Nos petits vieux se pèlent les miches depuis plusieurs semaines. Les bons conseils d’un médecin pour se réchauffer. Au programme, sport, écharpe sur le nez et soirées non alcoolisées.
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) vient d’ouvrir ses grands yeux sur son thermomètre pour constater une chose « Mince c’est l’hiver et il fait froid » ! Immédiatement on lance le logiciel à conseils, en oubliant trop les petits vieux qui se dessèchent presqu’autant par grand froid sec avec fort chauffage que par temps de canicule. Cette sécheresse qui transforme les muqueuses en carton fissuré où les germes entrent avec appétit. Sportifs de tous le pays, si vous avez sous la main un vieux papy, une vieille mammy, si vous travaillez dans une maison de retraite, sonnez l’alerte, il faut humidifier les ancêtres : douches et verres d’eau.
Que dit l’Institut national de prévention qui ne se passionne pas pour le sort des aïeuls ? Il dit à tout le monde, sportifs compris, mais sans nuance : « limitez les efforts physiques », « évitez l’alcool qui ne réchauffe pas », et si l’on sort, se couvrir le nez « pour respirer moins d’air froid ». Alors qu’en réalité, si l’on est en bonne santé, rien n’empêche de faire du sport à l’extérieur, notamment de courir (attention quand même aux glissades) par une température inférieure à zéro degré, à condition d’être entraîné, bien alimenté et vêtu de façon appropriée. Prêts ? Partez !
La course à pied réchauffe, je pense que ce phénomène est bien connu. Corollaire de cet effet, qui est l’opposé de celui produit par le froid, il permet aux joggers les plus mordus de bien tolérer les basses températures. C’est sans doute cette vérité qui a autorisé Jean Giraudoux à écrire : « Ce sont les nations qui ont les meilleurs coureurs à pied qui sont arrivés aux pôles ». Mais ici la question n’est pas on se les pôles, mais on se les pèle.
Donc, la meilleure façon de lutter contre le froid, c’est de faire de l’exercice. Mais il faut savoir courir en gardant son sang froid. Affronter le froid n’est pas sans risques surtout si l’on souffre – comme 40% des hommes de plus de quarante ans – d’insuffisance des artères nourricières du cœur. Ainsi, chez ces derniers, lors d’une sortie pédestre, le froid et le vent, en augmentant le travail du cœur et en réduisant le calibre des vaisseaux sanguins, peuvent occasionner des attaques cardiaques. Dans les pays nordiques, la plupart des morts naturelles liées à un exercice physique « de détente » interviennent chez des skieurs de fond alors qu’ils sont en pleine glisse. Il faut dire que dans ces pays où il arrive que l’on s’ennuie grave, nombre de vétérans, donc des garçons exposés à la crise, font du sport. En conséquence, les personnes atteintes de rétrécissement des artères du cœur doivent bien connaître leurs limites et s’abstenir de jogger lorsque la température extérieure chute vers 0. A fortiori si le vent s’en mêle. Pour lutter contre les températures « sibériennes » qui s’installent actuellement sur la France, il convient d’abord de limiter les fuites de chaleur.
La vasoconstriction cutanée est le premier mécanisme qui entre en jeu pour conserver cette chaleur animale. Il a pour effet d’arrêter l’irrigation sanguine de la peau, notamment au niveau des pieds et des mains. Ainsi, l’épiderme se refroidit et diffuse moins de chaleur dans le milieu ambiant, comme si votre auto roulait sans radiateur. En d’autres termes, la peau et les tissus superficiels ont alors une fonction isolante qui permet de préserver la température du reste du corps, le coureur se fait une carapace. Et les sportifs qui, par ailleurs ont des muscles plus développés et mieux irrigués que les sédentaires, résistent mieux au froid. En résumé, nous gardons le cœur chaud parce que nous avons la peau froide !
Le second moyen de lutter contre le froid c’est de fabriquer plus de chaleur. Élémentaire. Une nourriture abondante est donc nécessaire car elle favorise la production de chaleur par l’organisme. A ce sujet, les glucides ou sucres, en raison de la vitesse de leur utilisation par les cellules musculaires et cérébrales sont plus efficaces que les graisses et surtout les protéines. Le troisième moyen de lutte essentielle, si vous n’y avez pas pensé, c’est le vêtement.
L’air étant un excellent isolant, la valeur de la plupart des tissus utilisés pour confectionner les vêtements est fonction de la quantité d’air qu’ils renferment. En gros, votre textile est comme une bouée. Ainsi, les Esquimaux, confrontés à des températures extrêmes, ont adopté comme tenue habituelle la peau de caribou, en raison de la grande quantité de cet air sec susceptible de s’accumuler entre les poils et à l’intérieur même de ceux-ci. Selon ce principe, il est préférable de revêtir plusieurs pelures, même minces, qu’une ou deux très épaisses. Ici c’est comme pour la bêtise, plus il y a de couches plus c’est efficace. Avantage supplémentaire : lors d’une activité sportive ou lorsque la température se réchauffe, on a la possibilité de retirer un ou plusieurs maillots. Attention aux vêtements mouillés et même simplement humides : à la même température, le pouvoir de refroidissement de l’eau est 25 à 35 fois supérieur à celui de l’air. Attention aussi aux vêtements sales, qui perdent leur élasticité et une bonne partie de leur pouvoir isolant. D’ailleurs ils puent. A propos de vêtement je rigole quand je vois des gardiens de buts, au foot, qui, dans un froid de gueux, continuent de porter des maillots « à la Barthez », c’est-à-dire aux manches coupées !
