vos Articles Cher Bakchih permettent de reveiller les mentalités sur ces problême qui montrent la duplicitée et la perversité de nos dirigeant d’Afrique centrale , Bongo en Particulier dans mon cas

    Paul Okili-Boyer

    • Comment cela se passe en Afrique centrale
      le jeudi 25 janvier 2007 à 12:30, Paul Okili - Boyer a dit :

      en téléchargeant ce dossier ceux qui le desirent peuvent voir comment une cour de sureté de l’Etat gabonaise décide , ensuite libère conditionnellement et comment le premier magistrat d’un Pays (Le Président )fait enlever en territoire Etranger , droguer , kidnapper , réincarcerer , un ressortissant Franco-gabonais (vous avez la première partie du dosssier , Aux droits de l’Homme à Génève) C’est aussi cela la France-afrique.

      Paul Okili-Boyer

      Frères d’Afrique centrale , Vos souffrances sont aussi les Notres , merci a Bakchich.info de le rappeller

    • Cameroun, des prisons à la Kondengui
      le mardi 27 mars 2007 à 02:13
      M. OKILI Paul BOYER, j’aimerai bien vous contacter au regard de vos articles , semblez bien informé sur l’Afrique.
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