Sauf parmi les Rohan, un seul Chabot dans notre histoire nationale : le capucin défroqué mort jeune à Paris, en 1794, sous la guillotine. Robespierre détestait ce débauché révolutionnaire et concussionnaire. Sûrement aucun cousinage entre lui et l’Arlette du même nom, cheftaine suprême à France-2. Sauf une aptitude comme familiale à perdre la tête en public. Lui, dans le panier à son. Elle à la recherche de l’audience. Puis il déblatérait à la Convention comme elle pérore à la télévision. Musique !
La paupière lourde, les traits inexpressifs comme d’habitude, Arlette organise un soir autour d’Indigènes l’un de ces faux débats dont elle raffole. Invités, le réalisateur du film, deux acteurs, puis Max Gallo comme historien, Philippe Séguin né à Tunis et sensé comprendre le Maghreb. Les émissions d’Arlette ne foncent pas toujours comme une locomotive. Accrocher la dernière au succès d’un spectacle profitera peut-être à l’audimat. Accessoirement, accrochage en seconde partie d’une dissert sur les incendies des banlieues avec Tapie en maître de conférence. La Vestale ne sait plus comment s’y prendre pour entretenir le feu sacré.
Glorifiée autrefois sans mesure sous le noble vocable de colonisation, dénigrée de nos jours sans plus de discernement avec le terme odieux de colonialisme, l’œuvre française outremer mélange selon les époques, les endroits, le meilleur et le pire, l’exemplaire et l’insoutenable, dans un magma où se côtoient héros et canailles. Une expérience personnelle, un savoir étendu permettent d’en parler sans dire trop de bêtises. Jamais à l’aise dans le contradictoire, Arlette opère plutôt dans le péremptoire. Pour soutenir l’épreuve, elle revêt ce soir-là un petit blouson de cuir. Un sujet militaire exige par définition des épaules au carré.
Dans la sereine balourdise de la Dame, l’émission ne vaut pas trois sous. Lieux communs, sottises vertigineuses, omissions grossières, interprétations intempestives se succèdent sans qu’à aucun moment elle ne distingue le vrai du faux, l’essentiel de l’accidentel. Arlette n’a ni la culture générale, ni l’intelligence historique suffisantes pour se hisser à des hauteurs très loin au dessus de sa cervelle. Mais elle y ajoute cette marque de fabrication si personnelle : le pesamment superficiel.
Bien entendu, tout le monde déplore le maintien des pensions des anciens combattants d’outremer aux taux outrageants de 1960. Le nom d’un seul homme politique français passe dans Indigènes, celui du Général de Gaulle. L’auteur même, le responsable de la mesquinerie financière dénoncée en commun. Avec Philippe Séguin, aux grosses prunelles sentimentales, Arlette tient justement assis à trois pas d’elle une sorte de gaulliste historique propre à fournir une explication. En bonne servante des intérêts en place, elle se garde bien de lui demander ses lumières. Mais ça vous glose interminablement sur la nation, le métissage, et patati, et patata pour ne rien dire.
Tapie en seconde partie du théâtre pour parler aux « jeunes ». À quel titre ? En droit, il a comme on dit « purgé » sa peine. Mais en morale, un individu passé sur décision d’un tribunal de son bureau de ministre à la prison de droit commun garde-t-il l’autorité suffisante pour servir de modèle aux adolescents ? Au train où elle fonctionne, Arlette finira bien par nous organiser un autre « débat » entre lui et Juppé sur la magistrature. Pour monter, elle n’en finit jamais de descendre.