Aujourd’hui, les nouveaux matériaux textiles dits techniques, permettent d’évacuer la transpiration tout en conservant la chaleur. Le sous-vêtement en coton de nos vertes années doit être définitivement banni car il garde la sueur au contact de la peau. Un point important : le vent augmente la vitesse de refroidissement. On peut parfaitement courir deux heures par – 12° C sans problème particulier (si, bien sûr, on est entraîné) ; alors que si cette même température s’associe à un vent de 30 km/h, le refroidissement deviendra vite insupportable puisqu’il correspondra à une température de – 34° C sans vent ! Lors d’un footing, il est capital de choisir son parcours en fonction de la direction du vent.
Le vent augmentant les effets du froid, il est judicieux de l’avoir contre au début et dans le dos au retour (en espérant que lui même ne tourne pas…). Sur le chemin du retour, l’humidité produite à l’aller s’évapore sous l’effet du vent en déterminant un refroidissement encore plus net (ce n’est pas une bonne raison pour ne pas rentrer à la maison). Pour se protéger efficacement du vent, il existe des vêtements en « goretex » qui laissent s’échapper la transpiration mais ne laissent ni le vent ni l’eau pénétrer. Certaines parties du corps comme la tête, l’abdomen, les organes génitaux et surtout les mains et les pieds - « les points froids » de l’organisme – présentent une très grande surface par rapport à leur volume et se refroidissent rapidement. Il est donc recommandé de bien protéger ces extrémités aux extrêmes rigueurs !
Les gants, socquettes et chaussures doivent être choisis en fonction de leurs propriétés isolantes : suffisamment amples et opaques au vent. Pour les trainings, il est faut prendre une pointure de plus et réchauffer ses gants sur le radiateur avant de se mettre en route. Un bonnet de laine et un foulard protègent bien sûr la tête et le cou puisqu’ on peut perdre, dans certaines conditions, jusqu’à 70% de la chaleur corporelle par le cuir chevelu, la tête et le cou ; dans ce cas, pour stopper les fuites, l’organisme s’adapte en limitant la circulation sanguine vers les pieds et les mains qui, alors, se refroidissent. Le vêtement extérieur de la tenue hivernale du jogger doit être de teinte sombre (bonnet, survêtement, coupe-vent, gants, chaussures, chaussettes) puisque le noir absorbe beaucoup mieux le rayonnement solaire lorsque ce dernier est présent. Toutefois, pour assurer sa sécurité, il ne faudra pas oublier de fixer sur la tenue de course, à des endroits bien visibles, des pastilles réfléchissantes.
Lorsque le parcours est terminé, le jogger est trempé de sueur, mais l’évaporation et le refroidissement continuent au même rythme que durant l’exercice. L’équilibre thermique se trouve ainsi bouleversé et, en quelques minutes, la température qui était montée pendant l’effort, peut descendre et atteindre en peu de temps des degrés en-dessous de la normale : en peu de temps. Quand on s’arrête, il faut donc rester actif et ne pas poser son cul sur un banc. Puis, sans trop attendre, on se passe une serviette sur le corps et on enfile des vêtements secs. Et l’alcool, le tonneau du Saint-Bernard dans tout ça ? Et bien son contenu dilate les vaisseaux sanguins cutanés et fait affluer le sang en périphérie, ce qui accroît la fuite thermique.
Le troisième conseil de l’Inpes : se couvrir le nez « pour respirer moins d’air froid » concerne là enfin les sujets cacochymes progressant à deux à l’heure. En effet, lorsque l’air est glacial et la vitesse de déplacement modérée, il vaut mieux inspirer par le nez et expirer par la bouche afin de faciliter le réchauffement de l’air froid avant qu’il ne s’insinue dans les alvéoles pulmonaires. Mais pour des athlètes comme vous, il est cependant difficile de garder les lèvres serrées lorsque « on pousse une pointe de vitesse » ! Le risque de se geler les poumons est nul puisque la bouche et la gorge sont adaptées pour humidifier et réchauffer l’air absorbé. D’après le Dr Rob Johnson, de l’état du Minnesota (USA), (vous voyez que je ne vous cite pas n’importe qui), de l’air inhalé à – 41° C est porté à + 37° C avant de parvenir au fin fond des poumons.
Si malgré tout vous ressentez des picotements dans la gorge, ils ne sont sont pas la conséquence du froid mais du faible taux d’humidité qui, en général, accompagne celui-ci. Quant aux Russes, ils ont fait une étude du « frost jogging », c’est à dire courir en short et en tee-shirt lorsque le mercure descend à – 10° C. Pour ces experts russes : « C’est le meilleur moyen pour avoir la santé, cela permet d’éviter les gros rhumes. » Et l’auteur de l’étude n’évoque même pas la rasade de vodka… En conclusion, celui qui déploie une activité physique tolère bien les basses températures puisqu’une activité musculaire intense assure à toutes les parties du corps une protection suffisante. Pour commencer cet article par les petits vieux et le terminer par les têtes blondes, on va dire qu’il faut limiter à – 15° C la température en-deçà de laquelle les exercices et les sports peuvent être prohibés dans les écoles. Dans les compétitions de ski de fond, la limite est fixée à – 20°. De vraies gonzesses !
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