L’organisation altermondialiste a déposé une plainte vendredi 13 juin à Lausanne. Attac accuse la multinationale Nestlé et Securitas de les avoir espionné pendant une année. « Bakchich » revient sur l’affaire, révélée en Suisse la semaine dernière.
L’histoire peut se raconter ainsi : le 9 juin 2004, les militants d’Attac dans le canton de Vaud, en Suisse, organisent une conférence de presse. Ils viennent de sortir leur premier livre : Attac contre l’empire Nestlé, un ouvrage préfacé par Susan George, l’une des figures les plus respectées de l’altermondialisme. Le numéro 1 mondial de l’agro-alimentaire a son siège à Vevey, une petite ville sur les bords du lac Léman.
Les rédacteurs d’Attac n’y vont pas par le dos de la cuillère. « Alors que Nestlé empoche des profits gigantesques, elle est accusée par des syndicats aux quatre coins de la planète de fouler aux pieds le droit du travail. La multinationale met par ailleurs la clef sous la porte de nombreuses usines jugées pas assez rentables, supprimant ainsi des centaines d’emplois », écrivent-ils.
L’auteur de l’article assistait à cette conférence de presse, qui se déroulait à l’université de Lausanne. Alors que le livre a été rédigé par huit militants d’Attac, sept seulement posent pour la photo. Sur le moment, personne ne prête attention à l’absente. Elle se fait appeler Sara Meylan. Cette jeune femme « sympathique et timide », qui a participé pendant un an à la rédaction du livre Attac contre l’empire Nestlé, disparaît dans la nature, sans laisser d’adresse ni de numéro de téléphone.
Quatre ans plus tard, l’émission « Temps présents » de la Télévision suisse romande révèle que cette jeune femme, qui empruntait une fausse identité, était un agent de la société Securitas, travaillant pour Nestlé. En clair, Le numéro 1 de la crème glacée et du chocolat aurait infiltré et espionné le mouvement altermondialiste, de l’automne 2003 à l’été 2004.
Ni Securitas ni Nestlé ne reconnaissent les faits. Le premier admet toutefois que des missions de surveillance de groupements tels qu’Attac rentraient dans les prestations qu’il pouvait fournir. La multinationale se contente de rappeler qu’elle a le devoir de veiller à la sécurité de ses employés et de ses installations. Nestlé indique avoir pris « les mesures appropriées », en étroite collaboration avec Securitas et la police cantonale vaudoise.
« D’une part, la police vaudoise savait que les milieux altermondialistes étaient infiltrés par une société privée. D’autre part, cette taupe a eu accès aux contacts qu’Attac entretient avec des syndicalistes travaillant dans des entreprises Nestlé dans le tiers-monde », souligne Jean-Philippe Ceppi, journaliste à « Temps présent ». On peut imaginer les conséquences pour certains ouvriers ivoiriens ou colombiens…
Les auteurs du livre ont annoncé vendredi qu’ils déposaient une plainte pénale contre « Madame X », la mystérieuse espionne recrutée par Securitas. « Nous attaquons au pénal pour violation du domaine privé par des moyens illégaux, comme des enregistrements ou des photographies pris à l’insu des personnes. Nous menons également une action civile pour tort moral, atteinte à la personnalité », explique Michel Dolivo, l’avocat d’Attac à Lausanne.
Le sénateur Vert Luc Recordon va demander au Conseil fédéral (le gouvernement suisse) de prendre position sur de telles pratiques et d’analyser si les bases légales actuelles sont suffisantes. C’est en fait là la vraie question. Les sociétés de sécurité privée bénéficient actuellement en Suisse d’un trou noir juridique qui leur permet, dans certains cantons, de faire à peu près ce qu’elles veulent.
Les auteurs du livre ont annoncé vendredi qu’ils déposaient une plainte pénale contre « Madame X », la mystérieuse espionne recrutée par Securitas.
Vs oubliez une plainte en cours, c/ Monsieur X, le mystérieux corbeau maître-chanteur….