Beigbeder, de l’électrique à l’éclectique

La remise du rapport de Charles Beigbeder est venue ajouter à la liste déjà longue et pourtant en permanent allongement des textes que le Président de la République a commandé, un nouveau document sans que l’on sache quelles sont les intentions ultimes de l’Élysée. Le sémillant fondateur de Poweo, le fournisseur d’électricité et de gaz qui rêve de bousculer ce marché en France, a repris dans ses conclusions un appel à la concurrence digne de ce que la commission Attali devrait également proposer, rappelant ce que dans le domaine de la collecte de l’épargne, Michel Camdessus a illustré de son côté en demandant la fin du monopole de distribution du livret A. L’époque est ainsi à la défense de la concurrence. Le consommateur est désormais supposé être le roi de la politique économique actuelle. On veut augmenter son pouvoir d’achat, on rêve de le voir bénéficier de baisses de prix grâce à la multiplication des magasins à grande surface et à la multiplication des entreprises proposant des produits « low cost ».

Seul bémol, on ne souhaite pas que ce consommateur prenne trop la parole. Le serpent de mer de la mise en place d’un droit favorable aux « class action », c’est-à-dire à l’action juridique concertée de personnes s’estimant flouées, nourrit un étrange feuilleton. Régulièrement mise à l’étude, elle est à chaque fois renvoyée aux calendes grecques. Charles Beigbeder ne se prive pas de dire qu’il aurait voulu en parler dans son rapport. Mais Bercy, qui attend bien évidemment avec impatience et intérêt les travaux de tous ces experts indépendants abondamment sollicités par le président de la République, veille tout de même au grain pour que tout cela ne vienne pas déranger son action politique à long terme.

Beigbeder a donc consenti à ne pas évoquer la « class action » dans le document final. S’il s’est montré coopératif, c’est qu’il commence à se sentir pousser des ailes. L’annonce officielle faite par Jacques Attali dans la presse sur sa volonté de ne pas prendre de responsabilités gouvernementales au printemps prochain traduit la lassitude générale qui entoure les travaux de la commission qu’il préside. Les relations au sein de la dite commission ne cessent de se détériorer et de plus en plus de participants se montrent agacés par les longues digressions de l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand. Résultat, Charles Beigbeder se verrait bien en concepteur ultime d’une politique de croissance qu’il pourrait superviser depuis une fonction ministérielle.

Néanmoins, dans le jeu de chaise musicale qui voit régulièrement Christine Lagarde quitter Bercy malgré la légitimation électorale qu’elle va aller chercher aux élections municipales, un nom est en train de faire une remarquable percée, celui de Luc Chatel. Le secrétaire d’État à la consommation communique habilement et il s’est plutôt bien tiré de ses prestations au Parlement. UMP tendance libérale, il a su gagner la confiance des gaullistes nostalgiques à la Guaino. Son seul handicap est que Raffarin l’a pris en grippe du fait de ses déclarations répétées contre la loi que l’ancien Premier ministre avait fait voter en son temps sur l’encadrement des implantations commerciales. Mais est-ce vraiment un handicap d’avoir Raffarin comme ennemi ?